Le Président béninois Patrice Talon a été reçu, mardi 24 juin, par son homologue ivoirien Alassane Ouattara, à la Présidence de la République de Côte d’Ivoire. Officiellement, les deux chefs d’État ont échangé sur le renforcement des relations bilatérales et la situation politique et sécuritaire dans la sous-région ouest-africaine. Mais cette rencontre, intervenue quelques jours seulement après le congrès du RHDP ayant désigné Ouattara comme candidat à la présidentielle de 2025, soulève aussi des questions politiques plus sensibles.
Bien qu’entrant dans le cadre du maintien des bonnes relations de coopération entre les deux pays frères, la rencontre entre Talon et Ouattara suscite bien des questions. Il est difficile en effet d’imaginer que Patrice Talon n’ait pas adressé, même discrètement, ses félicitations à son hôte pour son investiture par son parti. Pourtant, cet acte politique pose problème au regard des positions publiques du président béninois. Celui-ci, jure donner l’exemple en 2026, comme c’est la coutume au Bénin depuis 1990, en passant le témoin en respect à la Constitution. Comment alors l’imaginer féliciter un président à qui le chemin d’un quatrième mandat vient d’être tout tracé, après un troisième déjà très contesté, dans un contexte régional marqué par des transitions militaires largement motivées par le rejet des « troisièmes mandats » et des révisions constitutionnelles controversées ?
Lors de l’entretien, Ouattara et Talon ont réaffirmé leur volonté de renforcer la CEDEAO, confrontée à des défis inédits après les retraits du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Tous deux ont plaidé pour une organisation « forte, solidaire et réformée ». Mais quelle réforme ?
Pour de nombreux observateurs, toute refonte crédible de la CEDEAO passe d’abord par l’interdiction des troisièmes mandats et un engagement ferme en faveur de l’alternance démocratique. C’est précisément sur ce point que l’organisation a perdu en légitimité ces dernières années, échouant à prévenir les crises institutionnelles ayant nourri l’instabilité actuelle. Pourtant, la déclaration conjointe est restée vague sur ce point, préférant mettre en avant le dialogue et la coopération interétatique.
L’axe Abidjan-Cotonou, un nouveau pôle de pouvoir ?
Au-delà des considérations politiques, la rencontre consacre un rapprochement stratégique entre Abidjan et Cotonou. Les deux pays partagent des intérêts économiques croissants et une volonté commune d’influencer les dynamiques régionales. L’axe Abidjan-Cotonou pourrait ainsi devenir un levier de stabilité ou de conservation, dans une Afrique de l’Ouest francophone en pleine recomposition.
Mais pour que cette dynamique soit perçue comme crédible et exemplaire, elle devra s’appuyer sur des principes clairs de gouvernance, de transparence et d’alternance. Car si la coopération bilatérale se renforce, c’est bien l’exigence démocratique qui, aujourd’hui, attend des réponses concrètes.
M.M.