Home Bénin  Assemblée nationale: La Constitution encore retouchée nuitamment…

 Assemblée nationale: La Constitution encore retouchée nuitamment…

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  • Les députés: les dessous du zèle révisionniste
  • Modification des mandats: Omerta avant l’adoption  
  • Exit la contestation de l’action gouvernementale

Réunis en séance plénière au Palais des gouverneurs, les députés de la 9ᵉ législature ont adopté ce vendredi 14 novembre 2025 une nouvelle révision de la Constitution du 11 décembre 1990. La loi n°2025-20 portant modification de la loi fondamentale a été votée par 90 voix pour et 19 contre, à l’initiative des présidents de groupes parlementaires Assan Seybou (Bloc Républicain) et Aké Natondé (Union Progressiste le Renouveau).

Avant ce vote final, les parlementaires avaient dû franchir la première étape : la prise en considération de la proposition de révision, condition exigée par l’article 154 de la Constitution. Cette disposition impose une majorité des trois quarts des membres composant l’Assemblée nationale. Les députés ont ainsi validé cette étape par 87 voix pour et 22 contre, après la présentation du rapport de la Commission des lois et un débat général nourri.

Une réforme d’ampleur : 15 articles nouveaux et 18 modifiés

La révision constitutionnelle adoptée introduit des modifications substantielles touchant aussi bien les institutions que le fonctionnement du système politique. Au total, 15 articles nouveaux ont été créés et 18 autres modifiés.

Parmi les innovations majeures figure la révision de l’article 42. Désormais, le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de sept ans, renouvelable une seule fois. La limitation stricte à deux mandats à vie est ainsi réaffirmée avec plus de clarté.

Vers un Parlement bicaméral

Autre changement fondamental : l’instauration du bicaméralisme. L’article 79 révisé confère au Parlement, désormais composé de l’Assemblée nationale et du Sénat, le pouvoir législatif ainsi que le contrôle de l’action gouvernementale.

L’article 80 modifié précise que le mandat des députés passe à sept ans, renouvelable. Il introduit également une disposition forte contre la transhumance politique : tout député démissionnant du parti qui l’a porté lors des législatives perd automatiquement son mandat.

Dans la même logique, l’article 86 révisé prévoit que les lois et résolutions votées par l’Assemblée nationale sont transmises simultanément au Président de la République et au Président du Sénat.

 Sénat: la quête de la stabilité politique

 Selon l’article 113.1 nouvellement introduit, le Sénat dont les membres porteront désormais le titre de Sénateurs se voit confier une mission de régulation politique. Il devra veiller à « la sauvegarde et au renforcement des acquis de l’unité nationale, du développement de la Nation, de la défense du territoire, de la sécurité publique, de la démocratie et de la paix ».

La révision constitutionnelle ne concerne pas seulement les institutions nationales. Le texte adopté porte aussi le mandat des maires et des conseillers communaux à sept ans, renouvelable, harmonisant ainsi la durée des mandats locaux, parlementaires et présidentiels.

Cette nouvelle révision de la Constitution du Bénin marque un tournant majeur dans l’évolution du système politique, redessinant les équilibres institutionnels et redéfinissant les règles du jeu démocratique. Reste à observer les implications concrètes de ces changements dans la vie politique nationale dans les années à venir.

Des non-dits et le zèle révisionniste des députés…

Depuis les premières annonces autour de la révision de la Constitution, l’opinion publique a surtout entendu parler de modernisation des institutions, de création d’un Sénat et de « trêve politique ». Des arguments présentés comme nécessaires pour stabiliser la vie publique béninoise. Pourtant, un autre enjeu, beaucoup moins exposé au grand jour, se dessine derrière cette réforme : les avantages directs et très concrets qu’en tireraient les députés eux-mêmes.

