Home Bénin Hélèna Capo-Chichi sur la lutte contre les Vbg au Bénin: “L’effectivité de...

Hélèna Capo-Chichi sur la lutte contre les Vbg au Bénin: “L’effectivité de la prise en charge reste partielle…“

0

(La socio-anthropologue évoque les défis liés à la prise en charge holistique des victimes)

Socio-anthropologue, spécialiste des questions de genre et des violences basées sur le genre (Vbg) et Présidente de l’Ong Famille-Nutritition-Développement (FND), Enongandé M. Hélèna Capo-Chichi Choubade évoque les défis liés à la prise en charge holistique des victimes de Vbg au Bénin. Si elle admet que des progrès sont réalisés, elle estime que l’effectivité de la prise en charge reste partielle, inégale et souvent décourageante pour les victimes. Lire l’entretien exclusif accordé à votre journal !

Au Bénin, la lutte contre les VBG reste une préoccupation majeure. Si des efforts sont consentis pour la prévention et surtout la répression, les données statistiques sont encore loin d’être rassurantes. Doit-on estimer que les initiatives restent infructueuses ?

À l’instar de nombreux pays à travers le monde, le Bénin s’est engagé depuis plusieurs années dans la lutte contre toutes les formes de violences basées sur le genre (VBG). Cet engagement s’est considérablement renforcé en 2021, en réponse à une recrudescence préoccupante des cas recensés sur le territoire national.

Ce contexte a conduit à un renforcement du cadre juridique et institutionnel, avec l’adoption de réformes majeures, parmi lesquelles : l’adoption d’un trio de lois en faveur des droits des femmes, dont la plus emblématique est la loi n°2021-11 du 20 décembre 2021, portant dispositions spéciales de répression des infractions commises à raison du sexe et de protection de la femme en République du Bénin ; la prise d’un arrêté interministériel fixant les conditions de délivrance du certificat médical gratuit, indispensable au processus de signalement et de poursuite des auteurs de VBG ; l’attribution à la CRIET (Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme) de la compétence pour juger certaines infractions liées aux violences fondées sur le genre; la création de l’Institut National de la Femme (INF), un dispositif stratégique pour la coordination des politiques publiques de promotion de l’égalité de genre et de protection des droits des femmes et des filles; la révision des Procédures Opérationnelles Standardisées (POS) relatives à la prise en charge multisectorielle des victimes.

Le passage du CPS  au GUPS une réforme visant à offrir une plateforme unique pour coordonner et optimiser les actions sociales en faveur des populations vulnérables.

Par ailleurs, une mobilisation multisectorielle a été observée sur l’ensemble du territoire, impliquant les acteurs étatiques, les organisations de la société civile, les ONG nationales et internationales, ainsi que les agences du Système des Nations Unies. Ces interventions couvrent plusieurs domaines : éducation, santé, justice, culture, protection sociale, sécurité et autonomisation économique.

Les données récentes du Système Intégré de Données relatives à la Famille, à la Femme et à l’Enfant – Nouvelle Génération (SIDoFFE-NG, 2024) permettent de dresser un état des lieux plus précis :

  • 58 328 cas de VBG ont été pris en charge entre 2020 et 2024 ;
  • 26 983 cas ont été enregistrés dans les structures spécialisées ;
  • 7 909 cas ont été référés aux Officiers de police judiciaire et aux juridictions compétentes ;
  • 3 871 cas ont été dirigés vers des structures de santé pour une prise en charge médicale.

Ces chiffres témoignent d’une réelle dynamique institutionnelle et d’un effort de structuration, ce qui confirme que les lignes bougent incontestablement.

Cependant, la persistance du phénomène malgré cet arsenal juridique renforcé et les multiples actions entreprises interroge. Il apparaît que, si les résultats restent en deçà des attentes, cela ne doit pas conduire à conclure que ces initiatives  sont infructueuses. Ce constat doit plutôt inviter à une analyse rigoureuse des défis structurels et systémiques qui entravent l’efficacité des actions engagées.

Outre la prévention et la répression, la prise en charge des victimes requiert une attention particulière. La prise en charge holistique tant souhaitée peine à être chose effective. Qu’en est-il des obstacles ou defis à relever, selon vous?

