Longtemps relégué au second plan, le tourisme béninois s’impose désormais comme un levier stratégique pour le développement national. À la veille de l’élection présidentielle de 2026, le secteur apparaît comme un enjeu central pour l’avenir du pays. Entre mémoire, culture et nature, le Bénin dispose d’un potentiel immense encore sous-exploité, un trésor qu’il s’agit de transformer en moteur économique et social.
De la Route des Esclaves à Ouidah aux palais royaux d’Abomey, en passant par Ganvié et le parc national de la Pendjari, le Bénin regorge de sites d’exception. Terre de mémoire et de spiritualité, le pays incarne à la fois l’histoire des royaumes précoloniaux, la richesse du vodoun et la diversité de ses écosystèmes. Pourtant, ce patrimoine unique reste encore méconnu du grand public international. Les arrivées touristiques demeurent modestes, et les recettes du secteur ne reflètent pas la richesse du territoire.
Les freins sont nombreux : infrastructures limitées, accès difficile aux sites, manque de formation professionnelle, lenteurs administratives et faibles incitations à l’investissement privé. À cela s’ajoute une absence de circuits intégrés et d’offres touristiques cohérentes, capables d’attirer et de retenir les visiteurs.
Des signaux positifs, mais un effort à amplifier
Ces dernières années, plusieurs initiatives ont toutefois marqué un tournant. La réhabilitation des palais d’Abomey, la valorisation du vodoun comme patrimoine immatériel ou encore la relance du parc de la Pendjari ont permis au Bénin de retrouver une visibilité sur la scène touristique africaine. Ces projets témoignent d’un véritable réveil du secteur, mais les efforts restent encore à consolider. Pour transformer l’essai, il faudra désormais inscrire ces actions dans une stratégie nationale ambitieuse, cohérente et durable.
Faire du tourisme un pilier du développement
Pour les acteurs du secteur, le tourisme ne doit plus être perçu comme un simple divertissement, mais comme un pilier de la transformation économique et culturelle du pays. Le prochain président devra bâtir une vision claire : positionner le Bénin comme une destination culturelle et écologique de référence en Afrique de l’Ouest. Cette ambition repose sur plusieurs priorités majeures, dont la préservation et la valorisation du patrimoine matériel et immatériel, la modernisation des infrastructures touristiques et routières, la professionnalisation des acteurs à travers la formation, la promotion de la destination Bénin à l’échelle internationale et l’implication active des communautés locales dans la gestion et les retombées du tourisme.
Tourisme culturel, naturel et domestique : une stratégie à plusieurs dimensions
Le tourisme culturel et mémoriel doit être le fer de lance de cette nouvelle dynamique. Ouidah, Abomey, Porto-Novo et les musées d’histoire vivante peuvent devenir des hauts lieux du dialogue entre l’Afrique et ses diasporas, en offrant des parcours interactifs et pédagogiques autour de la mémoire et de l’identité. Le Bénin a ici l’occasion de raconter son histoire avec fierté, dignité et vérité, en la partageant avec le monde entier.
Le tourisme naturel et écologique ouvre également de vastes perspectives. Les parcs de la Pendjari et du W, les forêts sacrées ou encore les plages du littoral peuvent attirer un public en quête d’expériences durables. L’enjeu est de concilier protection de la biodiversité et développement économique, grâce à des infrastructures respectueuses de l’environnement et à la valorisation des savoirs locaux.
Parallèlement, le tourisme intérieur et régional représente un levier essentiel pour dynamiser l’économie locale et renforcer la cohésion nationale. Encourager les Béninois à découvrir leur propre pays à travers des circuits accessibles, éducatifs et attractifs contribuera à créer une véritable culture du voyage et de la découverte.
Formation, financement et image de marque
La réussite de cette ambition passe par la formation. Guides, hôteliers, restaurateurs, artisans du patrimoine : tous doivent bénéficier de cursus adaptés, d’écoles spécialisées et de partenariats internationaux pour élever les standards du secteur. Sur le plan financier, l’État devra instaurer des incitations fiscales, créer un fonds d’appui au développement touristique et encourager les partenariats public-privé transparents.
La promotion internationale du Bénin doit, elle aussi, changer d’échelle. Il ne s’agit plus seulement de participer à quelques salons, mais de bâtir une véritable stratégie d’image de marque. Campagnes digitales, collaborations avec les diasporas, artistes, influenceurs et ambassadeurs culturels permettront au Bénin de se forger une identité forte sur la scène touristique mondiale.
Un engagement présidentiel fort
Dans cette perspective, le tourisme apparaît comme un enjeu politique majeur pour 2026. « Si je suis élu Président de la République, je m’engage à tripler les recettes touristiques d’ici 2030, à créer 100 000 emplois directs dans le secteur, à inscrire au moins deux nouveaux sites béninois au patrimoine mondial de l’UNESCO, et à faire du tourisme un pilier de la diplomatie culturelle et économique du Bénin », déclare un candidat à la présidentielle. Cet engagement symbolise la volonté croissante de replacer le tourisme au cœur des priorités nationales.
Un tourisme pour les Béninois, par les Béninois
Au-delà des chiffres et des promesses, le véritable défi réside dans la participation des communautés locales. Chaque projet touristique doit générer des retombées concrètes : emplois, valorisation de l’artisanat, amélioration des infrastructures de base et fierté culturelle retrouvée. Le tourisme béninois ne doit pas dénaturer les traditions, mais au contraire les magnifier.
À la croisée de la mémoire et de la modernité, le Bénin a toutes les cartes en main pour devenir un modèle de tourisme durable, inclusif et identitaire. Il ne reste plus qu’à transformer cette promesse en action.
Thomas AZANMASSO
