Le Secrétaire général de la Confédération des syndicats autonomes (Csa-Bénin), Anselme Amoussou livre son analyse du discours du Chef de l’Etat sur l’état de la nation. Lisez plutôt !

Réaction du SG/CSA-Bénin, Anselme Amoussou

Sur le plan des réalisations et de l’autosatisfaction personnelle, le discours de 2024 ne diffère guère des allocutions à la nation des années précédentes.

Les progrès économiques, les infrastructures routières, la reconstruction et l’embellissement des marchés, les années académiques sans perturbations, les cantines scolaires et l’accès à l’eau potable ont été présentés comme des avancées significatives pour notre pays. Il existe des chiffres pour en attester et des preuves tangibles sur le terrain. Par conséquent, je ne veux pas faire preuve de mauvaise foi en les contestant.

Le président a également mentionné les nombreux chantiers en cours, témoignant d’un développement continu. Ces changements significatifs sont indéniables.

Je félicite le chef de l’État et son gouvernement, ainsi que l’ensemble des populations, en particulier les travailleurs, pour ces réalisations.

Cependant, il est de mon devoir de souligner les aspects de la gouvernance qui nécessitent moins de triomphalisme et plus d’humilité.

La pauvreté a augmenté depuis 2016, comme le montrent les statistiques officielles de l’INSTaD, avec plus de 40 % de la population rurale vivant dans la pauvreté aujourd’hui au Bénin.

En 2024, les tracasseries insupportables pour les producteurs de soja et autres produits agricoles ont érodé leur confiance en l’État pour les soutenir.

La situation de détresse des transporteurs et de leurs familles, causée par la tension avec le Niger, est préoccupante. Ils sont malheureusement abandonnés par le gouvernement, qui ne leur apporte aucune assistance ou soutien.

Les réformes structurantes de notre système éducatif restent des promesses à un an de la fin du mandat. Bien que le chef de l’État semble satisfait de la rareté des grèves, son gouvernement peut-il citer un seul résultat concret en matière d’adéquation formation-emploi ? Les trente lycées techniques annoncés sont toujours attendus.

À la place, nous assistons à une élitisation de notre système éducatif, avec un encouragement à la création d’établissements privés coûteux proposant des programmes de formation étrangers.

Le pré-scolaire est abandonné, sans personnel, sans recrutement, sans perspective.

Qu’en est-il du programme d’enseignement de l’anglais au primaire, abandonné sans motif officiel ?

Il faut rappeler au chef de l’État qu’en 2024, le Bénin s’est illustré par des violences policières et des actes de barbarie à l’encontre de travailleurs manifestants pacifiques.

Des responsables syndicaux ont été détenus arbitrairement pendant des heures, et ce bilan méritait de figurer dans l’allocution de l’autorité en termes de mea culpa.

En outre, il est impératif de souligner les violations flagrantes des libertés démocratiques qui ont marqué cette année. Les droits fondamentaux à la liberté d’expression et de manifestation ont été bafoués à plusieurs reprises.

Les arrestations arbitraires de citoyens et d’activistes, ainsi que la répression violente des manifestations pacifiques, sont des atteintes graves à la démocratie. Ces actes de répression doivent être fermement condamnés et corrigés pour restaurer la confiance des citoyens dans les institutions de l’État.

Enfin, je dois avouer que tout le contenu du discours a été éclipsé par le passage où le chef de l’État se présente comme un opposant à tout consensus politique et à tout dialogue inclusif. Il a clairement indiqué qu’aucun compromis politique ne serait fait au détriment du développement du pays. Mais est-ce à lui seul de définir le contenu du développement du pays ? Nous savons tous que certains aspects de la réforme du code électoral sont jugés crisogènes, ce qui l’a conduit à accepter, par exemple, l’audit de la liste électorale. Le développement ne passe-t-il pas par l’apaisement social et la paix ?

Cette position peut être perçue comme un refus de dialoguer avec l’opposition, ce qui pourrait exacerber les tensions politiques.

Ce passage dans un discours à la nation semble être l’expression d’un état d’âme qui ne tient pas compte des inquiétudes légitimes de nombreux Béninois, qui craignent les conséquences possibles de l’impasse politique actuelle.

En conclusion, je dirais que le discours de Patrice Talon est conventionnel. Il a mis en lumière les succès de son administration tout en reconnaissant les défis persistants. Bien que des progrès notables aient été réalisés, notamment en matière d’infrastructures et de sécurité, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour améliorer le pouvoir d’achat et renforcer le dialogue politique. Le refus de Patrice Talon de favoriser un consensus politique en vue des élections de 2026 est une position controversée qui pourrait avoir des répercussions significatives sur la stabilité politique et sociale du Bénin. Un dialogue inclusif et des réformes électorales consensuelles sont essentiels pour garantir des élections pacifiques et renforcer la démocratie.

 Anselme Coovi AMOUSSOU

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