La prise en charge holistique des victimes de violences basées sur le genre (VBG) est un objectif central des politiques de lutte contre ces violences au Bénin. Conformément aux Procédures Opérationnelles Standardisées Révisées (POS, 2023), cette prise en charge se veut centrée sur la victime et intègre cinq composantes essentielles : le soutien psychologique (écoute active, réduction de l’anxiété, thérapies adaptées) ; l’accompagnement social (analyse des besoins, définition de plans d’action, réintégration) ; la prise en charge médicale (soins, certificats, bilans, traitements prophylactiques) ; la prise en charge psychologique spécialisée (psychothérapie individuelle ou groupale) ; l’assistance juridique et judiciaire (conseils, accompagnement au tribunal, recours à l’INF).

Le cadre institutionnel prévoit une approche multisectorielle intégrée, notamment à travers :

  • Les CIPEC-VBG, centres intégrés installés dans les CHU départementaux avec des équipes pluridisciplinaires (assistant social, médecin, juriste, psychologue),
  • L’intervention des Points Focaux INF dans les arrondissements, pour coordonner l’assistance juridique,
  • L’existence de comités POS communaux pour gérer les cas et coordonner les acteurs.

Malgré cela, l’effectivité de la prise en charge reste partielle, inégale et souvent décourageante pour les victimes. Parmi les principaux défis, l’on note :

  • L’accessibilité limitée et les inégalités géographiques : les CIPEC ne sont pas encore déployés dans tous les départements, et les femmes vivant en milieu rural ou dans des zones éloignées sont les premières exclues. Les coûts indirects liés au transport, à l’hébergement ou aux soins non couverts freinent considérablement l’accès aux services.
  • Le manque de ressources humaines formées : de nombreux acteurs intervenant dans le circuit (agents de santé, policiers, travailleurs sociaux) ne sont pas suffisamment formés à l’approche genre-sensible. Cela nuit à la qualité de l’accueil, à la confidentialité, et à la dignité dans la prise en charge.
  • Une coordination multisectorielle encore fragile : le parcours de la victime est morcelé, non linéaire, souvent imprévisible. Les acteurs ne communiquent pas toujours entre eux, et les retours sur les référencements sont rares. Cela entraîne des redondances ou des ruptures de service.
  • Un parcours souvent périlleux et épuisant : la victime doit souvent répéter son récit traumatique à chaque étape, affronter la lenteur administrative, naviguer entre les structures sans orientation claire. Le poids de la procédure devient un facteur d’abandon.
  • La méconnaissance des portes de secours : les victimes ignorent fréquemment où aller, qui contacter, ou comment enclencher le processus. Cette méconnaissance du circuit de prise en charge reflète un manque d’information publique et de sensibilisation accessible.
  • L’ineffectivité de la gratuité du certificat médical : bien que la loi garantisse la gratuité de ce document clé, dans la pratique, de nombreuses victimes se voient réclamer des frais ou se heurtent à des refus illégaux. Ce certificat est pourtant indispensable pour enclencher une procédure judiciaire.
  • Le manque de centres d’hébergement sécurisés : dans les cas où la victime est menacée ou vit sous le même toit que son agresseur, il n’existe que très peu d’options de repli temporaire. Cette absence d’alternative de protection physique prompte empêche une prise en charge immédiate sécurisée.
  • Les violences institutionnelles ou secondaires : certaines victimes, au lieu d’être soutenues, subissent des propos culpabilisants, des jugements moraux, voire des abus de pouvoir dans les structures. Cette victimisation institutionnelle, parfois infligée par des acteurs censés protéger, constitue une barrière redoutable à la justice et à la reconstruction.
  • La stigmatisation sociale : le regard porté sur les victimes, notamment dans les communautés, les pousse souvent au silence. Le risque d’exclusion familiale ou communautaire constitue un obstacle majeur à la recherche d’aide.

Le fameux certificat médical qui constitue une pièce maitresse dans le processus est difficile à obtenir. Qu’est ce qui explique cela et que préconisez-vous?

 Le certificat médical, pièce maîtresse dans la prise en charge des victimes de violences basées sur le genre (VBG), a longtemps été un véritable casse-tête : coûts élevés, complexité administrative, délais déraisonnables. Grâce aux multiples plaidoyers menés par la société civile, un progrès majeur a été obtenu : la gratuité du certificat médical, désormais consacrée par l’arrêté interministériel n°2022-015/MFPT/MCPS/DC/SGM/SGM, qui garantit ce droit à toutes les victimes de VBG.

Théoriquement, cette avancée devrait lever les obstacles financiers et faciliter l’accès à ce document-clé. Mais sur le terrain, la réalité est tout autre.

