(Quid de la loi ?)
La Police républicaine a interdit ce dimanche 9 février 2025, un meeting du parti d’opposition Les Démocrates à Abomey-Calavi. Ceci, suscitant la colère des députés de l’opposition, même si l’autorité communale ayant pris cette décision, a tenté de se justifier.
Le parti Les Démocrates à nouveau perturbé dans la tenue d’un meeting. Dans le cadre d’une campagne de reddition de comptes entamée par les élus du parti d’opposition, les militants de plusieurs communes sont rencontrés. Histoire d’être outillés sur les actions du parti, notamment au parlement. Alors qu’ils se sont mobilisés pour cet exercice à Abomey-Calavi, élus et militants n’ont pu accéder au lieu de ce meeting. La cause ? Bien avant le démarrage de cette activité qui entre dans le cadre des prérogatives du parti, les hommes en uniforme ont bloqué les issues. Malgré les négociations et longues discussions entre la police républicaine et les organisateurs, rien n’a bougé. Pour ces flics, l’ordre a été reçu d’empêcher la tenue de l’événement car, le parti a manqué de remplir les formalités nécessaires, auprès des autorités communales. Les responsables du parti affirment avoir pourtant respecté toutes les formalités légales pour organiser cette rencontre, qui visait à rendre compte de leurs actions aux militants. « Le motif de défaut de formalités avancé par les autorités communales est un alibi. Je vous le dis, la main sur le cœur, nous avons rempli toutes les formalités pour pouvoir tenir le meeting de Tankpè. C’est triste pour notre démocratie, c’est triste pour notre pays. Jamais notre pays n’était tombé si bas depuis plus de 35 ans », s’est indigné Guy Mitokpè, Porte-parole du parti. Les députés Antonin Hounga et Hélène Olossoumaï ont dénoncé cette interdiction comme une dérive autoritaire du régime de Patrice Talon. Ils ont exprimé leur frustration face à cette situation, soulignant que le Bénin, autrefois considéré comme un modèle de démocratie, est en déclin. Ce n’est pas la première fois que le parti Les Démocrates rencontre des restrictions. Plusieurs meetings ayant déjà été annulés dans d’autres communes, pour les mêmes raisons.
Le Maire rejette les accusations…
Le maire d’Abomey-Calavi, Angelo Ahouandjinou, a défendu la décision de la police. Joint par Banouto, il affirme que le parti n’avait pas complété le processus de demande d’autorisation. « Quand vous introduisez la demande, vous allez au service compétent et vous payez les frais. C’est quand le service termine de tout traiter qu’on envoie maintenant la réponse à la demande, paraphée par la secrétaire exécutive et les agents en plus de ma signature. Mais je n’ai pas reçu un courrier traité de leur réponse jusqu’au vendredi soir avant de quitter la mairie », s’est justifiée l’autorité communale. Laquelle a tenu à préciser que le parti avait d’abord choisi un lieu inapproprié et n’avait pas payé les frais nécessaires pour une nouvelle demande.
Que dit la loi ?
Les débats autour de la légalité de ces restrictions soulèvent des questions sur la liberté de réunion pacifique au Bénin. Fréjus Attindoglo, juriste et spécialiste des droits humains, sur la question donne des orientations. Dans ses explications à Matin Libre, il a souligné l’importance de protéger la liberté de réunion pacifique, un droit fondamental reconnu au niveau national et international. Au sujet de cette interdiction et ses corollaires, l’homme de droit indique qu’il est essentiel de rappeler, à chaque occasion, les principes fondamentaux que les gouvernants doivent intégrer dans leurs actions quotidiennes. « Les événements survenus le 9 février, impliquant le parti politique d’opposition, ne devraient pas avoir lieu dans notre pays. L’État a la responsabilité non seulement de respecter ce droit, mais surtout de le protéger. En cas de nécessité d’imposer des limitations ou des restrictions à cette liberté, les autorités doivent d’abord se tourner vers des mesures aussi peu intrusives que possible avant d’appliquer des limitations », va-t-il expliquer. Autrement, dit-il, les autorités ne doivent pas interdire, restreindre, bloquer, disperser ou perturber des réunions pacifiques sans justification impérieuse, ni sanctionner les participants, les manifestants ou les organisateurs sans raison valable. Malheureusement, la réalité semble être à l’opposé de ces exigences. Il est donc évident, à son avis, qu’on ne peut pas interdire à un parti politique d’organiser des réunions pacifiques, qu’elles se tiennent dans un lieu privé ou public. Concernant la liberté de réunion pacifique, qui constitue un principe élémentaire des droits humains, ce droit est ancré tant au niveau national, régional qu’international, raisonne-t-il. « Ainsi, tous les individus, qu’ils soient citoyens ou non, y compris les étrangers, les migrants, les sans-papiers, les demandeurs d’asile et les réfugiés, doivent pouvoir exercer ce droit, qui est stipulé à l’article 25 de la Constitution béninoise, laquelle constitue un socle fondamental pour les instruments de protection des droits humains », complète le juriste. À le suivre, ce principe est également réaffirmé dans la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, en son article 8, ainsi que dans la Convention relative aux droits de l’enfant, en son article 15. En outre, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, à travers son article 21 et l’interprétation fournie par l’observation n° 37 des Nations Unies, protège clairement, va-t-il insister, la liberté de réunion pacifique, qu’elle se déroule en ligne ou hors ligne, à l’intérieur ou à l’extérieur, dans un espace public, dans un espace privé ou en combinant différents aspects de ces modalités. « Les formes que peuvent revêtir ces réunions sont variées, notamment les manifestations, les protestations, les rassemblements, les défilés, les sit-in, les veillées aux bougies, et même les mobilisations éclair. Nous avons d’ailleurs entendu le Préfet du littoral évoquer une demande d’autorisation, un concept qui suscite des interrogations. Il semblerait que le Maire de la commune d’Abomey-Calavi utilise également le même vocabulaire, selon certaines informations relayées par les médias, qui parlent d’une demande d’autorisation. Il convient de souligner que l’exercice de la liberté de réunion pacifique au Bénin est exclusivement soumis à une déclaration préalable auprès des autorités administratives compétentes, qu’il s’agisse du préfet ou du Maire », conclut Fréjus Attindoglo.
Janvier GBEDO