Le Conseil des Ministres, réuni ce mercredi 05 novembre 2025, a marqué un tournant décisif dans la politique monétaire du Bénin. Sous la présidence du Chef de l’État Patrice Talon, le gouvernement a décidé de transmettre à l’Assemblée nationale, pour examen et vote, un projet de loi visant à réprimer le faux monnayage et les autres atteintes aux signes monétaires.
Si la lutte contre la contrefaçon est essentielle, c’est l’inclusion de la notion d’« autres atteintes aux signes monétaires » qui retient particulièrement l’attention, car elle vise à éradiquer un phénomène persistant et préjudiciable : le refus des billets et pièces usagés ou froissés, entre autres. En effet, malgré les avertissements répétés du Ministre des Finances au fil des années, le refus d’accepter des billets ou pièces jugés « trop vieux, lisses ou froissés » est resté une pratique courante, voire banalisée, sur le territoire béninois. Commerçants, transporteurs ou même particuliers se permettent régulièrement de remettre en question la valeur d’une monnaie légale pour son seul aspect esthétique.
Ce faisant, ces acteurs mettent en péril la confiance du public dans le Franc Cfa (XOF), qui est pourtant le pilier des échanges et dont l’intégrité est garantie par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’ouest (Bceao). L’État était jusque-là resté au stade de la sensibilisation et des avertissements. Mais, avec ce nouveau projet de loi, l’État béninois élève clairement le ton et passe de la simple recommandation à la répression légale. L’expression «autres atteintes aux signes monétaires» est la clé. Elle englobe désormais des comportements qui, bien que n’étant pas du faux monnayage, menacent l’intégrité et le pouvoir libératoire de la monnaie légale.
Le refus d’acceptation, une infraction désormais ciblée
La loi est limpide : le refus d’un signe monétaire (billet ou pièce) sous prétexte qu’il est usé, lisse ou froissé est considéré comme une infraction. Le Franc Cfa possède le pouvoir libératoire au Bénin, ce qui signifie que tout créancier (commerçant, prestataire, etc.) a l’obligation légale d’accepter cette monnaie pour le règlement d’une dette ou d’un achat, tant qu’elle n’est pas « mutilée » au point d’être non identifiable. Refuser un billet froissé revient à remettre en cause ce pouvoir libératoire, perturbant ainsi le bon fonctionnement des échanges commerciaux. Le texte va plus loin en réprimant l’utilisation de faux billets, la détention de signes contrefaits, la modification d’un billet vrai (écriture, déchirure, brûlure), ou même le fait de conserver sciemment un faux billet découvert après l’avoir reçu.
Le projet de loi met ainsi chacun devant ses responsabilités. Il marque la fin de la tolérance pour des pratiques qui minent la fluidité des transactions et la confiance dans le système monétaire national. Si la loi est adoptée, le Bénin se dotera d’un arsenal juridique musclé pour garantir que le Franc Cfa, quelle que soit son usure, conserve tout son rôle d’instrument de paiement légal sur l’ensemble du territoire.
Autres atteintes aux signes monétaires…
Le Bénin, en décidant la répression du faux monnayage, élève ainsi le ton contre la fabrication de faux billets ou fausses pièces. Plus intéressant, la loi ne concerne pas seulement le faux monnayage mais aussi les «autres atteintes aux signes monétaires». C’est là que le terme «autres atteintes» prend toute son importance. Il couvre des comportements qui ne sont pas la fabrication du faux, mais qui mettent en danger l’intégrité, la crédibilité ou la valeur de la monnaie légale.
Quand l’auteur sait que le billet est faux, mais essaie de l’utiliser comme vrai ; le fait de détenir de signes monétaires contrefaits ou falsifiés, même si l’intention de les mettre en circulation n’est pas immédiatement prouvée ; le fait d’avoir reçu un signe monétaire en le croyant bon, mais qui, après avoir découvert qu’il est faux, le conserve sciemment et s’abstient de le remettre aux autorités compétentes ; le fait de modifier une pièce ou un billet qui est vrai pour lui donner une apparence différente ; l’endommagement volontaire et massif de billets ou pièces par l’écriture, la déchirure, la brûlure, sont entre autres, des atteintes à l’intégrité de la monnaie. En résumé, les «autres atteintes» vont au-delà de la simple production de faux. Elles visent à réprimer tous les actes qui, directement ou indirectement, par l’utilisation, la dégradation ou la substitution illégale, menacent la confiance du public dans la monnaie émise par la Bceao.
Fifonsi Cyrience KOUGNANDE