Pour obtenir gratuitement le certificat, la victime doit d’abord se rendre au commissariat pour obtenir une réquisition auprès du point focal VBG. Or, ces agents sont souvent submergés par le volume de dossiers et manquent de personnel, ce qui engendre des retards considérables. Pire encore, nombre de victimes ignorent à la fois la gratuité du certificat et l’existence de la procédure de réquisition. Dans ces cas, certains policiers les orientent directement vers l’hôpital sans fournir la réquisition indispensable. Et dans ce cas, certaines victimes sont contraintes de payer de leur poche, malgré la gratuité théoriquement garantie; d’autres renoncent à toute procédure faute de moyens ou de clarté sur la marche à suivre.

Même lorsqu’elles arrivent à franchir l’étape de la réquisition, les victimes font souvent face à un autre obstacle : le manque de personnel médical formé et habilité à délivrer les certificats.

Dans plusieurs hôpitaux publics, les agents qualifiés sont rares, ce qui oblige les victimes à revenir plusieurs fois avant d’être prises en charge. Ce va-et-vient non seulement prolonge inutilement leur détresse, mais ralentit également toute la procédure judiciaire, puisque le certificat médical est exigé pour l’ouverture de nombreux dossiers.

Par ailleurs, les professionnels de santé peinent à percevoir les frais de prestation pourtant prévus. Ceux-ci doivent être remboursés par le tribunal via les frais de justice criminelle, mais les délais de remboursement sont longs et peu transparents, ce qui démotive plusieurs agents et menace la pérennité de la gratuité effective.

Cette situation montre bien que l’existence d’un texte ne suffit pas si les conditions de mise en œuvre ne suivent pas. Pour que cette mesure de gratuité soit pleinement effective, il est important de : renforcer les effectifs et les capacités des points focaux VBG dans les commissariats ; former et déployer davantage de professionnels de santé qualifiés dans les hôpitaux ; mener des campagnes de sensibilisation sur la gratuité et la procédure à suivre ; accélérer et clarifier le remboursement des prestations aux agents de santé ; rendre fluide la coordination entre les secteurs police, santé et justice pour réduire les délais et éviter les abandons de procédure.

En résumé,  l’arrêté existe, la loi est là, mais tant que le terrain reste miné par les lenteurs, les silences et les déséquilibres structurels, le droit des victimes à un certificat médical gratuit restera une promesse non tenue.

Il est également souhaité la mise en place des CIPEC dans tous les départements du pays. Pensez-vous que cela est vraiment indispensable pour une meilleure prise en charge des victimes

Oui, l’implantation des CIPEC-VBG (Centres intégrés de prise en charge des cas de VBG) dans tous les départements du Bénin n’est pas seulement souhaitable, elle est vitale.

Aujourd’hui, de nombreuses victimes sont confrontées à un véritable parcours du combattant : elles doivent multiplier les démarches, parcourir des kilomètres, frapper à plusieurs portes sans savoir laquelle est la bonne, affronter l’incompréhension, l’humiliation parfois, et souvent l’abandon. Tout cela au moment même où elles ont le plus besoin de protection, d’écoute et de soins.

Or les CIPEC-VBG offrent une réponse concrète à ce désarroi. Ils représentent un guichet unique, un lieu sûr et humain où tous les services essentiels, soins médicaux, appui psychologique, assistance juridique, protection physique, accompagnement social, sont réunis et coordonnés. Cette centralisation est indispensable pour garantir une prise en charge digne, rapide, confidentielle et complète.

Mais il ne suffira pas de construire des bâtiments ou de poser des plaques. Le succès des CIPEC-VBG dépendra de leur fonctionnement réel : des professionnels formés et engagés, un accueil respectueux, des procédures simples et efficaces. Il dépendra aussi de leur ancrage communautaire, car aucun centre ne pourra fonctionner s’il est coupé des réalités sociales, culturelles et locales. Et enfin, il dépendra surtout de la volonté politique à leur accorder des moyens suffisants, durables, et à en faire une priorité.

Malgré un Arsenal juridique renforcé et un dispositif mis en place, les violences faites aux femmes persistent. Pourquoi cela et que préconisez-vous pour inverser la tendance?

La persistance des violences basées sur le genre (VBG), en dépit des avancées législatives et institutionnelles au Bénin, s’explique par une série de blocages structurels et systémiques.

Parmi les causes profondes de cette persistance : la non-application effective des lois sur le terrain, souvent liée au manque de moyens humains, financiers et logistiques ; une impunité persistante, qui décourage les victimes et renforce le sentiment d’invulnérabilité des auteurs ; une pression sociale et familiale qui pousse de nombreuses victimes à se taire ou à se rétracter ; une insuffisante sensibilisation des hommes et garçons à leur rôle dans la prévention et l’élimination des VBG ; des défaillances dans la chaîne de prise en charge, notamment dans la délivrance du certificat médical ; e manque de personnel qualifié dans les hôpitaux, ce qui oblige certaines victimes à faire plusieurs allers-retours avant d’obtenir le document ; l’ignorance des procédures aussi bien par certaines victimes que par des agents de police.

