Home Bénin Accorder la nationalité aux Afro descendants : De l’opportunisme touristique ?

Accorder la nationalité aux Afro descendants : De l’opportunisme touristique ?

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L’importante décision d’accorder la nationalité béninoise à tous les afro descendants est prise au cours du Conseil des ministres du mercredi 08 mai 2024 par le chef de l’Etat, le Président Patrice Talon et son gouvernement. Mais derrière cette décision qui ressemble à une grosse opportunité touristique et d’implosion d’affaire pour le Bénin, il y a des sous-entendus perceptibles à l’œil nu. 

Dans la décision prise en Conseil des ministres, il est prévu d’introduire au Parlement une proposition de loi qui sera examinée puis votée afin de favoriser la détention du passeport et de la nationalité béninoise à toute personne ayant une ascendance africaine. « La transmission à l’Assemblée nationale, pour examen et vote, du projet de loi relative à la reconnaissance de la nationalité béninoise aux Afro-descendants en République du Bénin. La traite négrière a laissé de profondes blessures sur les sociétés africaines, en général, et sur les descendants des personnes déportées et esclavagisées, en particulier.

Il est difficile, malgré les archives mémorielles, d’obtenir des précisions sur l’identification des victimes de cette traite, leurs destinations et leur sort ultérieur en raison de la nature fragmentaire de ces archives et de la trajectoire variée des déportés.  Toutefois, aujourd’hui la science et la technologie peuvent permettre de retrouver la traçabilité de ces mouvements à travers l’ADN ou encore la recherche généalogique. Il est une évidence que la plupart des Afro-descendants souhaitent retrouver un lien avec leurs royaumes de départ ou à défaut avec les Républiques qui se sont substituées à eux.  L’Assemblée générale de l’ONU a proclamé, dans sa résolution 68/237, la période de 2015 à 2024 comme Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine.

Elle évoque la nécessité de renforcer les mesures et activités de coopération nationales, régionales et internationales pour garantir le plein exercice des droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques de ces personnes ainsi que leur pleine et égale participation à la société sous tous ses aspects. La Décennie internationale a pour thème « Personnes d’ascendance africaine : reconnaissance, justice et développement ». L’Union africaine a, par ailleurs, reconnu la Diaspora comme la sixième région du continent, actant ainsi la nécessité d’une reconnaissance des Afro-descendants comme partie intégrante à part entière du continent africain. Cependant, au-delà des discours et des symboles, les descendants revendiquent leurs liens avec la terre africaine, leur ré-appartenance à celle-ci, le renforcement identitaire et la valorisation de leur contribution à son renouveau. Et, il est un fait que le Bénin n’échappe pas à ce besoin de connexion. Le Gouvernement pense que cette quête d’identité peut trouver une solution par la volonté des pays africains à offrir leur patrimoine social et identitaire aux Afro-descendants de manière globale. Il estime en outre qu’il est venu le moment de reconnaître clairement le lien historique existant entre les Afro-descendants et l’Afrique.

Par conséquent, le Bénin pourrait être également considéré comme leur terre natale.  Aussi, parait-il responsable d’assumer cette approche et trouver les voies juridiques appropriées pour accorder à ceux qui en feraient la demande, la reconnaissance de la nationalité béninoise. Le présent projet de loi initié à cette fin a pour objet de définir les conditions et modalités spécifiques suivant lesquelles les personnes reconnues comme Afro-descendants peuvent acquérir la nationalité béninoise par reconnaissance. Il postule qu’est Afro-descendant, « toute personne qui, d’après sa généalogie, a un ascendant africain subsaharien déporté hors du continent africain dans le cadre de la traite des Noirs. » Et que « la preuve de l’afro-descendance est fournie par le demandeur au moyen de toute documentation d’état civil ou officielle, de tous témoignages constatés par acte authentique, d’un test ADN réalisé par une structure agréée au Bénin ou par tout autre moyen technique ou scientifique.

» L’article 98 de notre Constitution dispose que la citoyenneté, les droits civiques, sont du domaine de la loi. Quoique la nationalité béninoise par reconnaissance confère à son détenteur tous les droits et obligations qui y sont attachés, conformément à l’article 36 de la loi n° 2022-32 du 20 décembre 2022 portant code de la nationalité en République du Bénin, elle excepte cependant les intéressés des droits politiques et de l’accès à la Fonction publique béninoise.  Ce projet de loi soumis à la Représentation nationale vient une fois de plus conforter la politique panafricaniste prônée par le Gouvernement depuis 2016 à travers la suppression de visas pour tous les ressortissants africains et traduit une forte volonté d’intégration africaine » stipule l’extrait du bulletin du Conseil des ministre du 08 mai 2024.

Alors au lendemain de cette décision le Président béninois Patrice Talon s’est rendu aussitôt en Brésil pour une visite de travail diplomatique.  « Mon souhait est que beaucoup de Brésiliens connaissent l’Afrique et que beaucoup d’Africains connaissent le Brésil. Aujourd’hui les Brésiliens passent par-dessus l’Afrique pour aller en Asie un peu partout et on ne se connait pas assez. Or nous avons une même histoire. C’est pourquoi nous avons décidé d’accorder la nationalité à tous les afro descendants. Et donc tous ceux qui ont quelque chose d’Africain, tous les afro descendants je veux dire, qu’ils sachent désormais qu’ils peuvent avoir la nationalité béninoise » va-t-il déclarer à sa sortie des différentes audiences qu’il a eu en terre brésilienne.

Maintenant reste à savoir si cette décision s’inscrivait véritablement dans la droite ligne de ce que le chef de l’Etat a déclaré sur place. La curiosité pousse quand même à se poser la question de savoir mais pourquoi une telle décision, aussitôt prise, a suscité un voyage systématique dans le pays concerné. A scruter de près, l’on peut clairement lire une volonté opportuniste de combler le vide d’un marché touristique béninois à peine créé. Puisqu’il n’est pas stipulé dans la décision que ses Afro-descendants qui pourront dorénavant jouir du droit de la nationalité béninoise, bénéficieront concomitamment du droit de vote sur le même territoire. Ce qui ne respecte pas forcément les dispositions de la Constitution béninoise. Peut-être que si ces Afro-descendants, après avoir fait quelque temps avec la nationalité, pourront se prévaloir de jouir de ce droit. Cependant pour l’heure ce n’est pas notifier.

Mike Mahouna

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