La Constitution de la République du Bénin a vraiment du souci à se faire. Ce texte fondamental qui est le socle de notre vivre ensemble a servi d’alibi et de prétexte à toutes les causes qui ne sont pas toujours nobles. D’une époque à une autre, en fonction des enjeux du moment, le curseur bouge entre révisionniste et non révisionniste. A dire vrai, il s’agit d’un mouvement des mêmes acteurs qui tantôt revêtent des manteaux de héro non révisionniste et ensuite se réveillent pour découvrir des urgences de développement qui nécessitent la révision.
D’hier à aujourd’hui, la problématique de la révision constitutionnelle est rarement liée à un intérêt général intrinsèquement attaché au peuple. Fort malheureusement, les raisons non avouées des élans de révision constitutionnelle se résument fatalement en deux questions : comment faire pour que « après nous soit nous » ? ou comment faire pour que « après nous ce ne soit jamais les autres » ?
Contrairement aux professions et confessions argumentées à coût d’experts politiques et constitutionnalistes, les problématiques de révision ne sont en réalité que des ajustements confortatifs d’intérêts particuliers ou des blocages d’autres intérêts particuliers.
La mandature 2006-2016 a mis au grand jour la sempiternelle guéguerre autour de la révision de la Constitution. Le Président de la République à cette époque avait beau juré sur DIEU en prenant à témoin son pape pour montrer sa bonne foi, ses envies de révision ne passèrent point. Ces tentatives firent face à une redoutable machine d’anti révisionnistes d’occasion. Malgré les arguments présentés (imprescriptibilité des crimes économiques, constitutionnalisation de la Cour des comptes, abolition de la peine de mort), le bloc anti révisionniste motivé par une télécommande généreuse, armé d’arguments d’experts à la commande, n’eut pas beaucoup de mal pour faire échec à cette tentative. A coup de grèves, de marches, de conférences et autres sabotages ingénieux, la machine anti révisionniste a réussi avec ruse à annihiler les essais de révision de ce temps.
La mandature 2016-2026 est toute une autre histoire. Cette mandature est caractérisée par l’alignement des uns et le silence des autres. Cette mandature a réussi l’exploit retentissant de faire déjà deux révisions de notre Constitution avec pour principal allié l’obscurité et les ténèbres de la nuit. Rien ne garantit qu’avant le terme du mandat, une troisième révision n’intervienne. Les acteurs n’ont pas changé. Ceux d’hier sont les mêmes aujourd’hui. A la seule différence qu’aujourd’hui, les anti révisionnistes sont devenus révisionnistes. Il faut croire qu’aujourd’hui ces acteurs ont reçu plus de lumière pour comprendre qu’il y a urgence à réviser. L’urgence est telle qu’il faut aller vite sans se préoccuper de concertation et de consensus. Pourtant, un des acteurs majeurs a pu dire que pour changer même une seule virgule de la Constitution il fallait consulter le peuple. Aujourd’hui ce même peuple est regardé de haut. Pourquoi s’embarrasser d’un peuple qui n’a pas encore réglé les questions de pitance quotidienne ?
Alors on révise à tour de bras. On révise la Constitution comme on corrigerait un rapport de consultant dans un ministère. On révise comme qui dirait « entre copains et coquins ». On se fait des passes amicales comme quand on joue à la baballe. La dernière révision en date a pourtant porté des amendements majeurs à notre Constitution qui méritent consultation et consensus. Il a été habilement introduit un mandat de sept ans au lieu de cinq ans, tout en créant un Sénat dont on n’a pas encore fini de découvrir les dessous inavoués. L’avenir a encore bien de choses à nous révéler. On apprend déjà que les révisionnistes de circonstance s’apprêtent à aller expliquer au peuple pourquoi cette révision est utile pour son bonheur. Le chien aboie, la caravane passe. Mais faisons attention pour que la caravane ne se casse pas un jour.
ABOU Elvis
Sociologue
elvisabou@gmail.com






