(Le projet Zognidi met les femmes au cœur de l’industrie culturelle)

Les usagers de l’espace culturel Le Centre, sis à Lobozounkpa, Godomey, ont vécu une soirée théâtrale riche en émotion, samedi 26 octobre 2024. Etait au programme, la représentation de la pièce « Gestation » de la compagnie Tout Grand Théâtre Djogbé. Elle raconte l’histoire d’un enfant qui, voyant déjà les difficultés qui l’attendent, refuse de naître, mais…

Lumières éteintes, les projecteurs montrent une chaude soirée, un bal masqué où boisson coule à flot, des fumées qui montent dans le ciel, telle une locomotive, des filles endiablées, des garçons insouciants. Ce qui devait arriver, arriva. Quelques jours après, voilà une jeune femme, le ventre bien arrondi, à la recherche de son homme d’un soir. Naître sans un père pour le protéger, voilà le premier handicap à la vie de l’enfant dans le ventre. Dans le même temps, les informations ne sont pas bonnes. L’inadéquation formation-emploi entraîne le chômage et le sous-emploi. La Méditerranée est devenue une tombe pour les africains en quête de mieux être. L’enfant, dans le ventre, voit et entend les échos de la vie périlleuse à laquelle sa mère le prédestine. Il a toutes les raisons du monde pour refuser de naître. Mais son cri, ses arguments ne réussiront pas à convaincre sa mère. Il naîtra, malgré lui, avec beaucoup d’amertume dans cette nation pourrie, avec les seuls mots d’encouragement de sa mère.

« Gestation », est un texte du Camerounais Moïse Kamguen, mis en scène par Armelle Nagoba, dans le cadre du projet Zognidi que pilote le comédien, conteur et metteur en scène Didier Sèdoha Nasségandé. Maurice Vodinou, Ronnie Mèdégan, Nicole Wida et Hélène Amoussou se sont distribué les rôles. Aux dires de la metteuse en scène, Armelle Nagoba, « Gestation » parle de l’avenir qu’on réserve à la génération suivante. Ça touche aussi les vices. « Par exemple, les jeunes filles qui ont ramassé des grossesses sur le coup de foudre, la cherté de la vie. Ce qui se passe aujourd’hui où on peut commander des bébés, l’homme peut devenir une femme, et vice-versa » a laissé entendre Armelle Nagoba. « Gestation » fait aussi un clin d’œil sur la situation au Cameroun dont le président, Paul Biya, appelé ici Corbillard, refuse de partir malgré le poids de l’âge. Le peuple n’est pas content mais n’a pas le choix.

Pour sa première sortie officielle de metteuse en scène, grâce au projet Zognidi, Armelle Nagoba a fait déjà plusieurs dates avec « Gestation ». C’est d’ailleurs à l’occasion d’une représentation au centre culturel La Base, dont le promoteur est Didier Nasségandé, que la pièce a attiré l’attention du Directeur exécutif de l’espace culturel Le Centre, Berthold Hinkati. La suite, c’est la représentation du samedi 26 octobre à l’espace culturel Le Centre. « Le Centre, c’est un endroit que j’apprécie beaucoup. Je rêvais vraiment apporter un travail ici. Et quand l’occasion s’est présentée, je me suis dit l’heure a sonné. Aujourd’hui, je suis venue à Le Centre en tant que metteuse en scène avec mon produit, et j’en suis très contente » a laissé entendre Armelle Nagoba.

Quid du projet Zognidi ?

