La classe politique béninoise continue de réagir aux propos tenus par Patrice Talon, lors de son discours sur l’état de la Nation. Le député du parti d’Opposition Les Démocrates, Habibou Woroucoubou, se dit gêné par certains propos du chef de l’Etat quant au « passé honteux du Bénin » dont il fait allusion. A ses dires, tous les présidents ont construit. Chacun a construit.
Lire le verbatim de l’entretien qu’il a accordé à Matin Libre, en réponse aux propos du chef de l’Etat.
« A la suite de ce discours mes impressions, c’est que le Président est resté égal à lui-même, c’est à dire, qu’il est dans ces postures d’auto-suffisance et est prêt à faire une marche forcée pour l’ensemble du peuple béninois. Ce qui est gênant dans ce discours. Au-delà de tout il est important d’observer que le Président a reconnu par rapport à la cherté de la vie. Sur la question du terrorisme, il n’a pu rien faire. Ça c’est déjà un fait.
Sur la cherté de la vie, je crois que c’est les échecs par rapport à la transformation structurelle de l’économie de notre pays. C’est ça qui a conduit à cela. Nous n’avons pas réussi à booster le secteur agricole et le secteur industriel pour assurer la sécurité et l’auto-suffisance alimentaire. Alors du point de vue infrastructures, le président estime qu’il a eu des avancées, ça c’est juste. Il a eu des avancées mais je crois que ces avancées sont dans la dynamique des dispositions qui ont été prises en matière donc de dettes, de recours à l’endettement pour la construction. Ce qui gêne, c’est que ce n’est pas la création de la richesse nationale qui a conduit à la réalisation de ces différentes infrastructures. C’est le recours aux crédits. Si c’est les infrastructures, je crois qu’il n’y a rien sous le soleil. Tous les présidents de ce pays ont construit. Chacun a construit. La tour administrative a existé avant que le Président Patrice Talon vienne construire. Ce que nous sommes aujourd’hui certains sont allés jusqu’à construire même des échangeurs. Le Président Patrice Talon ne l’a pas encore fait. Il est en train de travailler à l’effet de le faire et avec le Président Patrice Talon, c’est que vous ne connaissez pas quel est le coût d’un mètre carré de construction de route aujourd’hui. C’est ça la différence. Et malgré cela le Président pense que sa gestion budgétaire est transparente. En quoi, la gestion budgétaire est transparente si on ne connaît pas le coût ? On ne peut même pas nous donner le coût des infrastructures, on ne peut même pas nous donner le salaire de certains fonctionnaires. Ça pose un problème. Il n’y a pas transparence à mon avis, Non pas du tout. Et en matière donc de gouvernance comme je l’ai dit, aucune transparence dans la gestion de la chose publique. Le cas du leasing aujourd’hui. A un moment donné, l’Etat a décidé d’abord de ne plus acquérir des véhicules et que désormais l’Etat va louer des véhicules. Alors, on a adopté cette réforme là et au cours de cette année 2024, l’Etat communique pour dire non, j’ai arrêté le leasing. Qu’est-ce qui s’est passé et vous avez arrêté le leasing ? Et le bilan, quel est le bilan par rapport à cette gestion du leasing ? C’est des milliards engouffrés déjà. Alors pourquoi aujourd’hui vous levez et vous dites bon on n’est plus dans le leasing et vous ne dites rien à personne.
Il en était de même pour Bénin Taxi. On a investi suffisamment de ressources et du jour au lendemain on se lève et on dit qu’on ne veut plus et pourtant vous dites que vous êtes transparent. Si vous êtes transparent dites-nous le nombre de milliards que vous avez mis dedans et qu’est-ce que cela a apporté pour le peuple béninois. Mais vous n’êtes pas capable de le faire. C’est dommage. Et vous dites que vous êtes transparent vous n’êtes pas transparent.