Face à ces défis, il est  urgent d’agir sur plusieurs leviers complémentaires :

  • Former systématiquement les forces de sécurité, les agents de santé et les magistrats, non seulement sur les lois, mais aussi sur les droits humains et l’écoute bienveillante des victimes ;
  • Renforcer les capacités humaines, techniques et logistiques des points focaux VBG et des centres de santé habilités à délivrer les certificats médicaux ;
  • Simplifier les procédures administratives entre police, justice et santé, pour fluidifier la prise en charge ;
  • Assurer un remboursement rapide et transparent des prestations de santé liées aux VBG, afin de motiver le personnel médical ;
  • Déployer une large campagne de sensibilisation communautaire, notamment à travers les écoles, les familles, les médias et les leaders religieux et traditionnels, pour déconstruire les normes sexistes et favoriser l’émergence d’une masculinité positive ;
  • Évaluer régulièrement l’impact des réformes et ajuster les mécanismes existants en fonction des réalités du terrain.

Car c’est en alliant volonté politique, ressources adéquates, action communautaire et redevabilité que nous pourrons faire de l’arsenal juridique un véritable levier de transformation sociale et de protection effective des droits des femmes et des filles.

Les violences basées sur le genre ne concernent pas que les femmes. Les hommes en sont également victimes. Pourquoi on s’intéresse peu à la situation des hommes selon vous?

La violence n’a pas de genre. Elle traverse les sexes, les âges, les classes sociales et les cultures. Ce qui change, ce sont les formes qu’elle prend, les contextes dans lesquels elle s’exprime, et surtout, la manière dont elle est perçue, nommée, ou tue.

Dans la majorité des cas recensés au Bénin comme ailleurs, les femmes restent les premières victimes des violences basées sur le genre en raison d’un système patriarcal qui les rend plus vulnérables aux rapports de pouvoir, aux inégalités économiques et aux normes sociales discriminatoires.

Mais cela ne doit pas nous faire oublier qu’il existe aussi des hommes victimes de violences, qu’elles soient psychologiques, sexuelles, physiques ou économiques.

Alors, pourquoi en parle-t-on si peu ?

Parce que nos représentations collectives de la masculinité n’autorisent pas l’homme à dire « je souffre », « j’ai peur », « je suis une victime ».

Dans un imaginaire social encore très virilisé, se plaindre est vu comme une faiblesse, une atteinte à sa virilité. Cette pression du silence est l’un des obstacles majeurs à la reconnaissance des violences subies par les hommes.

Ensuite, nos dispositifs de prise en charge ont été essentiellement construits pour répondre aux violences faites aux femmes, ce qui se comprend d’un point de vue statistique et historique, mais crée un angle mort : peu de structures sont adaptées à la réalité spécifique des hommes victimes, et l’accueil qui leur est réservé est souvent inadapté, voire culpabilisant.

Enfin, il faut le dire avec honnêteté : les violences masculines dérangent le récit dominant. Reconnaître qu’un homme peut être victime, c’est aussi questionner notre conception rigide du pouvoir, de la force et du genre. Or, tant que nous ne déconstruisons pas ces stéréotypes, les hommes continueront à souffrir en silence, sous un système qui ne les voit pas.

Une victime de VBG, que doit-elle faire?

Avant tout, qu’elle sache qu’elle n’est pas responsable de la violence subie. Elle n’a pas à avoir honte et n’est pas seule.

Le Bénin dispose aujourd’hui d’un système national structuré de prise en charge des survivantes de VBG, bien que des défis subsistent.

Voici quelques étapes qu’elle peut suivre:

  • Se mettre en sécurité immédiatement : La priorité est la protection physique. Si la victime est en danger, elle doit quitter les lieux de la violence dès que possible et se rendre dans un lieu sécurisé : chez une personne de confiance, un centre de santé, un centre d’écoute ou un centre d’hébergement d’urgence si disponible.
  • Contacter les numéros d’urgence :

-Institut National de la Femme (INF) : (+229) 51 07 88 88 (appel et WhatsApp)

-Ministère des Affaires Sociales et de la Microfinance (MASM): 138 (appel gratuit)

-Police Républicaine Urgence : 117

-Police Républicaine – Ligne verte pour dénonciation : 166 (appel gratuit 24h/24 et 7j/7)

