Pour s’éterniser au pouvoir pour les uns, le prétexte de lutte contre le terrorisme pour ne pas organiser les élections pour les autres, le Bénin se distingue. Ceux qui étaient jusque-là dubitatifs devant les nombreuses professions de foi de Talon, quant à son départ du pouvoir en 2026, se rendent aujourd’hui à l’évidence depuis le choix de celui qui, désormais, est appelé à lui succéder. Du coup, des lauriers pour Talon. Ils viennent de la sous-région comme à l’interne. Au Togo, en Côte d’Ivoire et ailleurs, des citoyens expriment leur admiration du modèle démocratique béninois qui, selon eux, sort toujours du lot. Si d’une certaine manière, cette admiration de la part de certains citoyens africains qui, depuis plusieurs décennies, n’ont jamais vu autre visage dans le fauteuil présidentiel dans leurs pays respectifs, au Bénin doit-on se réjouir parce qu’un président respecte le délai constitutionnel ?
Depuis 1990, aucun président n’a fait plus de deux mandats. Même si, à chaque fin de mandat, les velléités de tripatouillage de la Constitution pour permettre au président de faire un mandat de trop surgissent de nulle part, ce n’est jamais allé loin. Soglo, Kérékou, Boni Yayi ont chacun, à leur tour, su se mettre au-dessus de la mêlée pour ne pas donner libre cours aux envies de certains laudateurs, plus préoccupés par leur poste que par le pays. Talon n’a donc fait que mettre le pied dans les pas de ses prédécesseurs, il n’a fait que suivre ce qu’est devenu une norme au Bénin depuis l’historique Conférence des forces vives de 1990. Mais la démocratie, ce n’est pas que l’alternance au pouvoir. Même si elle reste l’élément le plus salué parce que le plus perceptible, la démocratie, c’est un tout. Et nul n’ignore, au Bénin comme dans la sous-région, que depuis 2016, donc depuis l’avènement au pouvoir du régime Talon, la démocratie ne respire plus. Cela a été dit dans des Parlements de la sous-région. A l’interne, le constat est là et patent. Opposants et voix critiques ne se sentent plus en sécurité. D’autres n’ont de choix que de s’exiler pour continuer à avoir leur liberté de parole. Parmi eux, certains ont même été ramenés de force, au mépris des lois. D’autres, les plus téméraires, qui ont choisi de rester sur place pour faire la lutte, se sont retrouvés dans les quatre murs d’une prison. Les élections, depuis 2016, ont perdu leur caractère d’élections libres, transparentes et inclusives. Le couronnement a été les législatives de 2019 qui ont dressé le tapis pour un Parlement monocolore, jamais vu au Bénin depuis 1990. A la Présidentielle de 2021, les principaux candidats de l’Opposition ont été écartés, faute du système de parrainage qu’imposent les nouvelles lois électorales. Comment une opposition exclue des élections pourrait avoir les parrainages pour présenter un candidat ? C’est aussi cela le Bénin que des gens adoubent aujourd’hui parce qu’il aura alternance en 2026. Comme si la démocratie a pour seul baromètre l’alternance au pouvoir. Ces tares observés ces dernières années sous le régime Talon, si elles existaient avant 2016, n’auraient jamais permis à l’opposant qu’il était de prendre le pouvoir. Et ça, il faut le corriger. C’est en le faisant qu’on pourrait battre des mains pour le président en fin de mandat. On le ferait, pas parce qu’il y a alternance mais parce qu’il aura laissé la démocratie respirer, tout au long de son mandat.
M.M