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Difficile succession au trône dans certains royaumes du Bénin: Le non-respect des valeurs traditionnelles et la politisation à outrance en cause

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La succession au trône dans certains royaumes du Bénin est souvent sujette à des conflits entre les prétendants à ce siège sacré. A l’origine, le non-respect des principes et normes traditionnels qui régissent le processus de désignation des rois. Tout ceci divise les collectivités et désacralise la tradition dans un contexte de l’inexistence d’un cadre légal qui constitue un casse-tête pour les autorités. Les causes sont profondes et les maux sont à revoir afin de redorer le blason de la  chefferie traditionnelle au Bénin.

La politisation à outrance et l’intérêt personnel sont les principales causes qui créent des problèmes dans plusieurs royaumes du Bénin. Une situation qui n’est pas sans conséquences sur les victimes qui ne savent à quel saint se vouer. Dans le royaume de Dahomey, par exemple, la succession au trône royal repose sur des principes et est déclinée de trois différentes manières. «La première manière, est que le Dah (roi) au trône choisit son successeur lui-même avant de mourir. Donc après son décès son successeur est connu, donc pas de souci de désignation. La deuxième, s’il y a divergence entre ceux qui doivent accéder au trône et même s’il n’y a pas divergence, et que le Dah n’avait pas fait le choix de son successeur avant de mourir, on consulte le Fâ (l’oracle). Et le Fâ donne le privilège à celui qui mérite le trône. La troisième manière est le choix du prochain Dah par la famille selon la tradition», a précisé Dah Sodjo Kehounhon Houekanmanbou, ministre à la cour royale de Dahomey. Il a ajouté que nul ne peut s’autoproclamer roi ou Dah au royaume de Dahomey.

Les origines des conflits

Pour Dah Sodjo Kehounhon Houekanmanbou, ce processus autrefois respecté, ne l’est plus aujourd’hui dans plusieurs collectivités et laisse place aux conflits à divers niveaux. «La personne indiquée à succéder au roi est rejetée par sa famille pour des raisons parfois infondées. Sur ce, on impose une autre personne et cela crée des divergences. (…). La politique s’invite aussi parfois dans la désignation du Dah et cela divise sérieusement la collectivité en y créant des clivages. A cela, s’ajoute l’ingérence de certains responsables de la cour pour leurs intérêts personnels», s’est-il désolé.

Dah Tôkpô Alōdémé (Gbonougan à la cour royale de Dahomey), regrette la non existence d’une loi qui encadre la chefferie traditionnelle au Bénin. «Vous portez plainte au commissariat, le commissariat se déclare incompétent. On vous renvoie au tribunal, vous n’avez pas gain de cause. Et le tribunal vous renvoie chez le roi pour le règlement en famille. Tout ceci devient des problèmes de société à gérer. Les victimes ne sont souvent pas protégées et sont obligées de fuir le pays, leur localité laissant leur famille», a-t-il déploré. Dah Tôkpô Alōdémé garde espoir que les choses changeront avec l’introduction du projet de loi portant cadre juridique de la chefferie traditionnelle en République du Bénin à l’Assemblée Nationale (An). De son côté, Dah Sodjo Kehounhon Houekanmanbou, invite les rois à s’informer davantage sur l’histoire de la localité et éviter la politisation à outrance des affaires traditionnelles.

Rôle du Haut conseil des Rois du Bénin

Le Haut conseil des Rois du Bénin (Hcrb) a son mot à dire dans le processus de désignation des rois au Bénin. Selon son secrétaire général (Sg), sa Majesté Gangorosuambou, roi de Kika, trois critères ont été définis par le Hcrb pour être roi ou chef traditionnel dans une localité donnée. Le premier concerne les racines historiques d’une royauté ou d’une chefferie traditionnelle. «Il suffit que la famille royale actuelle appartienne à une ou plusieurs dynasties remontant aux origines du royaume. Et le postulant doit pouvoir attester ces liens ancestraux», a expliqué le roi de Kika. Le deuxième critère est relatif à la reconnaissance juridique et politique. Pour lui, «cela signifie que la royauté du postulant est reconnue des autres royaumes qui sont autour de lui et que son existence date de très lointain, soit par la puissance coloniale ou des actes de résistance avérés». Le troisième et dernier critère s’intéresse à l’intronisation régulière selon les normes coutumières et la reconnaissance par les pouvoirs modernes et par les pouvoirs traditionnels. La base géographique, à savoir le territoire royal, bien connu et accepté par tous, n’est pas aussi du reste.

