Lettre ouverte à Monsieur Daniel Edah, candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2026
Cher aîné,
J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt votre déclaration de candidature à l’élection présidentielle de 2026. Tout comme en juin 2015, vous avez une fois encore exprimé votre noble ambition de diriger le Bénin et de réaliser votre vision ambitieuse pour faire du Bénin un pays économiquement prospère et socialement stable. C’est une noble ambition que je salue chaleureusement. J’ai eu l’occasion de vous connaître dès le début de mon engagement associatif et vous restez pour moi un modèle d’engagement public et républicain.
Dans le contexte politique marqué par des réformes institutionnelles et des politiques fortes engagées par le président Patrice Talon depuis 2017, l’annonce de votre candidature révèle quelques-uns des défis auxquels vous serez confronté et que nous imaginons déjà comme étant d’une grande importance. Je me permets de vous rappeler ces défis car je reste persuadé que vous en mesurer leur importance et leur impact sur cet exercice de déclaration de candidature que vous venez de faire.
Le premier défi sera d’obtenir les parrainages nécessaires. Vos récentes prises de position à l’encontre de la gouvernance actuelle (dont je suis un soutien) et les guerres de leadership et d’intérêt au sein de l’opposition (dont vous vous réclamez jusqu’hier) contrastent avec votre appel aux élus pour obtenir ces parrainages. On se demande comment le Président du Parti Les Démocrates pourrait donner écho à votre demande au parrainage au détriment des figures comme Achade et Houndété, qui ont été des acteurs clés de l’opposition dès les premières heures. Cette situation reste complexe car il serait difficile de les voir céder leur position ou leur ambition au profit d’un outsider.
Le deuxième défi est celui de la mobilisation des électeurs. Peu connu du grand public, il vous faudra faire preuve d’audace pour accroître votre visibilité et susciter un engouement autour de votre candidature. Mobiliser un électorat demande encore des ressources humaines, des moyens financiers et une stratégie efficace. Je m’inquiète de la viabilité de votre candidature, d’autant que vous semblez évoluer aujourd’hui sans un appareil politique solide.
Le troisième défi ; le plus surmontable pour vous sera de mettre en place un programme politique structuré. C’est là que devrait résider votre force, compte tenu de votre expérience de fonctionnaire international et de consultant en partenariats stratégiques. Ceci vous offre certainement une base solide pour proposer une offre politique réaliste et inspirante pour les plus jeunes générations. Nos compatriotes ont besoin de certitudes, pas de promesses vagues. La gouvernance du président Talon a accompli des progrès notables. Son administration est associée à des réformes salutaires. Le bilan nous appelle à ne pas nous arrêter sur cette belle dynamique mais à réfléchir avec précaution et pragmatisme sur les prochains enjeux. Vous avez donc le devoir de nous faire naviguer en toute équilibre entre la valorisation des acquis actuels et la responsabilité collective face à l’avenir.
Loin de moi l’idée de penser a priori à une posture opportuniste ; je me permets ici de poser quelques questions auxquelles des réponses édifieraient l’ensemble de nos compatriotes et leur donneraient confiance en votre engagement, qui serait alors authentique et non opportuniste, et leur montreraient que nous ne sommes pas dans un jeu politique de compromis douteux.
-Pourquoi avoir fait le choix d’une déclaration solitaire de candidature alors que la loi n°2019-40 du 7 novembre 2019, qui révise la Constitution de 1990, oblige les candidats à la présidence à se présenter avec un colistier pour la vice-présidence ?
-Vos alliés de l’opposition (dont vous vous réclamez) dénoncent une manœuvre d’exclusion dans le code électoral béninois. L’un des points les plus contestés est celui du seuil de représentativité. Comptez-vous vous engager pour les élections de 2026 sans satisfaire les revendications de vos alliés ?
-Vos quêtes de parrainage s’adressent-elles aux potentiels parrains de la mouvance ou de l’opposition ? Recevoir un parrainage d’acteurs et de partis politiques de la mouvance ne serait-il pas perçu comme le fruit d’une obscure marchandise ?
-Dans un contexte où les concepts de « détenus politiques » ou d’« exilés politiques » ne font pas l’unanimité, ici et ailleurs, quelle clarification conceptuelle apportez-vous dans le cadre de votre engagement politique ?
-Quels mécanismes comptez-vous mettre en place pour garantir une libération effective et rapide des détenus politiques ?
-Certains acteurs politiques sont emprisonnés pour divers chefs d’accusation. Prévoyez-vous une révision systématique de leurs dossiers ou une approche globale d’amnistie ?
-Certaines figures politiques ont quitté le pays, perdu leurs moyens de subsistance et leurs réseaux au Bénin. Comment comptez-vous assurer leur réintégration sociale, professionnelle et politique ?
-Comment envisagez-vous de gérer les éventuelles résistances politiques et institutionnelles à cette initiative de libération des « exilés politiques » ? Comment comptez-vous engager le dialogue avec les institutions judiciaires pour obtenir les libérations ?
Les réponses à ses interrogations enrichiront le débat politique et ouvriront la voie à des engagements clairs et assumés. J’attends de vous des réponses de manière concrète. Ils attendent des propositions fortes et pertinentes. La route vers la présidentielle est difficile. Il faut savoir s’arrêter et écouter sa voix intérieure. L’important n’est pas de briller aux yeux des autres, mais de se sentir bien avec soi-même.
Dans l’espoir de vous sentir en accord avec le parcours qui vous ressemble, recevez mes meilleures salutations.
Votre jeune frère Loukman.