Home Bénin Politique sous Talon: Régime trop fort ou opposition mal inspirée ?

Politique sous Talon: Régime trop fort ou opposition mal inspirée ?

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Alors que son dauphin a perdu la présidentielle de 2016 face à Patrice Talon, Boni Yayi, devenu opposant au régime dirigé par l’ancien magnat du coton depuis bientôt deux quinquennats, peine à faire participer sa formation politique aux différentes élections. L’incapacité de cette opposition, en général, et des Démocrates, en particulier, à participer pleinement ou efficacement aux scrutins majeurs comme les législatives de 2019 et les présidentielles de 2021 et 2026 illustre non seulement la rigidité des nouvelles lois électorales béninoises, mais aussi les faiblesses stratégiques de ceux qui cherchent à y faire face.

Depuis l’arrivée de Patrice Talon au pouvoir, le Bénin a connu une série de réformes institutionnelles et électorales qui ont drastiquement réduit l’espace politique pour l’opposition. La révision de la Constitution en 2019, l’introduction d’un système de parrainage pour la présidentielle, et les exigences strictes pour l’enregistrement des partis politiques ont créé un véritable verrouillage légal. Ces lois, souvent critiquées pour leur caractère sur mesure, ont eu pour effet de concentrer le paysage politique autour de deux grands blocs proches du pouvoir, à savoir l’Union Progressiste le Renouveau (Up-R) et le Bloc Républicain (Br), marginalisant ainsi les autres formations politiques, notamment celles de l’opposition. Le cas des élections législatives de 2019, où aucune formation politique de cette opposition n’avait pu valider sa participation, est l’exemple le plus criant de cette stratégie. Bien que le parti Les Démocrates ait réussi à s’organiser et à remporter des sièges lors des législatives de 2023, ces premiers échecs, ainsi que l’incapacité à présenter un candidat crédible et validé lors des présidentielles de 2021 et 2026, témoignent de l’efficacité du système Talon à paralyser l’opposition dès la phase administrative.

Les fautes stratégiques de Boni Yayi et des Démocrates

Face à un adversaire dont la stratégie est de légaliser des desiderata, l’ancien Président Boni Yayi semble pécher par manque de pragmatisme et d’anticipation. La première faiblesse réside dans la désunion et l’incohérence des forces anti-Talon. Malgré le rôle de leader moral et le capital sympathie dont jouit Boni Yayi, comme le montrent ses rassemblements, il n’a pas réussi à fédérer l’ensemble de l’opposition autour d’une plateforme commune et d’une stratégie de riposte unifiée, comme cela était le cas sous son régime. L’opposition a trop souvent misé sur la colère des électeurs et le recours institutionnel, des tactiques peu efficaces face à un pouvoir qui a tous les leviers. La véritable stratégie aurait dû être l’union sacrée dès le départ, non seulement pour répondre aux critères draconiens d’éligibilité, mais aussi pour présenter un front uni capable de mobiliser l’électorat et d’exercer une pression politique interne et externe. Hélas ! L’opposition a semblé croire que la pression populaire et la condamnation internationale suffiraient à faire plier le régime Talon ou à invalider les processus électoraux. Cette approche, qui a mené à l’abstention forcée ou au boycott dans certains cas, s’est avérée être une impasse stratégique. En refusant ou en échouant à se conformer aux nouvelles règles du jeu, l’opposition a laissé le champ libre au pouvoir pour consolider son hégémonie. Pis, une part de la stratégie des Démocrates est restée trop centrée sur la personnalité de Boni Yayi et sur la revendication du modèle démocratique passé, plutôt que sur l’élaboration d’un projet politique concret et des mécanismes d’adaptation aux nouvelles lois. Le choix de miser sur des figures comme Reckya Madougou et Joël Aïvo, qui se sont retrouvés emprisonnés, a certes généré une forte émotion, mais a aussi démontré une vulnérabilité aux coups de boutoir juridiques du pouvoir, sans un plan B stratégique efficace pour la continuité du combat électoral. Le Bénin est ainsi le théâtre d’une bataille politique où la ruse légale semble prévaloir sur la réactivité stratégique de l’opposition.

J.G

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