Au Bénin, dans les départements de l’Alibori et de l’Atacora où la menace terroriste est beaucoup plus présente, cette situation sécuritaire a induit de nouvelles mesures à observer dans certaines localités par les populations. Ces mesures allant à la restriction de certaines habitudes sont édictées par les forces de défense et de sécurité, de concert avec les autorités locales. Visiblement, dans le but de faciliter la mission de protection de l’intégrité du territoire et la vie des populations.
Aujourd’hui, est-ce qu’il y a un couvre-feu au niveau de la commune ? A cette question, dans certaines contrées de l’Atacora et de l’Alibori où nous sommes passé dans le cadre de notre expédition au cœur du dispositif militaire mis en place par l’armée (Opération Mirador) pour enrayer le terrorisme au Bénin, des citoyens et autorités locales ont répondu par l’affirmative. Croisé à Kandi, Jeannot Cocou Francisco, Secrétaire exécutif de l’union régionale des Avigref (Association village de gestion de réserve et de faune) du Parc W-Bénin dit qu’il est un habitué des quatre communes de l’Alibori, à savoir : Banikoara, Malanville, Karimama, Kandi. « Je peux dire que la situation est relative d’une commune à l’autre.
Nous nous sommes accrochés aux instructions des autorités officielles. Il y a un moment où des écoles ont été fermées pour quelques jours, ce n’était pas toutes les écoles ; histoire de permettre aux autorités de pouvoir faire le travail de sécurité. Mais dès que c’était bon, on a demandé aux enfants de retourner à l’école », relate-il. Ce qui a changé de façon générale, poursuit le Secrétaire exécutif de l’union régionale des Avigref du Parc W-Bénin « c’est de vaquer aux activités comme on en avait l’habitude.
Vous savez, ça a appelé des restrictions. Par exemple, les endroits les plus en profondeur, vous ne pouvez plus vaquer aux activités même tard la nuit. Et vous savez qu’il y a beaucoup de transactions qui se font la nuit, des déplacements qui se font, les transports de marchandises qui se font. On est obligé de surseoir à ça. Ça a profondément bouleversé le mode de vie des communautés ». Jeannot Cocou Francisco, corrobore son propos en insistant sur les impacts : « Vous voyez une commune comme Karimama qui est vraiment prise en tenaille par la situation. Déjà les mercredis, on sent une animation dans les environs de Karimama parce que le marché de Karimama commence par s’animer le jeudi ; le vendredi il y a le marché de Karimama. Il y a un important marché de bétail là-bas. Donc les bouviers doivent faire un mouvement pour amener les bêtes. Avec les restrictions, ça a sérieusement entamé les activités ». Dans le bastion du coton à Banikora, l’autorité communale n’a pas nié l’existence de mesures restrictives qui participent de la sécurité : « Il y a couvre-feu. On n’a pas encore stoppé. C’est maintenu », confirme Alou Toko Ndouro, le Deuxième adjoint au maire rencontré dans son bureau à la mairie sise à Banikora centre. « Entre temps, on a dit à partir de 19h jusqu’à 6heures, on ne veut voir personne. Tout le monde dans sa chambre. Et on a respecté. Mais ça, on a accentué ça au niveau de la ceinture de la frontière.
La sécurité est là, les militaires sont partout, les policiers sont partout », ajoute-t-il. La ceinture à la frontière du Burkina-Faso dont il parle, c’est à partir de la zone de Mékrou à une vingtaine de kilomètre de la borne zéro du Burkina. Arrivé là-bas, vers la ceinture, renchérit-il, « vous n’allez voir personne. Vous n’allez voir aucun phare venir parce que l’ordre a été donné. On te prend, on te fesse d’abord et on te garde et c’est dans la journée qu’on va te relâcher. Une fois que tu as subi ça, tu n’oseras pas sortir encore une nuit pour dire que tu vas quelque part. Sauf pour cas de maladie. Le couvre-feu continue là-bas vers la ceinture. Mais ici, quand la paix a commencé à régner on a oublié déjà. Sabi Dénis Abdoulaye, mécanicien interviewé également à Banikoara Centre abonde dans le même sens : « Dans la nuit tu ne peux pas te promener. A partir de 23 h c’est problème. Au centre ici, c’est à partir de 23h ». Mais cela n’affecte pas l’animation des marchés dans la commune de Banikoara, selon le deuxième adjoint au maire qui souligne que ces marchés se tiennent entre 10 heure et 19 heure au centre.
A en croire le Secrétaire exécutif de l’union régionale des Avigref, ces restrictions se justifient, car « désormais on ne sait plus qui est qui. Tu peux croiser quelqu’un. Avant ce n’était pas un problème, mais il peut être un potentiel ennemi ». C’est peut-être difficile à supporter pour certains. Mais Jeannot Cocou Francisco pense que « cela fait appelle à la capacité des communautés à pouvoir s’adapter ». Et pour ça, notre interlocuteur ne se fait pas de souci : « il y a une synergie d’action entre les actions des forces de sécurité et les communautés qui savent qu’elles ne sont pas en danger en respectant ces consignes ».
Jacques BOCO