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Institution de ministres conseillers Le décret contesté devant la CADHP

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(La plainte déposée pour contrariété)

Le décret N°2024-006 du 09 janvier 2024 portant création, attributions, organisation et fonctionnement du Collège des ministres conseillers à la Présidence de la République, signé du Président de la République et contresigné par le Ministre de l’Économie et des Finance, viole certaines dispositions de la Constitution et de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. N’ayant pas trouvé gain de cause au plan interne, un groupe de juriste s’en remet à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et expose ses arguments dans une plainte.

PLAINTE CONTRE LA REPUBLIQUE DU BENIN POUR CONTRARIETE DU DECRET 2024-006 DU 09 JANVIER 2024 AVEC LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES

Abomey-Calavi, le 19 août 2024

A-

Monsieur le Président Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples

A l’attention du Secrétaire de la Commission

Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples

BANJUL

LES REQUERANTS

Landry Angelo ADELAKOUN, Romaric ZINSOU, Miguèle HOUETO, Fréjus ATTINDOGLO, et Conaïde AKOUEDENOUDJE, tous Juristes de nationalité béninoise, demeurant et domiciliés à Abomey-Calavi (Bénin) ; Tel : (+229) 97 87 28 91 ; 06 BP : 3755 Cotonou (BENIN) ; E-mail : angelo.adelakoun@gmail.com où domicile est élu dans le cadre de la présente action.

ONT L’HONNEUR DE VOUS EXPOSER

  • Sur les faits

Qu’il y a quelques mois le Président de la République du Bénin a pris un décret, le décret N°2024-006 du 09 janvier 2024 portant création, attributions, organisation et fonctionnement du Collège des ministres conseillers à la Présidence de la République ;

Que le contenu le contenu dudit décret signé du Président de la République et contresigné par le Ministre de l’Économie et des Finance crée des droits au profit d’une catégorie de citoyens béninois appelés à des fonctions républicaines de participation à la gestion des affaires de l’État;

Que l’article 4 dudit décret précise que : « Le Ministre conseiller est un collaborateur du Président de la République. Il est nommé par décret du Président de la République, sur proposition des partis politiques membres de la majorité Présidentielle à l’Assemblée nationale ou soutenant les actions gouvernementales » ;

Qu’ainsi, seuls les partis politiques soutenant les actions du gouvernement peuvent proposer les candidats à ce poste alors même que tous les citoyens, sans discrimination, ont le droit de participer à la gestion des affaires publiques conformément aux dispositions de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples en son article 13 et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Que l’article 8 du même décret dispose : « Le présent décret, qui prend effet pour compter de sa date de signature abroge toutes dispositions contraires. Il sera publié au Journal Officiel » ;

Qu’à la lecture des dispositions dudit décret, en l’occurrence son article 4, il s’observe une flagrante violation des dispositions tant de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, de la Constitution, norme suprême à laquelle toutes les autres normes doivent impérativement se conformer que de la jurisprudence de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ;

Que pour ces raisons la Cour constitutionnelle a été saisie et elle a dit et jugé que le décret ainsi querellé n’est ni contraire à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ni à la Constitution du Bénin ;

Que les décisions de la Cour constitutionnelle étant sans recours et marquant ainsi l’épuisement des voies de recours internes, c’est à juste titre que la présente plainte dirigée contre ledit décret est soumise à la Commission afin de rétablir le droit ;

Que pour permettre à la Commission de mieux cerner les graves violations des droits et libertés fondamentales pourtant fixés tel un marbre dans la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et la Constitution béninoise même modifiée, il échet de demander à la Commission d’admettre la présente communication afin de permettre d’en apporter les éléments de recevabilité et de preuve.

  • Sur la recevabilité de la plainte

 

Que conformément à l’article 114 de la Constitution, “les décisions de la Cour sont sans recours et s’imposent aux pouvoirs publics”

Que la Cour a été saisie et a rendu la Décision DCC 24-040 du 14 mars 2024 justifiant ainsi l’épuisement des voies de recours internes condition fondamentale de recevabilité de la présente plainte conformément à l’article 114 du Règlement intérieur de la Commission ;

Que les articles 55 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples énonce que « 1. Avant chaque session, le Secrétaire de la Commission dresse la liste des communications autres que celles des Etats parties à la présente Charte et les communique aux membres de la Commission qui peuvent demander à en prendre connaissance et en saisir la Commission.

