Alors que la demande mondiale de jus d’ananas explose, portée par la flambée des prix de l’orange, le Bénin peine à structurer sa filière pour répondre aux attentes du marché. Faute d’organisation, les transformateurs locaux sont confrontés à une concurrence régionale féroce, tandis que les exportations de fruits non mûrs se multiplient. Une dynamique qui appelle à une meilleure régulation et à une réflexion stratégique sur l’avenir de l’ananas béninois.
Une demande mondiale dopée par la crise des agrumes
Depuis deux ans, la filière mondiale des jus de fruits est en plein bouleversement. La flambée des prix de l’orange, due à une baisse de production massive dans les pays leaders comme le Brésil ou les États-Unis, a contraint les industriels à se tourner vers d’autres fruits. Résultat : la demande pour le jus d’ananas et son concentré connaît une croissance fulgurante.
Dans ce contexte, les pays tropicaux producteurs d’ananas sont sous les projecteurs, et le Bénin ne fait pas exception. Le pays, connu pour ses variétés savoureuses comme le « Pain de sucre » et la « Cayenne lisse », aurait toutes les cartes en main pour s’imposer sur ce marché en plein essor.
Une filière nationale sous pression, désorganisée et convoitée
Mais sur le terrain, la réalité est plus contrastée. La production d’ananas au Bénin reste largement informelle et peu structurée. Les petits producteurs, souvent isolés et sans accompagnement, sont fortement sollicités par des acheteurs venus des pays voisins – notamment le Nigeria, le Togo et le Burkina Faso.
Ces acheteurs proposent des paiements comptants et des prix souvent supérieurs à ceux offerts par les transformateurs locaux. Cette dynamique pousse de nombreux producteurs à privilégier les circuits informels sous-régionaux, même si cela implique de récolter les fruits avant leur pleine maturité, au détriment de la qualité.
Les transformateurs béninois sous tension malgré les efforts
Face à cette pression, les transformateurs locaux ont dû augmenter leurs prix d’achat pour tenter de rester compétitifs. Mais malgré ces ajustements, la fuite de la production vers les marchés voisins reste massive. L’approvisionnement devient incertain, les volumes sont instables, et les usines tournent parfois bien en dessous de leur capacité.
Cette situation fragilise l’ensemble de la chaîne de valeur locale. Les industriels, malgré des investissements importants, peinent à garantir la régularité de leur production, tandis que les projets de valorisation ou d’exportation de jus et de concentré sont ralentis par l’insécurité de la matière première.
Trouver un équilibre entre exportation et transformation locale
Il ne s’agit pas d’opposer exportation de fruits frais et transformation industrielle. Les deux modèles peuvent coexister, à condition d’être organisés. L’exportation est légitime, voire nécessaire. Mais elle doit s’inscrire dans un cadre équilibré pour éviter que la transformation locale ne soit constamment privée de matière première.
Pour cela, plusieurs leviers peuvent être activés :
- Fixation de prix de référence attractifs pour les transformateurs ;
- Réglementation sur la maturité des fruits mis en vente, afin de préserver la qualité ;
- Encadrement des flux informels vers les pays voisins, pour éviter les fuites incontrôlées ;
- Renforcement des coopératives et des contrats agricoles, pour sécuriser les volumes.
un potentiel à transformer en succès structuré
Le Bénin dispose d’un ananas de qualité, d’un contexte mondial favorable et d’une reconnaissance croissante sur les marchés. Ce sont là des atouts considérables. Mais pour que cette dynamique se traduise en résultats concrets, durables et inclusifs, il est essentiel de structurer la filière, d’en améliorer la régulation et de renforcer la collaboration entre producteurs, transformateurs et autorités.
La filière ananas peut devenir un pilier de l’agro-industrie béninoise, pour peu que les conditions d’un développement équilibré et encadré soient réunies.
M.M