Au marché Calavi Tokpa (Bénin), connu et bien fréquenté pour ses poissons frais, les vendeuses et usagers cohabitent avec les ordures. Le constat ce lundi 23 septembre 2024 est écœurant…
ans ce marché de poissons situé dans la commune d’Abomey-Calavi à une dix-huit de kilomètres de Cotonou, des sachets plastiques déchirés, des restes de nourriture, des légumes et fruits pourris, des matières fécales, des écailles de poissons et autres déchets pavent le sol. Au centre, ils s’agglomèrent, occupant même surface qu’une étale. « C’est trop sale », commente un usager. Le marché est scindé en deux. Si la partie réservée aux revendeuses de condiments, divers, fruits et légumes ne présente pas le même aspect, celle dédiée à la vente de poissons dont la diversité est manifeste, est couverte de détritus. Des tas d’ordures qui de par leur volume forment désormais des digues aux abords de l’embarcadère, porte d’entrée de Ganvié situé sur le Lac Nokoué. Pourtant, hommes et femmes, enfants et adolescents et même des bébés y passent leurs journées dans une indifférence totale, mangeant et buvant malgré l’odeur pestilentielle qui supplante celle du poisson frais. Dans l’eau, des bouteilles en plastique stagnent entre les pirogues. Des mouches volent autour de flacons vides et de noix abandonnées. Certaines assombrissent même le mur en taule grise du quai. « Il arrive que certains clients s’en aillent à cause de l’insalubrité. », déclare l’usager en jetant des coups d’œil de gauche à droite. « Il faut filmer ça », s’exclame alors un connaisseur du marché. Sans poubelles, certaines vendeuses sont contraintes de brûler leurs ordures. Un feu se consume justement non loin de la lagune qui ceinture le marché.
Des dépenses dans le vide ?
Sourcils froncés, encerclé de travailleuses attentives, cet homme qui a requis l’anonymat, dénonce une “sorte d’escroquerie” qui perdurerait depuis plus de huit ans. « Les vendeuses de poissons paient cent francs CFA chaque samedi ; les écailleuses elles, chaque jour, déboursent cent francs CFA et le double tous les samedis soit deux-cents francs. Des sommes qui leur sont prélevées par les responsables du marché. En dehors de cela, les vendeuses doivent aussi payer des frais pour le balayage du marché. Par ailleurs, chaque jour, elles doivent s’acquitter d’une somme de cent francs CFA de part et d’autre, à l’endroit des tickettiers des Mairies de Sô-Ava et d’Abomey-Calavi », dénonce-t-il. Mais, là où le bât blesse, malgré toutes ces sommes qu’on leur prélève, le marché demeure dans son état insalubre. Personne pour dire ce qui est fait des différentes sommes. « Rien n’est fait pour améliorer leurs conditions de vente. », s’insurge-t-il, implorant le secours de l’Etat. Autour de lui, des vendeuses s’attroupent, inquiètes des répercussions de ses paroles. À l’entrée du marché, près de la principale montagne d’ordures, une femme assise décortique à la main de petits poissons. Ça fait quinze ans (15 ans) qu’elle travaille ici. Quand on lui demande son opinion sur les ordures, elle sourit et marmonne des mots en langue locale fon. Une cliente traduit : « Je vis dedans, je suis née dedans, je suis habituée. »
“J’ai sollicité la Mairie en vain”
Pour justifier l’insalubrité, la responsable du marché de poissons, soutenue par certaines vendeuses pointe d’un doigt accusateur des vendeuses de condiments, légumes et divers, affectées à l’autre partie du marché. Blandine Kossou est persuadée de leur culpabilité. Ses preuves ? Parmi les déchets, des aliments sont notamment retrouvés ‘’en état de décomposition”. Une affirmation que rejette d’emblée un habitué du marché. Pour se débarrasser de ces ordures sauvages qui deviennent de plus en plus envahissantes, « J’ai sollicité la Mairie en vain », explique Blandine Kossou. Dans le conteneur rouge qui sert de bureau à sa fille et elle, du charbon brûle dans un foyer en argile. La fumée file par la porte et rejoint une colline de déchets en contrebas, où des vaches pâturent. Entourée d’un nuage blanc, la patronne poursuit : « Entre temps, le chef d’arrondissement (CA) et le chef de quartier (CQ), sont passés. Je leur ai fait comprendre qu’on n’a pas des bennes à ordures. Le CA nous a demandé de disposer des récipients dans lesquels les ordures seraient collectées et qu’une équipe de collecte passerait deux fois par semaine. Mais, les collecteurs s’arrêtent au niveau de l’embarcadère. C’est mon équipe de nettoyage qui s’occupe de repousser les ordures chaque samedi matin », déplore Blandine Kossou.
Une solution en 2025 ?
Le projet ‘’Réinventer la cité Lacustre de Ganvié’’ semble être le seul espoir restant. En effet, celui-ci prévoit, confie Blandine Kossou, la reconstruction du marché de poissons. Les travaux de ladite reconstruction commenceront, selon ses propos, en Janvier 2025. Ainsi, les hangars de fortune, les parasols sans fin cèderont place, à un lieu de vente où les commodités et l’hygiène seront de mise. L’occasion de repenser le modèle de gestion des déchets dans ce marché de Calavi Tokpa. Mais en attendant 2025, vendeuses et consommateurs espèrent une action du gouvernement.
Cyrience Fifonsi KOUGNANDE,
Fayola DAGBA (Stag)