Connue pour son combat contre le harcèlement, la journaliste Angela Kpéidja se prononce sur les » 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes « . Dans un style direct, la Présidente de l’Ong » N’aie pas peur « , estime que le combat contre les VBG, est une lutte de tout le monde…
Que vous inspire le thème des » 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes » ?, puisque vous êtes très présente sur l’espace virtuel.
» Les 16 jours d’activisme contre les violences faites au filles et aux femmes », sont très importants pour rappeler à nos mémoires les nombreuses femmes qui décèdent pour violences conjugales, les vies brisées par le viol, les projets professionnels compromis pour harcèlement et les tas de violences que nous subissons tout simplement parce que nous sommes des femmes. C’est aussi la période propice pour intensifier les activités qui sensibilisent et combattent la normalisation de ces violences surtout dans nos sociétés africaines. Au Benin par exemple, ce sont trois femmes sur 5 qui sont harcelées en milieu professionnel et ne parlons pas des milieux scolaire et universitaire, les statistiques ne sont pas disponibles en raison du silence imposé aux victimes et du système patriarcal qui a tôt fait de faire croire aux filles et aux femmes qu’il faut subir parce qu’ils ont décrété que nous sommes le « sexe faible ». Le mal s’est déplacé sur le monde virtuel, le numérique, et il faut intensifier la lutte.
Au delà du thème, que pensez-vous de cette activité qui dure deux semaines chaque année ?
Deux semaines chaque année, c’est très peu face à l’urgence de faire cesser tout ceci. Aujourd’hui, ces violences sont utilisées dans la plupart des conflits comme une arme et figurez-vous qu’elle est plus que redoutable parce qu’en réalité elle traverse les générations bien plus qu’une arme à feu! Imaginez le capital psychologique qu’une survivante d’un viol ou d’une violence quelconque de la part de son partenaire ou même au cours de ces conflits, peut léguer à sa descendance! On sait que les virus et bactéries se transmettent de la mère à l’enfant mais la transmission de ce type de stigmates est bien ignorée. Pourtant les femmes et les filles ne guérissent pas de ces violences, elles se réparent difficilement parce que rien est fait pour arrêter le cycle, tout lui rappelle dans la société son devoir : « sois belle et tais toi ! ». Pour avoir subi plusieurs types de ces violences , je puis vous affirmer que finalement on « survit » pour ensuite donner vie à des hommes et femmes programmés à hériter de no peurs, de nos colères, de nos envies de revanche… de tous ces sentiments par lesquels une femme violentée passe. Voyez-vous, pour moi le terrorisme puise ses origines dans cette inégalité entre homme et femme. Et le pire c’est qu’aujourd’hui parce que les filles ont compris, le tissu familial est aussi en danger. Ni les garçons, ni les filles ne veulent se marier et quel équilibre pour un enfant sans cellule familiale? C’est urgent de sauver le monde …
Quelle est selon vous, la panacée efficace et durable contre les VBG?
Pour moi, le changement de paradigme passera forcément par une profonde réforme des outils didactiques et l’éducation dans la cellule familiale. J’insiste aussi sur l’art par lequel j’entends les contes, le théâtre, les bandes dessinées, le cinéma et même le journalisme. Notamment si les journalistes commençaient à relayer autrement les histoires des survivantes ou traiter autrement ces informations, on réussirait déjà à changer le regard de la société sur les survivantes. Les médias et l’art ont une grande capacité de transformation, de mutation des sociétés.
Propos recueillis par Yves-Patrick LOKO
