La mise à la retraite d’office de certains agents des Forces de défense et de sécurité continue de susciter des réactions, malgré la sortie du chef de l’Etat. Sortie au cours de laquelle, Patrice Talon a laissé entendre que sur deux années, les agents concernés n’auront aucune perte de revenus. Mais qu’en est-il des agents qui ont contacté des crédits à la banque sur la base de leurs primes, et sur plusieurs années, se demande Me Barnabé Gbago. Interrogé par le média en ligne E-News, l’avocat pense que l’Etat devrait rembourser les crédits des agents mis à la retraite d’office.

 Ce qui m’attriste un peu dans cette histoire, c’est ceux qui ont pris les crédits sur la base de leurs primes. Voilà que vous les mettez d’office à la retraite. Les crédits ont été pris sur la base de ces primes-là. Voilà que ces primes sont supprimées. Alors dites-moi comment est-ce qu’ils vont rembourser ces crédits. Si effectivement il y a du social dans ce qu’on dit, si l’aspect social est pris en compte, il faudrait alors que l’Etat rembourse ces crédits que ceux-là ont pris. Parce qu’ils ne savaient pas du tout qu’ils allaient à la retraite. Et d’ailleurs, parmi les pièces qu’on leur a demandé à la banque, il y une attestation de revenu annuel, la domiciliation des primes à la banque et la preuve qu’on est au moins à 7 ans de sa retraite.

Voilà sur cette base, on a pris des crédits. Nous sommes au moins à 7 ans de notre retraite et en deux, trois jours, on apprend qu’on est en retraite. Je crois que soit les banques versent tout cela à la poubelle, c’est-à-dire que ces crédits ne seront plus actuels. Mais je crois que l’Etat doit quand même penser à cela et penser à rembourser ces crédits que ceux-là auraient pris », laisse entendre l’avocat au barreau du Bénin et ancien doyen de la Faculté des droits et sciences politiques au micro de E-News.

Quid des critères de choix ?

En ce qui concerne le fond même du dossier, Barnabé Gbago trouve que c’est une mesure arbitraire sur fond de discrimination. Selon lui, le chef de l’Etat aurait été mal renseigné. Il en veut pour preuve le fait qu’il aurait des agents qui ont totalisé plus de 35 ans de service, qui sont écloppés mais qui sont toujours au poste.

« C’est comme si quelques amis se sont mis ensemble et ont décidé la mise en retraite de ceux qu’ils veulent. Je ne dirai pas que c’est un règlement de compte mais ça s’apparente à quelque chose de pareille. C’est-à-dire lorsque l’administration agit, la loi est impersonnelle. Elle est générale et s’applique à tous de la même manière. Or, dans cette circonstance, on a l’impression qu’il y a un lot de personnes, on n’a pas encore tout à fait la preuve, mais un lot de personnes, deux ou trois personnes, qui sont allés s’asseoir et qui ont eu à désigner ceux avec qui ils ont eu maille à partir.

Il faut que cela cesse. La loi doit être la même pour tous. Les gens qui ont fait 38 ans de service qui sont encore là alors que d’autres ont fait 20 ans de service effectif et on les met à la retraite. Si on devrait mettre des gens à la retraite, c’est de commencer par le bout, ceux qui ont fait plus d’années, ceux qui ont fait 38 ans, 35, 30 ans de service effectif. C’est ceux-là qu’on devrait d’abord mettre à la retraite avant que le tour de ceux qui ont fait 20 ans n’arrive », dénonce Me Barnabé Gbago. Certes, il reconnait qu’il y a une loi qui encadre la mise à la retraite d’office. Mais encore faudrait-il le faire de façon rationnelle, souligne l’avocat.

« Je ne pense pas que ceux qui ont signé ce décret, que ce soit le Président de la République, que ce soit le Ministre des finances, je ne suis pas sûr qu’ils soient informés de la manière dont les listes ont été confectionnées. Parce qu’il y a une injustice flagrante dans ces listes-là. Il faut les voir eux-mêmes et vous verrez que ce ne sont pas des gens éclopés. C’est des gens actifs.

Certains même ont été récompensés. Vous imaginez, s’ils étaient éclopés, comme on le dit, qu’on allait les récompenser, les décorer ? la loi dit d’ailleurs que le directeur ou la directrice devait pondre un rapport individuel sur ces éléments qu’on envoie à la retraite. Or, à l’heure actuelle, lorsque vous vous attardez sur les listes, vous verrez qu’aucun rapport individuel n’a été fait. Aucun rapport. On vous met dans le texte que suivant tel rapport, vu tel rapport mais le rapport n’existe pas. Puisque c’est les mêmes textes qui ont été remis à chacun d’entre-eux alors que s’il y avait un rapport, le rapport aurait été motivé.

On ne peut quand même pas mettre une loi d’une telle sévérité sans un rapport, un rapport qui puisse dire ce pourquoi on envoie tel ou tel à la retraite. Ce rapport n’existe pas. Soit la loi doit être reprise, soit elle doit aller jusqu’au bout. La loi n’est pas appliquée comme elle se doit. Dire que la pyramide est inversée, encore que si cette pyramide est inversée, il faut savoir les causes. Si entre temps, il y a eu de laisser aller et que la pyramide est inversée, vous n’allez pas vous en prendre à ceux qui sont jeunes encore et qui ont des grades élevés, des officiers, des officiers supérieurs. Ce n’est pas de leur faute si la pyramide est inversée », conclut Me Barnabé.

B.H

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