L’un des éléments les plus sensibles, mais soigneusement passé sous silence, est l’allongement du mandat des députés à sept ans, potentiellement renouvelables. Une telle mesure offre une stabilité exceptionnelle aux élus. Au lieu d’être soumis régulièrement au verdict des urnes, ils bénéficient d’un espace plus large pour consolider leurs réseaux, sécuriser leurs alliances politiques et réduire drastiquement le risque de perdre leur siège.

Un mandat prolongé, c’est moins de campagnes à financer, moins d’incertitudes, et beaucoup plus de temps pour s’installer dans les rouages du pouvoir. Pour certains députés, c’est une opportunité stratégique qui transforme un quinquennat incertain en un long cycle politique confortable et répétable.

Le soutien appuyé de certains députés à la réforme prend désormais une autre dimension. En plus des arguments officiels, il existe une logique d’intérêt personnel. La révision constitutionnelle leur ouvre des perspectives de carrière allongée, de sécurité professionnelle et de confort institutionnel. Cela explique ce zèle observé dans les débats. Derrière le discours du “bien commun”, il y a une évidence : les députés n’ont pas oublié de penser à eux-mêmes.

Le Sénat: Exit la contestation de l’action gouvernementale

La modification de la loi fondamentale acte la création du Sénat et par surcroît la constitutionnalisation de la fameuse trêve politique. L’Article 5.1 stipule que “Dans l’intervalle séparant deux années électorales, jusqu’à 12 mois avant l’année électorale, les forces politiques concourent dans le respect du pluralisme, de la stabilité institutionnelle, du renforcement de l’État et de la continuité de l’action publique. Les partis politiques d’opposition sont tenus, dans la critique de l’action publique, de proposer des alternatives ou des solutions constructives. Un pacte de responsabilité républicaine peut être conclu entre le gouvernement et les partis politiques sous l’égide du Sénat afin d’établir un cadre de collaboration avec l’opposition en raison de la prohibition des campagnes électorales permanentes, hors période électorale. À cette fin, il est instauré une trêve politique pour compter de la date de proclamation définitive de l’élection du président de la République jusqu’à 12 mois avant la fin de son mandat. Durant la trêve, l’animation politique à finalité compétitive et électorale est prohibée”.

Et selon des précisions rapportées du Rapport de la Commission des lois, le Sénat sanctionne de suspension ou de retrait des droits politiques ou civiques les acteurs politiques, excepté le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Conseil économique et social, pour leurs actes ou propos susceptibles de porter atteinte à l’unité nationale, au développement de la nation, à la défense du territoire, à la sécurité publique, à la démocratie, aux droits humains, à la paix, au renforcement de l’État et à la stabilité politique du pays.

Si certains observateurs y voit un second jackpot pour plusieurs parlementaires du fait que certains pourraient y accéder automatiquement, promis à un statut de sénateur d’office, d’autres présentent le Sénat comme un véritable refuge institutionnel, une retraite politique dorée. Non pas un espace conçu pour équilibrer le pouvoir législatif, mais un gage de sécurité pour les figures du régime, leur permettant de prolonger leur influence tout en profitant d’un poste moins exposé que celui de député.

Des révisions dans la discrétion nocturne

Dans la nuit du 14 au 15 novembre, l’Assemblée nationale du Bénin a adopté une nouvelle révision de la Constitution, approuvée par 90 voix contre 19. Six ans seulement après la révision controversée de 2019, elle-même adoptée dans la discrétion nocturne. Cette répétition des révisions nocturnes interroge autant qu’elle révèle les dynamiques politiques actuelles.

Le processus nocturne des dernières révisions constitutionnelles questionne. Comme en 2019, la révision a été conduite de manière expéditive. Le débat général, le vote fondamental et le vote secret se sont succédés dans la même session, en pleine nuit. Cette manière de procéder nourrit un sentiment d’opacité et renforce l’idée d’un passage en force, d’autant plus que le rapport de force politique est largement favorable au camp présidentiel.

M.M

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