Le Secrétaire Général (Sg) du Hcrb reconnaît tout de même que des difficultés subsistent dans la désignation du roi. Toutefois, il a précisé qu’un comité de désignation selon les normes traditionnelles, est installé dans chaque localité pour veiller à la bonne marche des choses. «Au niveau de chaque localité, il y a toujours un collège de désignation. Un noyau quand même, qui désigne et qui applique les normes traditionnelles. Donc, c’est à ce niveau que le problème se pose», a ajouté sa Majesté Gangorosuambou.

Le projet de loi transmis à l’Assemblée Nationale pour changer la donne

Le gouvernement béninois a transmis tout récemment à l’Assemblée Nationale (An) un projet de loi portant cadre juridique de la chefferie traditionnelle en République du Bénin. L’annonce a été faite le mercredi 4 septembre 2024, en conseil des ministres. Cette volonté cadre parfaitement avec la Constitution qui dispose que «l’État reconnaît la chefferie traditionnelle gardienne des us et coutumes dans les conditions fixées par la loi». Ainsi, trois catégories d’autorités relevant de la chefferie traditionnelle sont reconnues, notamment les rois, les chefs traditionnels et les chefs coutumiers. Ce projet de loi prévoit également des sanctions applicables aux manquements des autorités de la chefferie traditionnelle.

Selon le projet de loi, la reconnaissance légale de la chefferie traditionnelle, prendre en compte sa mission et régir son fonctionnement sans dénaturer ses fondements, ses structures, les règles de dévolution du pouvoir. Par ailleurs, la dévolution du pouvoir s’opère sous la supervision d’un conseil de désignation, crée une chambre nationale de la chefferie traditionnelle dont les attributions, l’organisation et le fonctionnement seront déterminés par voie règlementaire. Le présent projet de loi transmis à l’Assemblée Nationale (An) comporte la liste de toutes les chefferies recensées, définit la mission de la chefferie traditionnelle et consigne certaines règles de dévolution de pouvoir. Si ce projet de loi arrivait à être approuvé par les députés à l’Assemblée nationale, la chefferie traditionnelle connaîtra une avancée significative.

Pour le Secrétaire Général (Sg) du Hcrb, « C’est une bonne opportunité pour la chaufferie traditionnelle parce que depuis l’indépendance jusqu’à ce jour, c’est le seul gouvernement qui a quand même institutionnalisé la chefferie traditionnelle. Ce qui est déjà un pas. Maintenant pour parfaire et obtenir juridiquement un cadre qui nous considère comme une institution de l’État, le projet a été introduit à l’Assemblée nationale ». A ses dires, actuellement c’est du méli-mélo, pas de distinction entre un roi, un chef traditionnel et un chef coutumier. « Aujourd’hui, nous sommes dans le même panier, on se respecte à peu près. Maintenant, si ce projet aboutit et que nos honorables adoptent et votent cette loi, je crois que ce serait une bonne chose pour nous. Ça nous permettra quand même de nous sécuriser, de mettre de l’ordre. Chacun va se respecter, chacun saura ce qui a, à faire», a-t-il apprécié. Il n’a pas manqué de remercier le Chef de l’État Patrice Talon et son gouvernement pour avoir pris l’initiative tout en invitant les uns et les autres au respect des principes de la tradition afin d’éviter des altercations au sein des royaumes.

Albérique HOUNDJO Br/Borgou-Alibori

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