  1. La Commission en sera saisie, sur la demande de la majorité absolue de ses membres. » Que l’article 56 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples énonce énonce que « Les communications visées à l’article 55 reçues à la Commission et relatives aux droits de l’homme et des peuples doivent nécessairement, pour être examinées, remplir les conditions ci-après :
  2. Indiquer l’identité de leur auteur même si celui-ci demande à la Commission de garder l’anonymat ;
  3. Être compatibles avec la Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine ou avec la présente Charte ;
  4. Ne pas contenir des termes outrageants ou insultants à l’égard de l’État mis en cause, de ses institutions ou de l’OUA ;
  5. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles diffusées par des moyens de communication de masse ;
  6. Être postérieures à l’épuisement des recours internes s’ils existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Commission que la procédure de ces recours se prolonge d’une façon anormale;
  7. Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis l’épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la Commission comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine ;
  8. Ne pas concerner des cas qui ont été réglés conformément soit aux principes de la Charte des Nations Unies, soit de la Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine et soit des dispositions de la présente Charte. »

Que l’article 93 dispose « Toute communication soumise aux termes de l’article 55 de la Charte africaine doit être adressée au Président(e) de la Commission par l’intermédiaire de son/sa

Secrétaire, par des personnes physiques ou morales. 2. Le/la Secrétaire doit s’assurer que les Communications introduites devant la Commission contiennent les informations suivantes : a. Le nom, la nationalité et la signature de la ou des personnes ayant introduit la communication ; dans les cas où l’auteur de la Communication est une organisation non gouvernementale, le nom et la signature de son ou ses représentants légaux ; b. Une indication de ce que le plaignant souhaite que son identité soit révélée ou non à l’État ; c. L’adresse par laquelle la Commission doit communiquer avec le plaignant et, si disponible, un numéro de téléphone, un numéro de fax et une adresse électronique ; d. Un rapport sur la situation ou la violation alléguée, en précisant le lieu, la date et la nature des violations alléguées ; e. Si possible, le nom de la victime, au cas où elle est différente du plaignant … »

Que de la lecture croisée de ces différentes dispositions, il apert de conclure que la présente action remplit toutes les conditions de recevabilité, et qu’il y a lieu de discuter de son bien- fondé.

  • Sur le bien-fondé de la requête

 

Que le peuple béninois puisant dans son passé tumultueux a réaffirmé avec vigueur en 1990 dans sa loi fondamentale son « …opposition fondamentale à tout régime fondé sur l’arbitraire, la dictature, l’injustice, la corruption, la concussion, le régionalisme, le népotisme, la confiscation du pouvoir et le pouvoir personnel » ;

Que les articles 1 et 2 de la constitution rappelle sans ambages que le Bénin est une République. Or, dans une République tous les citoyens sont soumis sans aucune distinction aux lois qui régissent la vie en communauté ;

Que notre pays le Bénin a volontairement adhéré à une communauté de normes et de principes.

C’est ainsi que nous avons, dans le préambule de notre Constitution, réaffirmé « solennellement notre détermination par la présente Constitution de créer un État de droit et de démocratie pluraliste, dans lequel les droits fondamentaux de l’Homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis, protégés et promus comme la condition nécessaire au développement véritable et harmonieux de chaque Béninois tant dans sa dimension temporelle, culturelle, que spirituelle ».

Que nous avons également réaffirmé notre « attachement aux principes de la démocratie et des Droits de l’Homme, tels qu’ils ont été définis par la Charte des Nations Unies de 1945 et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, à la Charte Africaine ».

Que dans cette veine, l’article 7 de la même constitution dispose : « Les droits et les devoirs proclamés et garantis par la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples adoptée en 1981 par l’Organisation de l’Unité Africaine, et ratifiée par le Bénin le 20 janvier 1986, font partie intégrante de la présente Constitution et du droit béninois. »

Que l’article 26 nouveau dispose que : « L’Etat assure à tous l’égalité devant la loi, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d’opinion politique ou de position sociale. L’homme et lo femme sont égaux en droit. Toutefois, la loi peut fixer des dispositions spéciales d’amélioration de la représentation du peuple par les femmes. L’Etat protège la famille, particulièrement la mère et l’enfant. ll porte assistance aux personnes porteuses de handicap ainsi qu’aux personnes âgées » ;

