A l’issue d’une mission de monitoring dans les prisons du Bénin en 2023, l’Ong Changement social a rendu publics, des rapports sur la situation des droits humains dans les établissements pénitentiaires. Et selon le rapport sur la Maison d’arrêt de Porto-Novo, la situation des détenus reste inquiétante.

 

Créée en 1892, la maison d’arrêt de Porto-Novo accueille des personnes privées de liberté provenant des communes de Porto-Novo, Pobè, et des femmes et mineurs en provenance de la Cour de Répression des Infractions Economiques (CRIET). “De façon générale, il a été remarqué que cette prison accueille tant les détenu.e.s non condamné.e.s (prévenus / inculpés/ accusés) que les détenu.e.s condamné.e.s. En la matière, suivant les dispositions de l’article 8005 du code de procédure pénale en vigueur, une prison ne devrait recevoir en principe que les personnes condamnées. Cependant, à titre exceptionnel, un même établissement peut servir à la fois de maison d’arrêt et de prison pour peine“ mentionne d’entrée l’Ong Changement social. Et ce, avant de souligner l’urgence de renforcer l’effectif du personnel au regard de la démographie carcérale ainsi qu’en raison des besoins de surveillance, pour les hospitalisations.

Si la maison d’arrêt dispose d’une infirmerie, elle est “installée à l’extérieur de la grande cour des personnes privées de liberté“. Selon ledit rapport, cette infrastructure sanitaire ne dispose pas de salle de garde ni d’assistant (aides-soignants) et jouit de l’appui d’un Médecin coordonnateur de la zone sanitaire en cas de défaut de compétence pour certaines maladies. L’infirmerie est administrée par trois infirmiers dont deux femmes, renseigne Changement social. “…seulement 2 personnes sur 97 interrogées soit 2% affirment ne pas avoir connaissance de l’existence d’une infirmerie au sein de l’établissement pénitentiaire de Porto-Novo. Par ailleurs, seulement 10 personnes sur 97 soit 10% affirment ne pas avoir accès aux soins médicaux gratuitement. En ce qui concerne les médicaments essentiels, 35% affirment ne pas y avoir accès…plus de la moitié soit 54% des personnes privées de liberté interrogées affirment ne pas avoir été informées à leur entrée dans l’établissement“ renseigne le rapport.

Quant à la situation judicaire des détenus, “il ressort que sur les 97 personnes privées de liberté interrogées, 40 soit 41% ne sont pas encore condamnées et 57 soit 59% le sont“. « Parmi celles-ci, 33% affirment avoir été présentées à un juge il y a plus de six (06) mois, chose qui apparaît contraire aux dispositions des articles 14710 et 24111 du code de procédure pénale béninois…De la lecture croisée avec la réalité carcérale à la prison civile de Porto-Novo, on constate que certains détenus sont arbitrairement dans les liens de la détention. Il faut remarquer que le nombre de personnes en détention provisoire est toujours considérable même s’il a connu une légère diminution en comparaison aux années antérieures. Cette situation peut s’expliquer par le fait que la détention provisoire semble être la règle au lieu d’être l’exception en matière de privation de liberté“ révèle Changement social.

En ce qui concerne l’assistance juridique et judiciaire, le rapport révèle qu’une proportion non négligeable de personnes privées de liberté ne bénéficie pas de l’assistance d’un défensseur lors des procédures soit 25%. “Pire les 75% qui en ont, affirment l’avoir eue à leurs propres frais (70%) soit plus de la moitié“ lit-on également.

Quid du droit à l’alimentation, accès à l’eau potable…

Si le rapport révèle l’amélioration de l’effectivité du droit à l’alimentation dans cet établissement, il mentionne que tout n’est pas rose. “…sur un total de 86 répondants, 83% des personnes interrogées ont déclaré que la quantité du repas servi au sein de l’établissement pénitentiaire est insuffisante. Quant à la qualité du repas, seulement 21% pensent qu’elle est de mauvaise qualité“ précise le rapport.

Par ailleurs, l’accès à l’eau potable est une effectivité mais les personnes privées de liberté estiment que l’eau n’est pas permanente et expliquent les raisons à divers niveaux. “En effet, au nombre des 97 personnes privées de liberté interrogées, 86,6% boivent l’eau provenant de la Société Nationale des Eaux du Bénin, 43,3% boivent l’eau issue des forages“, lit-on.

Quant aux mesures prises durant la pandémie de la Covid-19, 17,5% (7 sur 40) estiment que ces mesures étaient très pénibles et inhumaines. “Par contre, 25% (10 sur 40) estiment que lesdites mesures étaient bénéfiques pour tous pendant que 12,5% (5 sur 40) des personnes interrogées ont préféré ne pas se prononcer sur le sujet“ lit-on.

