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Dieudonné Dagbeto à propos de la surpopulation carcérale: « La politique pénale du gouvernement en est…la base »

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Amnesty International Bénin mène une campagne pour faire la lumière sur les conditions de détention dans le pays. Dans un entretien accordé à Matin Libre le vendredi 11 octobre 2024, Dieudonné Dagbeto, directeur exécutif, restitue les observations rapportées par l’Organisation en août dernier.

Matin Libre : Comment qualifier, avec un adjectif, le respect des droits humains au Bénin ?

Dieudonné Dagbeto : C’est difficile, hein ? (rires) Je dirais une situation à améliorer parce que tant que tout n’est pas rose,  il faut toujours travailler à améliorer. Les gouvernements successifs que nous avons eu ont fait des efforts, mais il reste toujours des écueils sur lesquels nous revenons pour attirer l’attention des autorités.

 

Le dernier communiqué d’Amnesty International Bénin montre les mauvaises conditions de détention dans le pays. Comment avez-vous réussi à entrer dans les prisons béninoises ?

Il faut saluer les autorités qui nous ont permis, après plusieurs années de réticence, de visiter ces prisons. Parce que depuis 2020, on a toujours envoyé des correspondances pour aller faire la visite des lieux de détention. Sur les deux ou trois années successives, on avait obtenu un refus.

Pourquoi vous a-t-on laissé entrer cette fois ?

Lorsque nos correspondances étaient envoyées aux autorités, soit on n’avait pas de retour du tout, soit il nous était dit que l’autorisation n’avait pas encore été donnée. On a continué à envoyer des correspondances qui restaient lettres mortes, jusqu’à ce qu’en 2023, on ait cette autorisation pour faire la visite pendant un mois. Peut-être qu’il ne fallait pas baisser les bras.

Amnesty International Bénin a visité les neuf maisons d’arrêts et deux prisons civiles du pays. Quel est le constat le plus criant ?

La surpopulation. L’effectif était deux à trois fois ce que devait contenir chacune des cellules que nous avons visitées. Même si notre étude n’était pas fondée sur les raisons de cette surpopulation, nous estimons que c’est la politique pénale du gouvernement qui en est certainement à la base. Nous avons appelé à ce que quelque chose se fasse pour pouvoir désengorger les prisons.

 

« De moins de 7 000 détenu.e.s en 2016, selon un ancien ministre de la Justice, ils sont passés à 18 170 en décembre 2023, selon le directeur de l’agence pénitentiaire du Bénin », indiquez-vous. Comment s’explique cette surpopulation ?

On a constaté qu’il y avait des détenus qui avaient des mandats de dépôt dont la période était déjà expirée. En fait, ils ne devraient plus se retrouver en détention. Nous avons attiré l’attention sur ce délai anormalement long de détention provisoire. Nous avons porté ces informations et ces instruments auprès des régisseurs qui, je pense, les heures qui ont suivis, ont travaillé à la libération de ces détenus-là. 

En plus, vous observez aussi des difficultés d’accès à l’eau, à la nourriture, à l’air… Et même aux soins.

Dans les prisons, les personnes détenues disaient qu’il n’y avait pas de médecins ; uniquement des infirmiers déployés par Bénin Excellence, une ONG locale. Donc, pas salariés de l’État. Les infirmiers nous ont confiés qu’ils étaient débordés parce que l’effectif de détenus ayant besoin de soins est assez élevé. Certains détenus ont expliqué qu’il n’y avait pas de médicaments, qu’il est arrivé de ne pas avoir un seul comprimé de paracétamol dans les centres de détention. On a constaté qu’il y avait de l’approvisionnement mais certains infirmiers nous ont confié qu’ils étaient réalisés quelques jours, voire quelques heures avant l’arrivée de nos équipes. 

 

Le communiqué d’Amnesty International Bénin a été publié le 1er aout 2024. Depuis, y-a-t-il eu des avancées ?

En décembre 2023, nous avons eu la chance de rencontrer le directeur général de l’agence pénitentiaire du Bénin. Avec lui nous sommes revenus sur l’essentiel de nos constats dans les prisons et il nous avait garanti qu’en fin décembre ou en janvier, il y aurait des recrutements de l’État pour pourvoir les maisons d’arrêt en personnel de santé. On a effectivement constaté que ce recrutement a commencé. Et en janvier, également, au Conseil des ministres, il y a eu un décret sur le travail d’intérêt général. Pour nous, si c’est effectivement mis en œuvre, cela permettrait de désengorger un peu les prisons.

Comment continuer d’attirer l’attention du gouvernement sur ces problématiques ?

Après la sortie du communiqué, nous avons travaillé à avoir un document de campagne pour continuer à interpeller les autorités. Nous irons collecter des signatures auprès du public pour une pétition. Nous allons continuer les interventions dans la presse et nous avons lancé récemment une autre campagne sur les violences gynécologiques et obstétricales au Bénin dans laquelle nous faisons un parallèle avec la santé des personnes détenues. Nous aurons également des rendez-vous, notamment avec le ministère de la Justice et le directeur général de l’agence pénitentiaire du Bénin, pour voir comment nous pourrions les accompagner pour améliorer cette situation. Au-delà de la dénonciation, on essaie d’apporter quelques solutions.

Fayola Dagba (Stag)

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