Qu’il ressort de cette disposition que tous les citoyens béninois sont égaux devant la loi et jouissent des mêmes droits ;

Que le seul bémol apporté au principe de l’égalité de tous devant la loi ne touche que les femmes et que même dans ce cas, il ne peut s’agir que d’une prescription par voie législative et non règlementaire ;

Qu’à aucun moment dans l’ordonnancement juridique de notre pays, il n’a été question de poser des règles particulières pour favoriser des partisans ou courtisans d’un gouvernement en place ; Que c’est en toute méconnaissance de l’article 26 nouveau de la Constitution que l’article 4 du décret N°2024-006 du 09 janvier 2024 portant création, attributions, organisation et fonctionnement du Collège des ministres conseillers à la Présidence de la République dispose : « Le Ministre conseiller est un collaborateur du Président de la République. Il est nommé par décret du Président de la République, sur proposition des partis politiques membres de la majorité Présidentielle à l’Assemblée nationale ou soutenant les actions gouvernementales » ;

Qu’en disposant ainsi le pouvoir règlementaire crée une discrimination fondée sur l’appartenance politique violant du coup l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui énonce que “ Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. À cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique et de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation” ;

Qu’ainsi les règles ne sont plus les mêmes pour les citoyens et la participation à la gestion des affaires publiques devient une question de la coloration politique de chacun ;

Que le pouvoir règlementaire s’inscrit ainsi en contradiction avec l’article 26 nouveau de la Constitution en édictant une règle qui exige que les postes de Ministre Conseiller soient pourvus « sur proposition des partis politiques membres de la majorité Présidentielle à l’Assemblée nationale ou soutenant les actions gouvernementales »

Que l’article 13 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples énonce que : « 1. Tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de leur pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis, ce, conformément aux règles édictées par la loi. 2. Tous les citoyens ont également le droit d’accéder aux fonctions publiques de leurs pays. 3. Toute personne a le droit d’user des biens et services publics dans la stricte égalité de tous devant la loi » ;

Qu’il ressort de cette disposition que la participation à la gestion des affaires publiques ne doit souffrir d’aucune inégalité ni discrimination ;

Que la Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples dans l’arrêt communément appelé arrêt MTIKILA l’a réaffirmé en disant que l’on ne peut contraindre une personne à être membre d’un parti politique avant de pouvoir participer à la gestion des affaires publiques ;

Que la Charte africaine fait partie intégrante de la Constitution et garantit les droits de tous sans discrimination en ce qui concerne la participation à la gestion des affaires de l’État ;

Que le point 3 de cette disposition est davantage intéressant en ce sens que le décret querellé crée une incidence financière sur le budget national ;

Que dès lors que la rémunération ou indemnités attachées au poste de Ministre conseiller est à la charge du contribuable, il est inconcevable de mettre en vigueur une telle mesure ;

Qu’en prenant un décret qui vise à réserver des postes nominatifs aux gens proposés par les partis politiques de la majorité présidentielles à l’Assemblée nationale ou soutenant les actions gouvernementales, le pouvoir règlementaire crée une discrimination entre les partis politiques soutenant les actions gouvernementales, ceux de l’opposition et même les citoyens non membres de partis politiques violant ainsi l’article 21 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui énonce que “ Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis ”.

Que c’est en toute méconnaissance de l’« … opposition fondamentale à tout régime fondé sur l’arbitraire, la dictature, l’injustice, la corruption, la concussion, le régionalisme, le népotisme, la confiscation du pouvoir et le pouvoir personnel » que le pouvoir règlementaire tente de ramener le pays sous les caractéristiques d’un régime de parti unique ;

PAR CES MOTIFS

 

Et tous autres à déduire, suppléer ou développer par devant la Commission, qu’il plaise à la Commission de :

Sur la forme :

– Se déclarer compétente

– Déclarer la requête recevable

Au fond :

1-       Constater et dire que le décret N°2024-006 du 09 janvier 2024 portant création, attributions, organisation et fonctionnement du Collège des ministres conseillers à la Présidence de la République est contraire aux articles 26 nouveau de la Constitution, 13 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples et 21 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

ET CE SERA JUSTICE

SOUS TOUTES

             RESERVES

                                      Landry Angelo

            ADELAKOUN

Romaric ZINSOU

         Miguèle HOUETO              Fréjus ATTINDOGLO                                                                              Conaïde

AKOUEDENOUDJE

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