L’artisanat occupe une place centrale dans la vie économique, sociale et culturelle du Bénin. Il représente l’un des plus importants réservoirs d’emplois du pays, avec des centaines de milliers de femmes et d’hommes qui vivent de leurs savoir-faire traditionnels ou modernes, dans des métiers aussi variés que la couture, la menuiserie, la coiffure, la poterie, la vannerie, la forge, la bijouterie, la sculpture, le tissage, la cordonnerie ou encore la fabrication de produits cosmétiques naturels. Loin d’être un secteur marginal, l’artisanat constitue une véritable économie à part entière, qui mérite aujourd’hui d’être pleinement reconnue, structurée, soutenue et intégrée aux politiques de développement.

Au-delà de son poids économique direct, l’artisanat est aussi un puissant vecteur d’identité culturelle, de cohésion sociale et de valorisation du patrimoine immatériel béninois. Chaque région du pays porte en elle une richesse artisanale qui témoigne d’un héritage vivant, transmis de génération en génération. Pourtant, malgré son rôle fondamental, le secteur reste confronté à d’importants défis : faible reconnaissance institutionnelle, manque de structuration, accès limité aux financements, précarité des conditions de travail, faible valorisation des produits sur les marchés nationaux et internationaux.

Un secteur en quête de reconnaissance et de structuration

Aujourd’hui, la majorité des artisans béninois évoluent dans l’informel, sans couverture sociale ni protection juridique, souvent dans des ateliers exigus, sans accès à l’électricité, à l’eau potable ou à des outils modernes. Leur savoir-faire est parfois menacé de disparition, faute de relève qualifiée ou de mécanismes de transmission adaptés. De nombreux jeunes, pourtant talentueux, abandonnent leur formation artisanale faute de débouchés clairs, de reconnaissance ou de soutien institutionnel. Les femmes, qui représentent une part importante des artisans dans les domaines de la coiffure, de la couture, de la teinture, de l’alimentation et de la cosmétique, font face à une double marginalisation : économique et sociale.

Pourtant, l’artisanat pourrait devenir un véritable moteur de croissance inclusive, de création d’emplois durables et de transformation économique. Dans un monde en quête d’authenticité, de qualité et de durabilité, les produits artisanaux ont un potentiel exceptionnel, à condition d’être mieux accompagnés, mieux valorisés et mieux organisés. Le prochain président de la République du Bénin devra impérativement inscrire l’artisanat parmi les priorités de son mandat, avec une vision claire, ambitieuse et structurée du rôle de ce secteur dans l’avenir du pays.

Faire de l’artisanat un secteur stratégique de l’économie nationale

La première urgence sera de reconnaître pleinement l’artisanat comme un secteur économique stratégique. Cela implique une réforme institutionnelle qui lui donne une place centrale au sein des politiques publiques, avec des moyens adaptés, une gouvernance claire et des objectifs mesurables. Le recensement et la cartographie des artisans à l’échelle nationale devront être achevés afin de disposer de données fiables pour orienter les actions. Une nouvelle génération de chambres de métiers devra être promue, capable d’organiser les artisans par filière, de défendre leurs intérêts et de leur offrir des services de qualité.

Le développement de centres de formation professionnelle de qualité est également crucial. Il faudra investir dans des ateliers-écoles modernes dans chaque département, renforcer les partenariats entre maîtres artisans et structures de formation, et réformer les curricula pour intégrer à la fois les savoir-faire traditionnels et les innovations techniques. L’artisanat doit devenir un choix de carrière attractif pour les jeunes, avec des passerelles vers l’entrepreneuriat, l’innovation, l’exportation et la formalisation.

Accès au financement et modernisation : des priorités incontournables

L’accès au financement constitue un autre pilier essentiel. Trop d’artisans sont aujourd’hui exclus du système bancaire classique. Il est nécessaire de créer des mécanismes financiers adaptés à la réalité de l’artisanat, avec des microcrédits, des fonds de garantie, du crédit-bail pour les équipements et des dispositifs d’assurance. Les femmes artisanes et les jeunes en particulier devront bénéficier de lignes de financement préférentielles pour renforcer l’inclusivité du secteur.

La modernisation des outils de production, l’accès à l’énergie, au numérique et à des infrastructures adaptées permettront d’accroître la productivité et la compétitivité. Il conviendra de créer des pôles artisanaux modernes, équipés de matériel partagé, de services d’appui technique, de laboratoires de contrôle qualité et d’espaces de stockage. Le numérique pourra également jouer un rôle transformateur en facilitant la visibilité, la commercialisation et l’exportation des produits artisanaux. Des plateformes en ligne dédiées à l’artisanat béninois, couplées à une stratégie de e-commerce local et international, ouvriront de nouveaux marchés aux artisans, bien au-delà de leur quartier ou de leur région.

Vers une marque nationale de l’artisanat béninois

La valorisation des produits artisanaux passera aussi par la promotion d’une marque nationale forte, basée sur la qualité, l’authenticité et l’éthique. Il faudra encourager la labellisation, les certifications, les concours nationaux et régionaux, les foires artisanales, ainsi que la participation du Bénin aux grandes expositions internationales. La commande publique pourra également devenir un levier puissant en réservant une part des achats de mobilier, de tenues, de cadeaux institutionnels ou de décorations aux artisans locaux.

L’artisanat, moteur d’une économie inclusive et durable

À moyen terme, les retombées d’une politique artisanale ambitieuse seront considérables. Le secteur pourrait créer des centaines de milliers d’emplois décents, notamment pour les jeunes sans diplôme ou en reconversion. Il réduira l’exode rural en valorisant les talents locaux. Il contribuera à la cohésion nationale en valorisant le patrimoine culturel des différentes communautés. Il renforcera la souveraineté économique du pays en substituant les importations par des produits locaux de qualité.

Mais pour atteindre ces résultats, une volonté politique ferme et durable est nécessaire. Le développement de l’artisanat ne peut plus être laissé à des actions dispersées ou à des programmes conjoncturels. Il doit faire l’objet d’une stratégie nationale portée au plus haut niveau de l’État, avec des objectifs chiffrés, un cadre budgétaire cohérent et une implication forte des acteurs du terrain. Il s’agit d’un choix de société : bâtir une économie qui valorise l’humain, la créativité, le travail manuel et l’identité culturelle.

Un enjeu électoral pour 2026

À l’aube de l’échéance présidentielle de 2026, les candidats doivent se positionner clairement sur cette question. L’artisanat n’est pas un secteur du passé : il est l’un des socles de l’avenir. Il est temps de lui donner la place qui lui revient dans le projet de développement du Bénin.

 « Si je suis élu Président de la République, je m’engage à faire de l’artisanat un moteur de l’économie nationale en formant 100 000 jeunes artisans, en finançant 10 000 ateliers modernes et en portant la part du secteur artisanal à 20 % de la création d’emplois d’ici à 2030. »

Thomas AZANMASSO

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