Le litige qui oppose Orano et le gouvernement nigérien sur l’exploitation de l’uranium, demeure une affaire commerciale complexe qui depuis plusieurs mois se fondent principalement sur des allégations favorables au camp de la junte nigérienne. Mais les récents événements soulèvent de sérieux doutes sur la véracité et la légalité de ces allégations.
Le 19 juin 2025, le Niger annonçait la nationalisation de la SOMAÏR, jusqu’alors exploitée majoritairement (63,4 %) par Orano. Cette décision, présentée comme une restitution souveraine des “richesses nationales”, a ravivé des polémiques sur la gestion, la valeur et l’intégrité des ressources minières du pays. Mais derrière les discours officiels, plusieurs points restent flous — ou volontairement tus. Les accusations portées contre Orano, les ventes d’uranium, et la prétendue découverte de déchets radioactifs reposent sur des affirmations dont la vérification publique est incertaine.
Contrairement à des minerais de surface (calcaire, phosphate…), l’uranium exige des techniques d’extraction et de traitement complexes, coûteuses et dangereuses. Son extraction ne se résume pas à un simple “cueillette”. Il faut des installations industrielles, des procédés de lixiviation ou de transformation chimique, des contrôles radiologiques, des infrastructures de transport sécurisé.
Or, présenter l’uranium comme une ressource “facilement extractible” relève de la simplification — voire de la désinformation. L’exploitation historique de l’uranium nigérien par Orano (via la SOMAÏR ou précédemment la COMINAK) reposait sur un savoirfaire industriel, non sur des fouilles artisanales. C’est cette dimension technique complexe qui justifie les investissements et la précaution nécessaires — ce que les récents discours gouvernementaux semblent occulter.
Selon des sources proches du gouvernement nigérien, avant la nationalisation, l’uranium exploité par la SOMAÏR était vendu aux actionnaires selon des prix définis d’un commun accord — soit indexés aux marchés internationaux, soit fixés annuellement près des cours mondiaux.
L’affirmation selon laquelle l’uranium aurait été vendu à un “prix dérisoire” ne repose donc pas sur un mode de tarification marginal ou sauvage, mais sur un mécanisme standard pratiqué dans les pays producteurs. Les prix de cession était fait de manière consensuelle en intelligence avec le gouvernement et les divers administeurs parmi lesquels figuraient les représentants de l’Etat. L’État nigérien partageait l’exploitation avec Orano, via la SOPAMIN, ce qui rend l’argument de sousvalorisation très discutable.
L’événement récent le plus préoccupant est qu’après la nationalisation, un convoi d’uranium (de type “yellowcake”) a quitté le site de SOMAÏR — sans qu’Orano, ne soit informée, ni sur la quantité transportée, ni sur la destination, ni sur l’identité des acheteurs. Cet envoi viole le contrat entre Orano et le gouvernement et expose cet dernier à de graves prejudices financiers. En effet, une décision du tribunal arbitral du International Centre for Settlement of Investment Disputes (CIRDI), rendu le 23 septembre 2025, interdisait à l’État nigérien de vendre ou de transférer l’uranium produit par la SOMAÏR tant que le litige avec Orano n’était pas réglé. Autrement dit, le gouvernement nigérien — tout en dénonçant une soidisant sousévaluation — procède à des ventes potentiellement illégales, sans transparence, ce qui interroge sur les véritables motivations de cet “assainissement” des ressources.
Déchets radioactifs : accusation non prouvée ou simple justification politique?
Le 2 décembre 2025, les autorités nigériennes ont annoncé la découverte de “400 tonneaux de carotte radioactive” sur un site minier abandonné, à Madaouela (près d’Arlit), et déclaré leur intention de porter plainte contre Orano pour “atteintes graves à l’environnement, à la santé publique et à la souveraineté nationale”.
Orano, pour sa part, refute fermement ces accusations. Elle affirme ne pas détenir de permis d’exploitation pour le site de Madaouela et n’y avoir jamais mené d’opération — donc ne pas pouvoir être tenue responsable des prétendus déchets radioactifs.
En l’absence de preuve indépendante — audit radiologique, rapport environnemental, historique d’exploitation — l’accusation semble davantage relever d’un argument politique pour légitimer la nationalisation et la vente illégale faite afin de détourner l’attention des populations sur les varies questions, celles qui concernent les clauses du contrat avec la Russie. Le dossier de l’uranium nigérien — entre nationalisation, accusations environnementales, ventes contestées et décisions arbitrales — révèle un imbroglio complexe.





