Ils sont au total quatre artistes d’une trempe certaine qui représentent le Bénin à la 60ème Biennale de Venise qui se déroule en ce moment en Italie. Une loupe promenée sur la vie et le parcours de chacun donne ceci.

 

Romuald Hazoumè

Mondialement connu pour ses masques faits à partir de bidons d’essence usagés en plastique, Romuald Hazoumè est un artiste engagé dont l’œuvre s’enracine profondément dans le contexte social, politique et culturel du Bénin, mais aussi dans celui du monde globalisé. Ironiques et séduisants, ses masques-bidons sont chargés d’un contenu critique, mettant en scène le bidon comme objet culte de Porto Novo, où beaucoup l’utilisent à leurs risques et périls, pour transporter de l’essence de contrebande.  Né en 1962 à Porto-Novo au Bénin, où il vit et travaille, sa présence témoigne de l’importance si besoin en était, de la dynamique en cours pour révéler l’art béninois entre toutes les générations. Artiste célébré, Hazoumè expose et voyage dans divers pays depuis plus de vingt ans. Ses installations sont signifiantes et révélatrices d’un état du monde – de « La Bouche du roi » (1997-2005) composée de 304 masques fabriqués à partir de bidons disposés au sol comme l’étaient les esclaves dans les bateaux négriers, jusqu’à « No return », présentée au musée du quai Branly en 2021 et mettant en scène sous forme de spirale plus de 5 000 tongs appartenant à des migrants, échoués le long des côtes béninoises. Issu d’une prestigieuse lignée, l’artiste grandit dans une famille catholique d’origine yoruba. Parlant de nombreuses langues béninoises, il en connaît les cultures, qu’il souhaite honorer et transmettre, prolongeant ainsi, selon le commissaire d’exposition et galeriste André Magnin « la tradition des ares, artistes itinérants des temps de la royauté, qui portaient la culture de royaume en royaume et formaient au passage d’autres ares ».

Chloé Quénum

Née à Paris en 1983 où elle vit et travaille, Chloé Quenum, est diplômée en 2011 de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Elle poursuit sa formation en 2016 à l’EHESS où elle étudie l’Anthropologie de l’écriture. En 2014, elle obtient une bourse d’aide à la production artistique du Ministère de la Culture. Elle effectue en 2019 une résidence à la Manufacture de la Cristallerie Saint-Louis dans le cadre du programme Résidences d’artistes de la Fondation Hermès.

Lauréate du programme Mondes Nouveaux soutenu par le Ministère de la Culture, Chloé Quenum présente l’installation Épopée à l’Hôtel de Ragueneau à Bordeaux en 2023. Elle est par ailleurs, artiste invitée à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, Paris, en 2022 – 2023. Depuis 2012, son travail fait régulièrement l’objet d’expositions personnelles : « Wonder Wander « à la galerie Florence Loewy, Paris (2023) ; « Overseas » au centre d’art Les BainsDouches, Alençon (2020) ; et « Le Sceau de Salomon « à The Engine Room, Massey University, Wellington, Nouvelle-Zélande (2018). Ses œuvres figurent dans les collections d’institutions publiques et privées, parmi lesquelles : Musée National d’Art Moderne, Centre Pompidou, Paris ; FRAC Nouvelle-Aquitaine, Bordeaux ; FRAC île-de-france, Paris ; FRAC Grand-Large — Hauts-de-France, Dunkerque ; Fondation Kadist, Paris ; Lafayette Anticipations, Paris.

Sa présence à la 60e Biennale de Venise aux côtés des artistes Ishola Akpo, Moufouli Bello et Romuald Hazoumè sous le commissariat de Azu Nwagbogu, répond à un triple enjeu. Primo, elle est une artiste émergente, et constitue de ce fait, l’une des valeurs sûres de la scène culturelle et artistique béninoise en pleine ébullition. Secundo, installée à Paris, Chloé Quénum à travers sa présence, symbolise la reconnaissance des artistes de la diaspora et plus largement tous les Béninois de l’étranger dont la contribution est essentielle au développement du pays. Tertio, en tant qu’artiste féminin, elle participe à la dynamique de la reconnaissance du rôle essentiel de la gent féminine dans un contexte où le thème de l’exposition béninoise aborde le féminisme africain sous divers angles.

