Au Bénin, le concubinage, union libre sans mariage légal, coutumier ni religieux prend de l’ampleur, surtout chez les jeunes. Selon le Recensement général de la population et de l’habitation (2013), à 18 ans, 33 % des garçons et 28 % des filles sont déjà engagés dans une union libre. Cette progression met en lumière un phénomène qui fragilise la société et expose les femmes et les enfants à de nombreuses vulnérabilités. La tendance est inquiétante.
Le concubinage, d’après l’experte en genre Tatiana Nwankpa, se définit comme une vie commune entre un homme et une femme sans cadre légal ni reconnaissance religieuse. Et, contrairement au mariage civil ou coutumier, il n’offre aucune protection juridique. « Le concubinage, c’est lorsque deux personnes de sexe opposé décident de vivre en couple, en union libre, sans aucune forme de célébration du mariage. Ils ont juste décidé de cohabiter », explique-t-elle. Le mariage, en revanche, aux dires de la consultante, est une union légitime. Les deux personnes qui s’y engagent consultent leur famille, prennent les dispositions au niveau de la loi, et, pour ceux qui ont la foi, au niveau de la religion pour que leur union soit bénie. Contrairement aux allégations, même si la famille est informée de la relation, cela ne constitue pas un mariage officiel. Pour que le mariage soit complet et reconnu, il faut passer par trois étapes : le mariage coutumier, le mariage civil et le mariage religieux. Le mariage coutumier, à travers la dot, est reconnu par l’État et constitue la première étape obligatoire. Ensuite, le mariage civil confère un statut juridique officiel, change le nom de l’épouse si elle le souhaite, et définit les droits et devoirs des deux époux. Enfin, le mariage religieux apporte la bénédiction spirituelle. Le concubinage n’est jamais un mariage, insiste Tatiana Nwankpa.
Les méfaits d’une aventure
« J’ai déjà vu des femmes passées de nombreuses années avec des hommes et à la mort de ceux-ci, elles ont été dépouillées de tout. On leur prend même les enfants et les familles de leurs concubins s’emparent de tout », témoigne la consultante en genre. Toute chose qui aurait pu être évitée si le mariage civil avait été célébré. Pour ainsi dire que la femme n’a aucun avantage en se mettant sous le joug du concubinage. « Elle n’a aucun statut légal. Même si le couple a des enfants, ces derniers, appelés enfants naturels, n’ont de droits que si l’homme reconnaît sa paternité. Dans un mariage, tous les enfants sont automatiquement protégés », va-t-elle poursuivre. Le mariage confère des droits et une sécurité. La femme peut porter le nom de son mari. Elle bénéficie de la protection légale et sociale. In contrario, dans le concubinage, rien de tout cela n’existe. En cas de rupture, les femmes se retrouvent sans droits. Ainsi, au lieu d’apporter la stabilité attendue, le concubinage ouvre la porte à l’insécurité affective, sociale et économique. Dans l’union libre, la femme gaspille ses années. Elle peut être laissée à tout moment, sans droit sur le logement ou les biens. Le concubinage expose la femme à l’humiliation sociale. Elle vit avec un homme, fait des enfants, et n’a aucun droit officiel. Même si les raisons qui poussent les jeunes vers cette forme d’union sont multiples : ignorance des conséquences, coût jugé élevé du mariage, pression sociale ou familiale qui précipite les décisions, ce choix à court terme entraînent des difficultés durables. Les jeunes femmes en sont les premières victimes, contraintes de subir des séparations douloureuses et des situations précaires.
Corriger le tir
Toutefois, face à ce constat, la solution réside dans une véritable sensibilisation de la population. Promouvoir et faciliter l’accès au mariage civil, coutumier et religieux permettrait de redonner à l’union son rôle protecteur et structurant, soutient l’experte en genre. Les familles doivent aussi investir leur rôle d’éducateur. Pour elle, il s’agit, en effet, de rappeler que le mariage n’est pas seulement une cérémonie, mais une institution qui garantit des droits, protège les enfants et assure une certaine dignité à la famille. « Il faut sensibiliser les jeunes aux avantages du mariage et aux dangers du concubinage. Il faut leur expliquer les droits et devoirs qui leur permettront de mieux sécuriser leur avenir et celui de leurs enfants », souligne-t-elle. Et, pour ceux qui vivent déjà en concubinage, ils sont encouragés à régulariser leur situation. « Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Le mariage est protecteur, sécurise l’honneur et les biens, et permet d’établir un héritage clair pour les enfants », confie Tatiana Nwankpa.
Le concubinage, présenté comme une liberté, se révèle être une prison silencieuse. Pour bâtir une société plus stable et protéger les générations futures, il devient urgent de redonner au mariage sa valeur légale.
Fifonsi Cyrience KOUGNANDE