Dans sa parution du mardi 26 mars 2024, Matin Libre titrait : « Nouveau code électoral : Un Parlement monocolore plane encore en 2026 ». L’alerte visait à tirer l’attention de l’opinion publique nationale et internationale sur le fait que le code électoral de 2024 était conçu pour reproduire en 2026 le tristement célèbre Parlement monocolore de 2019. A quelle fin ? Pour l’heure, seuls les initiateurs du nouveau code le savent.

out est parti de l’échec, vendredi 1er mars 2024, d’une nouvelle tentative de révision de la Constitution, introduite en procédure d’urgence par le député du Bloc républicain (Br) Assan Séibou. L’Opposition, de retour au Parlement après la triste expérience de 2019, a voté contre la recevabilité du projet de révision grâce à ses 28 députés. Sur un air de vengeance, et profitant d’une décision de la Cour constitutionnelle qui les invitait à modifier le code électoral pour rétablir l’égalité de parrainer les candidats à l’élection présidentielle de 2026, les députés ont voté, dans la nuit du mardi 5 mars 2024, par 79 voix pour, 28 contre et une abstention, la loi 2024-13 modifiant et complétant la loi 2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral en République du Bénin. Surprise, l’article 146 de la loi N°2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral a été modifié. (Article 146 : seules les listes, ayant recueilli au moins 10% des suffrages valablement exprimés au plan national, sont éligibles à l’attribution des sièges). Or, c’est cet article qui a permis à l’Opposition, incarnée par le parti Les Démocrates, de faire son come-back à l’Assemblée nationale en 2023, après en avoir été empêchée en 2019. A la place, l’article 146 nouveau de la loi N° 2024-13 du 15 mars 2024 modifiant et complétant la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral stipule : « Seules sont éligibles à l’attribution des sièges, les listes, ayant recueilli ou moins vingt pour cent (20 %) des suffrages valablement exprimés dans chacune des circonscriptions électorales législatives. Toutefois, pour les partis politiques ayant conclu et déposé à la Commission électorale nationale autonome, préalablement à la tenue du scrutin, un accord de coalition parlementaire, il sera procédé, pour le calcul du seuil prévu à I’alinéa précédent, à la somme des suffrages de ceux ayant recueilli ou moins dix pour cent {10 %) des suffrages exprimés ou plan national. En 2026, il ne s’agit donc plus d’avoir 10% des suffrages valablement exprimés au plan national pour être éligible à l’attribution des sièges mais, il faut avoir 20% des suffrages valablement exprimés dans chacune des 24 circonscriptions électorales. Et même là encore, si au moins, tous les partis partaient sur un même pied d’égalité.

20% pour l’Opposition, 10% pour les partis de la Mouvance?

Les partis se réclamant du chef de l’Etat, l’Union progressiste Le Renouveau (Up-R) et le Bloc républicain, conscients qu’en l’état actuel des choses, aucun parti ne peut avoir 20% dans chaque circonscription électorale, se sont trouvé une parade. Elle est contenue dans le second alinéa de l’article 146 nouveau : « Toutefois, pour les partis politiques ayant conclu et déposé à la Commission électorale nationale autonome, préalablement à la tenue du scrutin, un accord de coalition parlementaire, il sera procédé, pour le calcul du seuil prévu à I’alinéa précédent, à la somme des suffrages de ceux ayant recueilli ou moins dix pour cent {10 %) des suffrages exprimés ou plan national ». Cela veut dire que les partis qui ont noué, avant le scrutin un accord de coalition parlementaire, ne sont pas tenu d’avoir chacun 20% dans chaque circonscription électorale. Il leur suffit d’avoir 10% des suffrages valablement exprimés au plan national. le calcul des 20% sera-t-il alors fait sur cette base?

 Or, il faut être deux pour faire un accord parlementaire. Les Démocrates, seul parti d’Opposition au Parlement, ne peut conclure un accord parlementaire avec un parti d’Opposition qui n’est pas représenté au Parlement. Ce qui veut dire que pour les partis UpR et Br qui peuvent nouer un accord parlementaire avant le scrutin, le seuil de 10% au plan national, contenu dans le code électoral de 2019, est toujours valable. Mais pour le parti Les Démocrates, pour défaut d’un second parti d’Opposition représenté au Parlement, il lui faudra avoir au moins 20% dans chacune des circonscriptions électorales avant d’être éligible à l’attribution des sièges. Mission presque impossible. Autant exclure dès le départ le parti d’Opposition de la liste des partis appelés à compétir comme cela a été le cas en 2019.

Evidemment, après le vote du nouveau code électoral, les critiques ont fusé de partout. Partis politiques de l’Opposition, sociétés civiles demandent sa révision afin qu’il soit donné à tous les partis d’aller à cette échéance sur le même pied d’égalité. Des appels qui, jusque-là, ne reçoivent pas l’assentiment du régime Talon. En 2026, il est plus que probable qu’un autre Parlement monocolore prenne place. Et ce n’est qu’à partir de ce moment qu’on saura l’idée derrière ce code électoral taillé sur mesure pour l’Up-R et le Br.

B.H

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici