La décision du Conseil des Ministres mercredi, 08 octobre 2025 d’approuver un complexe funéraire moderne à Abomey-Calavi, incluant un crématorium et une école de thanatopraxie est un signal fort de modernisation. Seulement, sa mise en œuvre soulève une question fondamentale : ce projet parviendra-t-il à surmonter les profondes résistances socioculturelles et religieuses qui encadrent les rites funéraires au Bénin ?
Le Complexe d’Abomey-Calavi, plus qu’un centre funéraire, c’est un incubateur de nouvelles pratiques, visant à transformer en profondeur la manière dont la société béninoise honore ses défunts. Seulement, ce complexe parviendra-t-il à surmonter les potentielles résistances socioculturelles et religieuses liées à l’introduction de la crémation, tout en imposant de nouvelles normes sanitaires et professionnelles ? L’introduction de la crémation est, en effet, sans doute l’aspect le plus délicat du projet. Au Bénin, comme dans de nombreuses sociétés d’Afrique de l’Ouest, l’inhumation est la pratique dominante, essentielle au culte des ancêtres. Le corps du défunt est considéré comme le point de contact entre les vivants et le monde spirituel.
La présence physique du corps, ou du moins de la sépulture (tombe), est cruciale pour les rituels et les offrandes. La célébration du 1er novembre (fête des morts ou Toussaint) en est illustrative. Ainsi, la crémation qui réduit le corps en cendres, pourrait être perçue comme une rupture de ce lien sacré, ou comme une offense à la mémoire du défunt, l’empêchant de rejoindre dignement le panthéon des ancêtres. Si les religions chrétiennes et musulmanes au Bénin ont des positions variées sur la crémation (l’islam l’interdit formellement ; les églises catholiques l’acceptent sous certaines conditions), l’attachement populaire à la tradition d’inhumation reste très fort.
Place au dialogue
Pour que le crématorium soit viable, le gouvernement devra donc mener un dialogue social et religieux intensif pour présenter cette option non pas comme un remplacement, mais comme une alternative moderne et écologique. Une campagne proactive est nécessaire pour démystifier la thanatopraxie (en insistant sur l’hygiène et la dignité) et présenter la crémation non pas comme une rupture avec les ancêtres, mais comme un choix personnel ou familial. En somme, le complexe funéraire est un test pour la capacité réformatrice de l’État béninois face aux traditions les plus ancrées. Le véritable chantier ne se trouve pas dans la construction des murs, mais dans le changement des mentalités.
Fifonsi Cyrience KOUGNANDE

