À l’occasion de son traditionnel discours sur l’état de la Nation, prononcé le mardi 23 décembre 2025 devant l’Assemblée nationale, le président de la République du Bénin, Patrice Talon, a une nouvelle fois appelé chaque génération à prendre sa part de responsabilité dans la construction de la Nation. Insistant sur l’innovation, le génie constructif et le courage collectif, le Chef de l’État a exhorté les citoyens à faire barrage aux forces qu’il qualifie de rétrogrades, susceptibles de freiner le progrès national. Cependant, cette exhortation à l’effort collectif contraste avec la réalité de nombreux Béninois qui, pour diverses raisons, se sentent mis à l’écart ou privés de leur droit de choisir leurs représentants. Cette marginalisation les empêche de participer activement aux actions de développement, alors qu’ils pourraient apporter leur pierre à l’édifice.

Dans une métaphore forte, le Chef de l’État a invité chaque Béninois à « boucher de ses doigts les trous de la jarre trouée », afin qu’elle puisse abonder de richesses au profit des générations futures. Une image qui se veut rassembleuse et porteuse d’un idéal de solidarité nationale.

Cependant, au-delà de la portée symbolique et mobilisatrice de ce discours, une réalité plus contrastée interpelle. Au même moment où l’on appelle à l’effort collectif et à l’engagement de tous, une frange non négligeable de la population béninoise demeure, pour diverses raisons, en marge du processus national. Certains citoyens se voient exclus de la vie publique, tandis que d’autres sont privés de leur droit fondamental de choisir librement leurs représentants, ceux qu’ils estiment capables de porter leurs aspirations et de défendre leurs intérêts.

Cette situation crée un paradoxe préoccupant : comment exiger une contribution totale à l’édification de la Nation lorsque tous ne bénéficient pas des mêmes espaces d’expression et de participation ? De gré ou de force, ces citoyens écartés deviennent de simples spectateurs des actions de développement, alors qu’ils auraient pu y apporter leur savoir, leur énergie et leur créativité.

La construction d’une Nation forte et durable repose certes sur l’innovation et le courage, mais aussi sur l’inclusion, le respect des droits civiques et la participation effective de tous. Sans ces fondements, l’appel à l’unité risque de rester un idéal difficilement atteignable.

À l’heure où le Bénin se projette vers l’avenir, le défi majeur demeure donc de concilier ambition de progrès et ouverture démocratique, afin que la jarre nationale ne soit pas colmatée par quelques-uns seulement, mais par l’ensemble des citoyens, sans exclusion ni frustration.

M.M.

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