Dans le domaine de l’éducation, le Président montre à travers son discours qu’il a refonte du système éducatif. Je m’inscris en faux. Je ne sais pas quand on parle de refonte de quoi on veut parler. Aujourd’hui dans le système éducatif on a le système classique et la formation professionnelle. Qu’est ce qui a changé ? C’est dans ça que nous sommes jusqu’à aujourd’hui la seule chose qui a changé c’est que le président a promis de construire 30 lycées bien construits, bien équipés et d’autres rénovés. Nous attendons jusqu’à aujourd’hui, 09 ans après on n’a rien vu encore. C’est ça la refonte dont on parle là ? Et pourtant, les budgets sont toujours estimés à 89% la limite. Les ressources qui sont prévues pour ça servent à quoi ? On nous a dit que c’est à des études. Alors si c’est vrai, pourquoi vous nous annoncez que vous allez nous construire des lycées et aujourd’hui, 09 ans après on est en train d’attendre ces lycées là on ne trouve pas.
Mieux, le Président dit que le Bénin a trouvé son chemin. Alors, je me pose la question qui a dit au Président que le Bénin avait manqué son chemin ? c’est la question que je voudrais poser au président pour qu’il me donne de réponse par rapport à ça.
En tout cas le chemin que le Bénin a trouvé aujourd’hui, pour ma part, c’est le chemin de l’exclusion, le chemin des bavures policières, des enlèvements même au-delà de nos frontières. Si c’est ce chemin-là pas de problème. Ça nous l’avons constaté nous-mêmes.
Aujourd’hui, ce qui est à la mode en Afrique, c’est la question de l’auto détermination des peuples la question de la souveraineté des Etats. Alors, si c’est par rapport à la souveraineté à l’autodétermination que nous avons trouvé notre chemin là, je comprendrais. C’est le chemin de l’autodétermination que nous cherchons. C’est ça que nous n’avons pas et c’est ça qu’il faut chercher.
Sur la question de la sécurité, les mesures annoncées par rapport à la question du terrorisme et le renforcement de la sécurité, je crois qu’à ce niveau-là ces mesures-là ne sont pas suffisantes. Parce que le terrorisme sévit aujourd’hui dans tout le nord du pays et dans les zones frontalières.
Et pour ma part, il y a des propos tenus par le Président qui ne nous honorent pas du tout. Lorsque le Président pense que des gens travaillent à un retour de notre passé honteux. Je me pose la question de savoir qui sont ceux qui sont à l’origine de ce passer honteux. N’est-ce pas le président même qui avait dit que ce passé honteux là qu’il en était l’un des acteurs ? À partir de cet instant, il ne peut pas s’affranchir de ce passé honteux dont il parle.
Aujourd’hui, les investissements qu’on est en train de réaliser on a l’impression qu’on n’est même à l’époque des années 70 où on nous imposait les investissements publics. On a construit des marchés qui ont l’air vraiment jolis. Mais à combien faut-il occuper les boutiques aujourd’hui ? 50 mille ? 60 mille ?
Combien de nos mamans sont en mesure de s’offrir ce montant-là par rapport aux activités qu’elles mènent sur le marché ? Il suffit d’attendre encore quelques années pour savoir ce que ces marchés vont nous rapporter. Les gens ne pourront pas les occuper ni les payer. Et ces investissements seront improductifs.
Il en est de même pour les logements sociaux qu’on est en train de construire. Ces logements sociaux pour lesquels le loyer moyen est de 300mille, combien de béninois peuvent se l’offrir et avec quel salaire ? C’est ça en fait le problème.
Pour me résumer, je dirai il serait bon que le Président puisse avoir les pieds sur terre parce que c’est de l’extérieur qu’on a entendu que nous sommes premiers dans tout et on vient on nous répète ça encore.
Nous sommes à l’intérieur on ne voit pas ça.
Je crois que c’est dommage, ce mode de développement là, qui n’impacte pas ceux qui sont à l’intérieur et c’est ceux qui sont à l’extérieur qui le constatent.
Ça ne vaut pas la peine et que le président se contente plus au moins ce qu’il a fait. Ce qui ne va pas, comment faire pour corriger. Mais qu’il ne profère pas des menaces ça n’a d’intérêt pour personne ».
Propos recueillis par Albérique HOUNDJO Br/Borgou-Alibori