(Whenu a po t′ayihon lomè : L’hymne éternel ; le paradoxe de la reconnaissance)

L’artiste béninois Félix Didolanvi, universellement connu sous le surnom de « Pêcheur », est une icône dont la musique, profondément spirituelle et culturellement enracinée, a marqué l’histoire du Bénin. Sa disparition a laissé un vide, mais ses mélodies continuent de rythmer l’âme béninoise, particulièrement à chaque nouvelle année.

Félix Didolanvi était avant tout un artiste musicien traditionnel du Gospel, fervent membre de l’Église du christianisme céleste (Ecc). Depuis 1972, il a mis son talent exceptionnel de compositeur-chanteur au service de l’évangélisation et de la méditation. Son œuvre est un pont magnifique entre la spiritualité chrétienne et les rythmes traditionnels du terroir béninois. Ses compositions ne sont pas de simples chants de louange ; elles sont des morceaux de culture qui transcendent les barrières religieuses. Catholiques, Athées, Vodouisants, Évangéliques, tous s’accordent à savourer la profondeur et le message universel de ses créations.

Whenu a po t′ayihon lomè : L’hymne éternel

L’œuvre la plus emblématique de Pêcheur, Whenu a po t’ayihon lomè  (Parce que tu es encore vivant), une invocation pour témoigner notre gratitude à Dieu qui nous permet d’embrasser une année nouvelle), est un phénomène social et culturel au Bénin. Chaque nouvel an, ce titre s’impose comme un hymne national officieux de l’année qui commence. Il résonne partout : dans les kiosques, les voitures, les maisons, sur les ondes radio et télévisuelles. Ce succès populaire, qui dure depuis des décennies, témoigne de la portée intergénérationnelle et de l’unanimité de son talent. Félix Didolanvi, dit « Pêcheur », natif de Porto-Novo, n’est pas seulement un chanteur, mais un historien des âmes qui, à travers ses chants d’évangélisation et de méditation, a percé les frontières et traversé les générations. Puisse la mémoire de cet homme de l’Ecc, dont le talent fait l’unanimité, être enfin pleinement ravivée et saluée.

Le paradoxe de la reconnaissance

En effet, malgré la popularité et l’impact incontestable de ses œuvres, Félix Didolanvi est souvent un « oublié des Oscars » et des listes d’hommages officiels qui célèbraient les anciennes gloires de la musique béninoise. C’est dans ce contexte que le journal Matin Libre, en 2020, a attiré l’attention des autorités culturelles en soulignant que le nom de Pêcheur était étrangement absent des célébrations et hommages rendus aux icônes de la musique. Cette omission est d’autant plus troublante que ses œuvres n’ont rien à envier, en termes d’impact historique et culturel, à celles des autres artistes salués. Félix Didolanvi reste ainsi le symbole d’un mérite non encore pleinement célébré par les Institutions. Il est une preuve que l’État et le secteur privé ont encore du chemin à faire pour garantir que la mémoire et les contributions de tous les artistes qui ont marqué l’histoire musicale du Bénin soient honorées à leur juste valeur

Un hymne à la persévérance et à la mémoire

En définitive, l’histoire de Félix Didolanvi, dit « Pêcheur », est bien plus que celle d’un artiste de talent. C’est l’illustration poignante du dédoublement des gloires : une gloire populaire immense et indéfectible, opposée à une reconnaissance institutionnelle qui s’est fait attendre. Pêcheur n’a pas seulement chanté la foi ; il a tissé, avec ses mélodies et ses textes, une part essentielle du patrimoine immatériel béninois. Ses chansons, en particulier l’incontournable « Whenu a po t′ayihon lomè », ont prouvé qu’elles sont intemporelles et universelles, capables d’unir des Béninois de toutes confessions et de toutes générations.

Sa vie et son œuvre sont un puissant plaidoyer pour que les initiatives d’hommage au Bénin ne se limitent pas à une liste restreinte, mais embrassent la diversité et l’impact réel des contributions de chaque artiste. Le devoir de mémoire n’est pas seulement un acte de gratitude envers le passé, c’est aussi un engagement envers l’avenir, garantissant que la bibliothèque culturelle qu’incarnait Pêcheur continue d’inspirer. Félix Didolanvi, le « Pêcheur » d’âmes et de mélodies, mérite de figurer en lettres d’or au panthéon des immortels de la musique béninoise.

Fifonsi Cyrience KOUGNANDE

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