62% des détenus n’ont pas connaissance d’un lieu de divertissement dans l’établissement et la principale source de divertissement des détenus est la salle de jeux, les jeux vidéos et le jeu de damme, selon ledit rapport accessible sur changementsocialbenin.org. “Les activités physiques, sportives, récréatives et culturelles et religieuses concourent au bien-être physique et psychologique de tout homme…Les entretiens avec les détenus ont permis de remarquer que l’unique lieu de divertissement dont dispose l’établissement pénitentiaire est le terrain de basket…Il s’en déduit alors que l’espace ne permet pas de développer d’autres types d’activités de divertissement comme le football et autres“ lit-on dans le rapport qui révèle que les femmes ne disposent pas d’un lieu de divertissement.

Personnes handicapées et réinsertion professionnelle…

“L’établissement de Porto-Novo comporte des personnes handicapées selon nos observations et les affirmations des détenus. Pour ces derniers, soit 92,8% de ceux qui déclarent l’existence des handicapées, aucune disposition spécifique n’a été prise pour faciliter leur séjour. Elles sont le plus souvent vouées à la générosité de certains détenus pour celles qui ont des besoins sanitaires“ mentionne le rapport.

Par ailleurs, l’Ong Changement social rapporte que 67% (38 sur 57 répondants) des personnes interviewées n’ont pas été préparées au retour dans la vie en société au moyen d’un régime préparatoire à la libération. “Parmi les 33% restantes (19 sur 57 répondants), 84% ont déclaré être préparées par des mesures d’adaptation sociale initiées par un organisme social, 42% par des mesures d’insertion familiale, 11% par une libération avec mise à l’épreuve et 11% par des mesures spécifiques prises à l’interne de la maison d’arrêt. Par ailleurs, 98% des personnes interrogées n’ont pas été consultées par rapport à l’élaboration d’un plan de réinsertion socio-professionnelle“ lit-on.

De même, 63% (soit 61 sur 97) des personnes interrogées ont déclaré qu’il y existe des formations professionnelles. Des formations existantes qui ne sont pas accessibles à tous, selon celles-ci. “Parmi ces 61 personnes, seulement 7% sont inscrites dans l’une des formations professionnelles existantes au sein de l’établissement“ révèle le rapport.

“A l’arrivée dans cet établissement, 19,6% des personnes privées de liberté interrogées n’ont eu aucun entretien avec une quelconque personnalité dudit établissement. Toutefois, 67% des détenus ont eu un entretien avec un infirmier, 49,5% avec le régisseur, 41,2% ont eu un entretien avec un gardien-chef, 25,8% avec un chef brigadier et seulement 10,3% ont pu voir un psychologue“ lit-on également.

Quid des recommandations…

Face à cette situation plus ou moins déplorable des détenus de la maison d’arrêt de Porto-Novo, l’Ong Changement social a formulé des recommandations. Ainsi, il est recommandé entre autres, de mettre davantage un point d’honneur sur l’observance des prescriptions procédurales relativement aux dispositions du code de procédure pénale encadrant la détention provisoire ; poursuivre la politique de déconcentration du Barreau vers les Cours d’appel dont dispose le Bénin ; prendre les dispositions règlementaires, administratives et pratiques pour favoriser une mise en œuvre active des peines alternatives à l’emprisonnement prévues par le code pénal ; assurer l’accessibilité informationnelle aux personnes condamnées avec amande sur le sort réservé en cas de non-paiement de l’amende ; veiller à ce que les autorités judiciaires appliquent pleinement les dispositions du Code de procédure pénale relatives au délai maximum de la détention provisoire ; rendre opérationnel le dispositif d’aide juridictionnelle au profit des personnes privées de liberté à toutes les étapes de la procédure pénale ; créer une cantine pénitentiaire administrée sous la surveillance du régisseur et du personnel de santé de l’établissement ; développer une politique de ferme pénitentiaire ; augmenter la quantité du repas servi à défaut de compenser l’alimentation en allant jusqu’à trois voire quatre rations par jour ; mettre un terme à l’obligation des personnes privées de liberté de se procurer les vivres à la boutique pénitentiaire ; redoubler d’efforts pour assurer non seulement la disponibilité de l’eau mais aussi sa permanence ; doter l’infrastructure sanitaire en intrants adéquats pour traiter les pathologies récurrentes enregistrées dans la prison civile ; doter l’infrastructure sanitaire de personnel médical notamment les aides-soignants et gardes malades ; poursuivre les efforts en vue d’assurer une couverture sanitaire gratuite pour toutes les personnes privées de liberté ; doter l’infrastructure sanitaire d’une salle d’isolement pour les cas graves ou de maladies contagieuses ; doter l’établissement pénitentiaire de véhicule de transport médical ; accorder au moins une fraction de 15 minutes pour les détenus de s’entretenir avec les proches ; accélérer l‘adoption de la loi sur le régime pénitentiaire tout en y prévoyant la création, la composition inclusive et le fonctionnement de la commission de surveillance relativement à la gestion des plaintes des personnes privées de liberté sur leurs conditions de séjour ; Rendre les lieux de divertissement existants accessibles à tous. Lire l’intégralité du rapport sur https://changementsocialbenin.org/

A.B

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