Moufouli Bello

Moufouli Bello est une jeune artiste plasticienne talentueuse, née au Bénin où elle vit et travaille. Son amour pour la couleur bleue sur ses peintures figuratives la distingue parmi ses pairs qui explorent les constructions sociales de l’identité. Juriste de formation, Moufouli Bello s’était d’abord tournée vers le droit social, le journalisme, la photographie et l’écriture. Son intérêt pour les questions identitaires l’a amenée à étudier les structures idéologiques et la manière dont les cultes, les traditions, la culture, la politique et les technologies impactent et déterminent notre modèle de société et notre identité. Sa pratique artistique s’est affirmée en 2012 avec sa participation à l’exposition « l’homme debout » organisée par la Fondation Zinsou au Bénin.

En 2016, elle a été lauréate de l’Institut Français et de la Cité internationale des Arts de Paris, où elle poursuit son projet « Papyrus » sur les questions identitaires et les signes d’appartenance communautaire et ethnique. Après sa sélection au Fresnoy – Studio national des arts contemporains en 2019, elle approfondit sa pratique autour des médiums numériques et vidéo. Son projet « Lissa, a conversation with God » interroge la violence sociale induite par les religions monothéistes, et les fantasmes messianiques autour de l’intelligence artificielle. Son œuvre « WINDOW WITH A VIEW » réalisée en première année, sur l’envoi de déchets radioactifs en Afrique depuis l’Europe, lui a valu un prix de l’ADAGP en France et a été sélectionnée pour l’exposition « L’Afrique vue par ses photographes, de Malick Sidibé à nos jours » au Musée Mohammed VI d’Art Moderne et Contemporain en 2021. Elle poursuit ses recherches dans le cadre d’un doctorat en Arts et Sciences Sociales à l’ENSAV La Cambre, sur l’impact de l’art comme outil de création de nouveaux espaces de droits.

 

Ishola Akpo

Né en Côte-d’Ivoire en 1983, Ishola Akpo est un artiste visuel qui vit à Cotonou au Bénin. Il expérimente différents médiums, mélangeant modernités et traditions, pour créer des métaphores plurielles. Il s’illustre par ses photographies d’art qui entretiennent une frontière floue entre réalité et fiction. Ses œuvres axées sur des problématiques identitaires ont déjà traversé le monde entier. Ces dernières années, l’artiste a concentré son travail sur les femmes, notamment celles de pouvoir. Ainsi, en 2021, pour sa série “Agbara Women” que les Béninois ont pu découvrir en partie lors de l’exposition « Art du Bénin, d’hier et d’aujourd’hui : de la restitution à la révélation » à Cotonou et qui poursuit une itinérance internationale depuis lors. Ishola Akpo a conçu des portraits de Reines et de femmes de pouvoir du continent africain, des « grandes royales » oubliées de l’histoire qu’il réhabilite et qu’il rappelle à notre bon souvenir.

En 2014, il présente la série « L’essentiel est invisible pour les yeux ». En se fondant sur une histoire intime, Ishola illustre la dot de sa grand-mère, tout en insistant sur le poids de l’héritage immatériel. Un projet qui l’a amené à explorer les évolutions sociales, à en questionner les fondements, et à interroger notre capacité à comprendre le passé, tout en construisant au présent, dans un monde en perpétuelle mutation. À la manière d’un historien, il entremêle récits personnels et culturels, analogiques et numériques, récents et anciens, en variant les jeux d’échelles. Dans l’œuvre d’Ishola Akpo, le temps s’effondre. Passé et présent convergent dans une fusion des horizons.

PFCom/Mtca

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici