Certaines campagnes internationales deviennent plus qu’un simple parcours sportif. Elles deviennent des chapitres fondateurs, des tournants identitaires, des récits que l’on transmet pour rappeler d’où l’on vient et jusqu’où l’on peut aller.

La CAN 2019 en Égypte, pour le Bénin, fait partie de ces moments-là. Un tournoi où un pays habitué aux éliminations précoces s’est réinventé, a défié les pronostics, a renversé une puissance continentale, et s’est forgé une place dans le cœur de millions d’Africains.

Avant 2019 :

  • Il n’avait jamais remporté le moindre matchen phase finale de Coupe d’Afrique des Nations
  • Il n’avait jamais dépassé la phase de groupes.
  • Il n’était pas une puissance, ni même un outsider.
  • Il était un invité modeste, discret, presque anonyme.

Mais en 2019, tout va changer. L’Égypte va devenir le théâtre d’une histoire incroyable : la résurrection d’un football local qui avait longtemps été condamné à douter.

Le contexte avant l’exploit du Bénin en Égypte

L’arrivée du Bénin à la CAN 2019 n’a rien d’évident. Les qualifications ont été serrées, le public sceptique, les observateurs prudents. Dans cet ordre d’idée, les analystes sportifs ivoiriens s’accordaient à dire que l’équipe ferait office d’outsider.

Le pays sortait d’années difficiles, marquées par :

  • une instabilité chronique autour de l’équipe nationale,
  • un manque de profondeur dans l’effectif,
  • des infrastructures loin des standards continentaux,
  • une absence de résultats majeurs depuis toujours.

Mais un élément a changé la trajectoire : Michel Dussuyer, un homme discret, méthodique, rigoureux, connaît déjà la maison béninoise. Sa nomination résonne comme un retour à une forme de stabilité.

Sous sa direction, les Écureuils retrouvent :

  • un bloc solide,
  • une discipline tactique exemplaire,
  • un vestiaire uni,
  • une mentalité de travailleurs.

Les joueurs savent qu’ils ne rivaliseront pas avec les grands par la flamboyance.
Mais ils peuvent compenser par la rigueur, la solidarité et l’intelligence.

Le tirage : un groupe C qui sent le piège

Le Bénin hérite d’un groupe particulièrement relevé, le Groupe F, avec :

  • le Cameroun, tenant du titre ;
  • le Ghana, quadruple champion d’Afrique ;
  • la Guinée-Bissau, une équipe solide et imprévisible.

Un groupe où le Bénin n’est, sur le papier, que le quatrième candidat à un billet pour les huitièmes. Mais l’histoire ne s’écrit pas sur le papier.

Ghana – Bénin (2–2)

Pendant que le monde du football s’attend à une victoire tranquille des Black Stars, le Bénin se présente sans complexe. Et après seulement 2 minutes, la CAN bascule :
Mickaël Poté, sur une action rapide, inscrit le but le plus précoce de l’édition.

Le Ghana réagit avec l’expérience de ses cadres : les frères Ayew renversent le score.
Mais les Écureuils ne renoncent pas. Ils égalisent sur une action splendide conclue par… Poté encore, auteur d’un doublé mémorable.

Le match se termine en 2–2, et le Bénin pose ses premiers jalons : il ne sera le souffre-douleur de personne. Ce match marque un tournant psychologique. Pour la première fois depuis longtemps, les Guépards se regardent dans le miroir et voient autre chose qu’une équipe venue pour défendre.

Match 2 : Bénin – Guinée-Bissau (0–0)

Un match fermé, physiquement dur, frustrant pour les supporters.
Le Bénin domine, tire plus au but, contrôle le tempo, mais ne parvient pas à scorer.

Cependant, ce nul, souvent décrit comme terne, est en réalité décisif. Avec 2 points au compteur, les Guépards restent en vie.

Match 3 : Bénin – Cameroun (0–0)

Le Cameroun, tenant du titre, arrive pour arracher la qualification. Le Bénin, lui, joue pour la survie. Le match est une bataille tactique. Le Bénin joue en 4–4–2 compact, discipliné comme rarement vu dans son histoire. Les Lions Indomptables poussent, mais la défense béninoise – Verdon, Adenon, Imorou, Barazé tient comme un mur.

Allagbé signe un match monumental dans les cages.

Ce nul, bien plus qu’un simple 0–0, est en réalité :

  • un acte fondateur,
  • une déclaration d’intention,
  • une démonstration de force mentale.

Le Bénin termine la phase de groupes avec 3 nuls, invaincu, et se qualifie comme l’un des meilleurs troisièmes. Une première dans l’histoire du pays. Les supporters et les journaux sportifs béninois commencent à y croire pour de vrai.

Huitièmes de finale : Maroc – Bénin (1–1, tab 1–4)

Ce match restera dans les annales comme l’un des plus grands exploits de l’histoire du football béninois. Face au Maroc, grande puissance africaine, invaincu depuis un an, auteur d’un premier tour parfait, tout le monde annonce une victoire facile des Lions de l’Atlas.

Tout le monde, sauf les Béninois eux-mêmes.

Le scénario de la légende

  • À la 53e minute, Moïse Adilehououvre le score sur corner.
  • Le Maroc égalise par En-Nesyri, mais le Bénin refuse de plier.
  • À la 90e minute, le Maroc obtient un penalty…
  • Ziyechs’avance… et tire sur le poteau.

Aux tirs au but, les Écureuils réalisent un sans-faute : 4 tirs, 4 buts. Saturnin Allagbé arrête la tentative adverse. Et le Bénin élimine le Maroc.

Ce jour-là, le Bénin passe dans une nouvelle dimension. Les Guépars deviennent :

  • l’équipe surprise du tournoi,
  • le symbole de la CAN,
  • la fierté d’un pays entier.

Quarts de finale Sénégal – Bénin (1–0) : une sortie la tête haute

Le Sénégal est l’équipe la plus forte du tournoi. Et cette équipe de Cissé est en mission. Le Bénin, épuisé mais combatif, résiste pendant plus d’une heure. Il concède finalement un but de Idrissa Gana Gueye, servi par Sadio Mané.

Mais les Écureuils ne sombrent pas. Ils poussent dans les dernières minutes, à l’image d’un Dossou intenable. Ils font trembler le Sénégal, ce qui en dit long sur leur progression.

Le Bénin quitte la compétition en quarts de finale, pour la première fois de son histoire. Pas comme un petit. Pas comme un figurant. Mais comme une équipe qui a gagné le respect de tout un continent.

Les hommes derrière l’exploit béninois en 2019

Derrière la performance historique du Bénin à la CAN 2019, il y avait des hommes, des histoires, des tempéraments, des caractères forgés au fil des épreuves. Une équipe ne s’invente pas, elle se construit, et celle des Écureuils s’est bâtie autour d’un noyau dur où chaque joueur apportait une pierre essentielle à l’édifice. Le succès béninois ne tient pas seulement aux systèmes et aux plans de jeu, mais à ces individualités qui ont su se transcender au moment où le pays avait le plus besoin d’elles.

Saturnin Allagbé, d’abord, fut la grande révélation. Gardien longtemps sous-estimé, parfois relégué dans l’ombre de concurrents plus médiatisés, il a profité de cette CAN pour se présenter au monde avec une autorité impressionnante. Contre le Maroc, il a tenu le Bénin en vie à plusieurs reprises, signant des arrêts déterminants qui ont permis à son équipe de rêver plus loin. Face au Cameroun, il a offert une prestation d’une sérénité rare, transformant chaque ballon adverse en un duel dont il ressortait vainqueur. Cette CAN a révélé un gardien, mais aussi un leader silencieux, dont le regard inspirait la confiance.

À l’avant, Mickaël Poté représentait l’expérience, la maturité, la lucidité dans les moments décisifs. Son doublé contre le Ghana n’est pas un hasard : c’est l’illustration parfaite d’un joueur qui connaît les grands rendez-vous et qui sait les aborder sans trembler. Poté n’a jamais été le plus flamboyant, mais il a toujours su être là quand il le fallait. Son sens du placement, sa capacité à punir la moindre hésitation adverse ont rappelé l’importance indispensable des anciens dans une compétition aussi exigeante que la CAN.

Dans la surface opposée, Moïse Adilehou a pris une dimension inattendue.
Longtemps considéré comme un défenseur discret, il s’est transformé en homme des grands soirs. Contre le Maroc, il marque l’un des buts les plus importants de toute l’histoire du football béninois. Mais au-delà de ce coup d’éclat, il s’est imposé comme un roc défensif, imperturbable, efficace, entièrement dévoué au collectif.

Le duo formé par Khaled Adénon et Olivier Verdon mérite une mention particulière.
Cette charnière, souvent critiquée par le passé, s’est muée en un véritable rempart, peut-être l’un des plus solides de la compétition. Adénon, avec son expérience et son sens du duel, apportait la stabilité indispensable. Verdon, plus jeune mais déjà très mûr, compensait par son agressivité, sa relance propre et un courage sans faille. Ensemble, ils ont étouffé les attaques d’adversaires plus prestigieux et plus complets. Leur complicité fut l’un des secrets de la réussite béninoise.

Steve Mounié, lui, symbolise parfaitement l’abnégation. Beaucoup retiennent sa taille, ses qualités aériennes, mais son rôle allait bien au-delà. Mounié a travaillé comme rarement un avant-centre travaille dans une CAN : pressing incessant, courses de harcèlement, déviations précises, efforts défensifs… Il a été l’un des premiers défenseurs des Écureuils et l’un de leurs relais offensifs les plus constants. Ce tournoi l’a montré sous un jour nouveau : celui d’un guerrier capable de se sacrifier pour l’équipe.

Sur les ailes, Jodel Dossou apportait la folie, l’imprévu, la fulgurance. Il est ce joueur capable, sur un dribble ou une accélération, de changer le sens d’un match. Contre le Sénégal comme contre le Cameroun, il a été un poison permanent pour les défenses adverses. Sa vitesse, sa confiance en un-contre-un, son audace ont donné au Bénin l’arme offensive qu’on ne lui connaissait pas : un détonateur capable de semer la panique dans n’importe quel bloc.

Aussi, il faut parler de David Kiki et de Emmanuel Imorou, deux latéraux souvent dans l’ombre, rarement sous les projecteurs, mais indispensables dans l’équilibre collectif.
Ils ont fermé leurs couloirs avec une rigueur remarquable et ont apporté un soutien offensif intelligent, jamais excessif, toujours mesuré. Leur sens du timing, leur discipline et leur lucidité ont permis au Bénin de rester solide, même face aux attaques les plus redoutables du continent.

Ce que la CAN 2019 a changé pour toujours

L’impact de cette CAN sur le Bénin fut immense :

  • explosion de la ferveur populaire,
  • reconnaissance internationale,
  • hausse du nombre de joueurs expatriés,
  • investissements accrus dans la formation,
  • changement de statut auprès des autres nations africaines.

Le Bénin n’est plus une équipe anonyme. Il est devenu une nation respectée, difficile à manœuvrer, structurée, ambitieuse. Et 2019 est l’année où tout a basculé.

L’épopée béninoise à la CAN 2019 restera comme l’un des plus grands contes contemporains du football africain. Pendant un mois, les Écureuils ont fait battre le cœur d’un pays. Ils ont défié le Maroc, résisté au Cameroun, tenu tête au Ghana, fait trembler le Sénégal. Ils ont réécrit l’histoire.

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