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Révision annoncée de la Constitution: Ces voix qui s’élèvent contre un Sénat

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Au Bénin, l’actualité politique nationale est secouée par l’idée d’une proposition de révision de la Constitution avec pour élément nouveau, l’institutionnalisation d’un Sénat. L’annonce a été faite, vendredi 31 octobre à l’ouverture de la deuxième session ordinaire de l’Assemblée nationale. Depuis, des voix s’élèvent contre.

Pourquoi un Sénat maintenant que Patrice Talon est en fin de mandat ? Selon les arguments de ceux qui sont à l’origine de cette proposition de révision de la Loi fondamentale, il s’agirait de formaliser un cadre qui existe déjà, celui des personnes vers qui le chef de l’Etat se tourne en cas de crise pour prendre des conseils. Le Sénat, version béninoise, serait alors composé d’anciens présidents de la République, de l’Assemblée nationale, de la Cour constitutionnelle, des chefs d’état-major des Forces armées et d’autres membres nommés par le président de la République et le président de l’Assemblée nationale. Le Sénat aura pour rôle de concourir à garantir la sauvegarde et le renforcement des acquis de développement de la Nation, de défense du territoire et de la sécurité publique, assurer la promotion des mœurs politiques conformes à la sauvegarde des intérêts supérieurs de la Nation, de l’unité et de la cohésion nationales, du développement durable et de la paix sociale, veiller à renforcer les libertés publiques, la qualité de la gestion des biens publics, l’unité et la concorde nationales en vue du développement humain équilibré et durable. Jusque-là, il n’y a pas grand-chose à dire. Mais le rôle du Sénat ne s’arrête pas à ces fonctions énumérées ci-dessus. Là où, la chose devient sérieuse et suscite la polémique, il est dit qu’en matière législative, le Sénat délibère, a priori, sur tout projet ou proposition de loi à caractère politique, notamment en ce qui concerne la dévolution ou l’organisation du pouvoir d’Etat. Le Sénat peut solliciter une seconde lecture de toute loi votée à l’Assemblée nationale, exceptées les lois de finance et assimilées. A cet effet, à sa demande de seconde lecture de toute loi conférée par la Constitution, l’Assemblée nationale écarte les observations du président de la République, le Sénat est saisi en lecture définitive. Il est envisagé dans la nouvelle Constitution une période de trêve politique de 4 ans, après l’élection du président de la République, période au cours de laquelle l’activité des partis politiques à visée de compétition sera suspendue. Le Sénat est chargé d’y veiller. Ce qui suscite des réactions.

Célestine Zanou : « le véritable souhait du régime est de créer une nouvelle République »

Ancienne directrice de cabinet du président Mathieu Kérékou, Célestine Zanou a interpellé les anciens présidents de la République, de l’Assemblée nationale, de la Cour constitutionnelle et des anciens chefs d’état-major, membres potentiels du Sénat pour lequel, une révision de la Constitution est envisagée. Elle leur demande de briser la loi de l’omerta s’il est vrai qu’ils ne sont pas demandeurs, comme elle le croit. « Il ne fait l’ombre d’aucun doute que les personnalités ainsi visées et au profit desquelles le projet d’achèvement du délitement de la démocratie béninoise sera exécuté n’en sont ni demandeuses ni complices, du moins à ma connaissance. Elles ont toutes eu des parcours académiques, professionnels, intellectuels, politiques et militaires exemplaires fondés sur de solides valeurs patriotiques et républicaines et elles ont participé parfois au péril de leur vie aux luttes pour l’enracinement des libertés politiques et civiles dans notre pays » fait savoir Célestine Zanou. A ses dires, ce n’est pas au soir de leur vie, en sexagénaires, en octogénaires et en nonagénaires que ces personnes vont s’inventer une vie de « collabo ». Car, pour elle, il n’échappe pas au peuple que le véritable souhait du régime est de créer une nouvelle République avec des conséquences politiques sismiques en usant du détour par la création du Sénat

Boni Yayi : « La création d’un Sénat n’est ni opportune ni légitime »

Dans une déclaration publiée sur sa page Meta, l’ancien président de la République, potentiel membre du Sénat, version béninoise, a laissé entendre que la création d’une telle institution n’est ni opportune, ni légitime. A ses dires, il constitue une initiative antidémocratique, contraire aux principes fondamentaux de la séparation des pouvoirs et au bon fonctionnement des institutions. « Sa composition soulève de sérieuses interrogations, tout comme ses attributions et sa fonction, qui paraissent conçues pour servir un seul homme, ignorant l’intérêt général » lit-on dans la déclaration. Le prédécesseur de Patrice Talon va plus loin, en déclinant d’ores et déjà l’offre qui lui est faite de faire partie de cette institution. « Je ne saurais en aucun cas faire partie de cette institution comme membre de droit ni cautionner un tel projet, dont le dessein véritable semble être de modifier la nature même de notre régime politique. Une telle dérive institutionnelle met en péril les acquis démocratiques chèrement obtenus par le peuple béninois au prix de tant de sacrifices» souligne Boni Yayi, qui appelle les députés du parti Les Démocrates à rejeter cette proposition de révision constitutionnelle par leur minorité de blocage.

Nathaniel Kitti : « Nous sommes dans la pensée unique »

Vice-président du parti Les Démocrates et Professeur de science politique à l’Université d’Abomey-Calavi, Nathaniel Kitti a aussi opiné sur la création de la Céna sur les plateaux de ESAE TV. A ses dires, le Sénat, tel que conçu dans la proposition de révision de la Constitution est une institution qui rogne les pouvoirs de la Cour constitutionnelle, de l’Assemblée nationale, de la justice, même les pouvoirs du chef de l’Etat et les droits du citoyen. Pour Nathaniel Kitti, l’instauration d’une trêve politique à visée de compétition est une manière d’imposer la pensée unique au Bénin. « Il est dit qu’à l’élection du président de la République, les activités des partis politiques et des corps de la Nation doivent converger au renforcement de l’action politique du gouvernement jusqu’à l’année… Nous sommes dans la pensée unique. Je ne parle pas de parti unique, je dis la pensée unique, c’est-à-dire on refuse aux citoyens de penser autre chose que ce que le chef de l’Etat va penser » laisse-t-il entendre. Il soutient cela par le fait qu’il est dit que l’activité des partis politiques ne doit pas compromettre l’action politique du président de la République, du pouvoir exécutif. Ce qui, selon lui, signifie qu’il ne doit même plus avoir d’opposition. On ne doit plus critiquer le chef de l’Etat. Pour Nathaniel Kitti, on ne peut pas, parce qu’il faut développer le Bénin, demander une trêve politique pendant 4 ans, car le développement, c’est l’ensemble des éléments d’ordre politique, économique social qui permettent à un pays de passer d’une position A à une position B. L’économie seule ne fait pas le développement, laisse-t-il entendre.

B.H

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