-Office Central de Répression de la Cybercriminalité (OCRC) : (+229) 52 45 00 00

  • Se rendre dans une structure spécialisée ou un centre de santé : Elle peut s’orienter vers un Guichet Unique de Protection Sociale (GUPS); une ONG spécialisée comme FND ONG, Réseau des Féministes du Bénin, WILDAF Bénin, ou tout centre d’écoute agréé ; un centre de santé public ou privé, ou encore un CIPEC-VBG (Centre Intégré de Prise en Charge des VBG) s’il en existe un dans sa zone.
  • Faire constater les violences par un professionnel de santé : Il est nécessaire de se faire examiner dans les 72 heures en cas de violence sexuelle. Cela permet une prophylaxie VIH (PEP), la gestion des Infections Sexuellement Transmissibles (IST) ; les soins immédiats ; la constitution de preuves médico-légales.
  • Porter plainte (si et quand elle est prête) : la plainte peut être déposée auprès d’un officier de police judiciaire (OPJ) ; la Brigade de protection des mineurs ; un commissariat ou poste de police; le tribunal de première instance compétent, la CRIET, dans certains cas de violences sexuelles complexes ou liées au cyberespace. Je voudrais rappeler que le dépôt de plainte n’est pas obligatoire pour bénéficier d’un accompagnement. C’est un droit, pas une condition préalable.
  • Demander un accompagnement psychologique, juridique et social : Des travailleurs sociaux, psychologues, juristes et médiateurs communautaires sont disponibles dans les GUPS/CPS, les ONG partenaires, certains centres de santé intégrés. La victime peut être accompagnée dans toutes les étapes, y compris la médiation familiale, la protection de ses enfants, ou l’hébergement temporaire.

Avez-vous un appel à lancer au gouvernement pour l’effectivité d’une prise en charge holistique des victimes au Bénin?

Oui, mon appel est clair.

Le Bénin a fait d’importants progrès, c’est incontestable.

Mais la prise en charge holistique des survivantes de violences basées sur le genre (VBG) n’est pas encore institutionnalisée au sens plein du terme, car elle n’est pas systématique sur tout le territoire, avec des inégalités territoriales criantes ; elle dépend encore fortement de financements extérieurs (bailleurs, ONG internationales) ; les budgets nationaux dédiés sont insuffisants voire inexistants dans certaines administrations locales ;

Il manque une obligation formelle garantissant à chaque survivante un accompagnement global, sans condition ni exception.

L’institutionnalisation signifie que cette prise en charge ne repose plus sur des initiatives isolées, ponctuelles ou dépendantes de projets extérieurs, mais qu’elle est intégrée durablement, systématiquement et obligatoirement dans le fonctionnement de l’État. Une prise en charge holistique institutionnalisée implique donc : une politique nationale claire, avec un cadre légal et stratégique qui impose la prise en charge multisectorielle des survivantes (santé, justice, social, protection, etc.) ; des lignes budgétaires spécifiques dans les budgets de l’État, des ministères et des collectivités territoriales, pour garantir des services gratuits et accessibles ; des normes et protocoles harmonisés, appliqués à tous les niveaux (hôpitaux, commissariats, tribunaux, centres sociaux), pour assurer la continuité et la qualité des services; des ressources humaines formées et déployées à chaque maillon du système : médecins, psychologues, assistants sociaux, policiers, magistrats, etc. ; des dispositifs d’évaluation et de redevabilité, pour mesurer l’efficacité, corriger les défaillances, et garantir un accompagnement de qualité.

J’appelle donc le gouvernement à institutionnaliser la prise en charge holistique des survivantes dans les politiques publiques, afin que l’assistance médicale, psychologique, juridique et sociale soit pleinement intégrée et accessible à toutes, sans discrimination ; budgétiser systématiquement les actions de lutte contre les violences basées sur le genre, à tous les niveaux de gouvernance ; créer un fonds national d’urgence dédié aux survivantes, pour leur garantir une aide immédiate (soins, hébergement, alimentation, réinsertion, etc.) ; renforcer la coordination intersectorielle, en assurant une synergie efficace entre les ministères concernés (Affaires sociales, Justice, Intérieur, Santé), les forces de sécurité, le système judiciaire, les organisations de la société civile et les communautés elles-mêmes.

La lutte contre les violences basées sur le genre ne se gagnera pas avec des lois et des institutions seulement, mais avec leur pleine opérationnalisation, un engagement politique fort, et une volonté collective de transformation.

Réalisé par Aziz BADAROU (Collaboration avec Alliance Droits et Santé)

NO COMMENTS

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Quitter la version mobile