 Aux dires de Didier Nasségandé, Zognidi est un projet qui veut former des femmes dans les métiers, les postes de responsabilité dans la chaîne de production artistique, l’administration, la scénographie, la mise en scène et la critique d’art. « Donc nous avons identifié ces postes-là, qui sont des postes de leadership et qui sont vides en matière d’occupation féminine. Donc on a formé 20 femmes à ces différents postes. On a accordé des bourses de création et voici ce qu’a produit une des bourses de création » laisse-t-il entendre, parlant de « Gestation ». Accompagné par le Bureau de la Coopération suisse au Bénin et l’Ambassade de France, le projet Zognidi, aux dires de Didier Nasségandé, a produit 6 spectacles qui ont connu déjà plus de 24 dates de représentation en 5 mois de formation. « Je suis content de l’enthousiasme des femmes, de ce qu’elles comprennent que désormais elles ont la possibilité de faire tout ce qui était réservé aux hommes dans l’industrie culturelle. C’est elles qui ont organisé la question administrative avec Le Centre. Le management, l’organisation des répétitions, tout le convoyage vers ici, toute la logistique. Moi, je n’ai touché absolument à rien puisque c’est leur métier désormais de s’organiser et de faire vivre leur pensée. Et voilà, je suis content du chemin qui se fait, de l’expérience qui se construit petit à petit. Certainement, leurs oiseaux feront leur nid » souligne Didier Nasségandé.

Même satisfaction chez le Directeur de l’espace culturel Le Centre, Berthold Hinkati. A ses dires, les réactions de la centaine de personnes qui ont fait le déplacement montrent qu’elles ont aimé le spectacle. Vous me permettrez de féliciter mon équipe, parce que ce n’était pas gagné d’avance. C’est beaucoup de travail, beaucoup de concentration pour avoir ce résultat-là » a-t-il souligné, tout en mettant un accent sur la présence des enfants. « Ce que vous aurez aussi remarqué, c’est la présence des enfants. Désormais, nous faisons un effort remarquable concernant les jeunes publics. C’est une médiation culturelle à leur endroit que nous avons commencé depuis un bon moment.  Et on essaie de discuter avec leurs parents pour qu’ils puissent comprendre que le jeune public est véritablement l’avenir de demain. Si nous voudrions que les salles soient remplies, si nous voudrions que tous les types d’art soient considérés, c’est aujourd’hui et c’est à travers ces enfants-là. Donc, de 2015 à nos jours, il y a ce travail qui est fait. Pour moi, on ne peut pas avoir un espace pareil sans penser à la couche juvénile » va-t-il conclure.

Bertrand HOUANHO

 

Avis de spectateurs

Etienne Zountchégbé

« J’ai bien aimé le spectacle. J’ai eu par moments des sentiments de tristesse, de joie et un peu de colère aussi ».

Tayô Adannouéwa, Assistant réalisateur cinéma, Tévision clip vidéo

 « Il faut dire que j’étais un peu plus entré dans le thème. Ce qui a été la gestation depuis la conception jusqu’à l’accouchement. C’était une très belle scène, beaucoup de paroxysme, beaucoup de parallèles dedans avec le Président Corbillard. Beaucoup d’allusions, beaucoup d’incompréhension venant de mon point de vue. Je pense que ouais, j’ai aimé. C’était intéressant ».

Marie Charbelle Todjinou

« J’ai bien aimé, j’ai trouvé ça très instructif. J’ai beaucoup aimé le message derrière parce que c’est un sujet dont on ne parle pas souvent chez nous. Le taux de natalité en Afrique, c’est un sujet qui fait couler beaucoup d’encre. Certains disent qu’à cause de la pauvreté, à cause de la misère ambiante, comme l’artiste l’a dit, les femmes africaines devraient limiter le nombre d’enfants qu’elles devraient avoir. D’autres disent que la force de l’Afrique, c’est sa puissance démographique. Donc c’est intéressant de voir le point de vue de ces enfants qui ne sont pas encore nés, qui se plaignent déjà, qui ont déjà peur de l’avenir que la vie leur réserve. Donc j’ai beaucoup aimé cet aspect-là et j’espère qu’ils vont continuer sur ce plan ».

Ahissou Pernelle

« C’est intéressant, beaucoup d’émotions. En tout cas, personnellement, ça m’a remonté des émotions, des pensées. C’était intéressant ».

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