L’ancien président des Etats-Unis Barack Obama avait pour habitude de dire que l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes. Chaque jour, les faits lui donnent raison.

On ne cessera de jeter la pierre à ces hommes d’Etat qui, au soir de leur 2e mandat constitutionnel, se lancent dans des aventures de manipulation de la Constitution de leurs pays respectifs pour s’octroyer un 3e mandat ou même un énième. Du coup, c’est devenu presque la mode. Aujourd’hui, cette situation a dressé le lit au soutien, de plus en plus affiché de la jeunesse africaine aux coups de force militaires.

La jeunesse africaine trouve juste que les coups d’Etat militaires soient la réponse aux coups d’Etat institutionnels alors que l’un comme l’autre constitue un recul démocratique dont l’Afrique n’a nullement besoin. Mais ce recul n’est pas le seul fait de ces présidents qui prennent le fauteuil présidentiel comme un patrimoine privé. En démocratie, il est prévu des institutions de contre-pouvoir pour justement contrecarrer les envies de s’éterniser au pouvoir.

Au Sénégal, après tant d’émeutes, le Conseil constitutionnel a fini par retrouver le bon sens en déclarant la loi qui reporte la présidentielle au 15 décembre 2024 contraire à la Constitution et en annulant le décret du président Macky Sall qui annulait la convocation des électeurs pour le scrutin du 25 février. Mais ce que le grand nombre ne sait pas, cette décision n’est pas tombée du ciel. Face au désir manifeste de Macky Sall de se maintenir au pouvoir, quel que soit le prix à payer, les intellectuels sénégalais ont, à un moment donné, décidé de prendre leur destin en mains. La suite, c’est la décision prise par le Conseil constitutionnel sénégalais. Une décision saluée partout en Afrique parce qu’elle a le mérite de dire stop, trop c’est trop. Le droit a été dit et le président Macky Sall a été stoppé dans son élan de faire entrer le Sénégal dans le lot des pays de la Cedeao où les 3e mandats sont devenus une règle.

C’est cette lucidité qui a manqué de la part des sages de la Cour constitutionnelle, partout où il y a eu manipulation de la Constitution pour permettre à un président de briguer un ou deux mandats de trop. Au Bénin, par exemple, il n’est un secret pour personne que la révision de la Constitution, intervenue en 2019, a bougé les dates des élections, octroyant de fait 45 jours de plus sur le premier quinquennat de Patrice Talon. L’Opposition a beau crié « 5 ans, c’est 5 ans », le forfait est consommé. La loi a été déclarée conforme à la Constitution et promulguée. On sait le sort réservé à tous ceux qui ont mené la campagne : « 5 ans, c’est 5 ans ». Les exemples comme ça peuvent être multipliés, notamment en Côte d’Ivoire, au Togo, en Guinée équatoriale, au Congo Brazzaville, etc.

Dans ces pays, les sages de la Cour ont manqué de poigne, de personnalité pour dire non, quand il le fallait. Ils n’ont pas su faire la part des choses entre le besoin d’être reconnaissant au chef et le devoir de loyauté envers leur pays. Au lieu d’être des institutions fortes, ils ont préféré s’aplatir devant l’homme fort du moment. C’est ainsi qu’ils ont cautionné dans ces pays le recul de la démocratie.

Alors qu’il fallait faire un pas après l’autre sur le chemin de la consolidation des acquis démocratiques, voilà l’Afrique en train de faire un recul qui dresse le lit aux coups de force. On jette la pierre aux chefs d’Etat de la Cedeao qui ne montrent pas le même empressement à condamner les coups d’Etat institutionnels. Mais, les sages des Cours ou Conseils constitutionnels doivent savoir aussi combien leur responsabilité est engagée.

M.M

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