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UAC/Au Tribunal du Campus: Un procès fictif pour briser le silence sur le harcèlement sexuel

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Sur le campus d’Abomey-Calavi, le droit a pris des allures de théâtre engagé ce vendredi 30 mai 2025, dans le cadre d’une journée de sensibilisation inédite contre le harcèlement sexuel en milieu académique. Portée par les Jeunes acteurs du développement, l’activité, baptisée « Au Tribunal du Campus » a réuni étudiants, enseignants et personnalités judiciaires autour d’un procès fictif au réalisme frappant, révélant avec acuité les zones grises du consentement lorsqu’il est contaminé par le pouvoir.

Le thème, « Nul n’est sensé ignorer la loi ? Mais qui connaît réellement la loi ? », plante le décor. La coordinatrice du projet, Nice Dadjo, a ouvert les travaux en soulignant l’importance d’une telle initiative : « Le harcèlement sexuel n’est pas un fait divers. C’est un fléau social, un abus de pouvoir, un poison lent. » Elle a salué l’audace du projet, né de la conviction que l’éducation, la parole et la mise en scène sont des armes puissantes contre le silence et l’impunité.

Un procès fictif, une réalité bien présente

L’affaire simulée mettait en scène un enseignant d’université accusé de harcèlement sexuel, harcèlement moral et abus d’autorité sur une étudiante de fin de cycle. Selon les faits présentés, la jeune femme, inquiète pour sa note en économie de politique publique, se rapproche de son professeur après les conseils d’une amie. Ce dernier, tout en améliorant ses résultats et lui offrant une recommandation pour un stage, devient progressivement insistant, imposant des rencontres fréquentes sous la menace de compromettre sa soutenance.

Se sentant piégée, l’étudiante se confie à une militante des droits de l’homme qui l’oriente vers l’Institut national de la femme. Sur leurs conseils, une plainte est déposée devant la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet).

Consentement ou abus de pouvoir ?

À la barre, le professeur ne nie pas la relation, mais rejette toute accusation de harcèlement. Il évoque une liaison consentie, affirme que Vanessa, l’étudiante, l’aimait, et qu’il n’a fait que l’aider : « Elle était amoureuse de moi et son amour ne me déplaisait pas. C’est elle qui a initié la relation, elle a éprouvé de l’amour pour moi et cela m’est égal… », a-t-il déclaré.

Vanessa, quant à elle, déclare n’avoir jamais été harcelée, affirmant que c’est une amie qui l’aurait poussée à porter plainte. « C’est moi qui l’ai plutôt courtisé, je suis tombée sous son charme », a-t-elle fait savoir.

 Toutefois, le débat juridique s’est focalisé sur un point fondamental : le rapport de pouvoir dans la relation. Comme l’a rappelé l’accusation : « Le manipulateur ne force jamais, il suggère. Il a installé une relation de domination. Ce n’était pas de l’amour, mais de la manipulation. »

Quand l’amour devient harcèlement

Selon les termes du Code béninois, toute relation amoureuse entre un enseignant et un étudiant est prohibée, et lorsqu’elle repose sur un déséquilibre de pouvoir, elle peut être considérée comme du harcèlement sexuel. L’affaire fictive pose donc une question essentielle : peut-il y avoir consentement libre lorsque l’un détient le pouvoir d’évaluer, d’orienter, de sanctionner ?

La stratégie du professeur, selon les avocats de la partie civile, relevait moins de l’amour que de la manipulation sous couverture académique. Les faveurs sexuelles étaient obtenues en échange de bonnes notes ou de promesses de soutenance.

Un outil pédagogique puissant

Loin d’être un simple exercice théâtral, cette reconstitution judiciaire s’est révélée être un outil pédagogique fort, mêlant créativité, droit, éthique et émotion.

Les organisateurs espèrent que cette journée ne sera pas un événement isolé, mais un acte fondateur pour une prise de conscience durable dans le milieu universitaire. « Faisons de cette journée un moment de rupture avec la culture du silence. Le harcèlement ne doit plus être toléré, ni banalisé. », a conclu Isaac Houéchénou, le président du mouvement.

Le parrain de l’évènement, le Procureur spécial de la Criet, Mario Mètonou, a salué la démarche. « La vocation d’une juridiction répressive n’est pas seulement d’appliquer des peines, mais de prévenir, de sensibiliser, d’éveiller les consciences », a-t-il déclaré, visiblement impressionné par le professionnalisme des jeunes participants. Il a rappelé avec fermeté que « toute relation amoureuse entre un enseignant et un apprenant est proscrite par la loi », avant d’ajouter que céder à du harcèlement, quel qu’en soit l’auteur, peut entraîner jusqu’à cinq ans de prison.

Que ce soit le président du gouvernement des jeunes, la représentante de l’Institut national de la femme ou du président de la fédération nationale des étudiants du Bénin  tous ont salué l’initiative et réitéré leur engagement pour un soutien indéfectible.

Thomas AZANMASSO

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