Echaudés par la crise postélectorale qui les a pris de court en 2021, les dignitaires religieux du Bénin, réunis au sein du Cadre de Concertation des Confessions Religieuses (Cccr), n’entendent pas se faire surprendre par les conditions sulfureuses dans lesquelles les acteurs politiques conduisent le pays vers les élections générales de 2026. Par la voix de l’Imam Ali Assifath Amoussa de la Grande Mosquée de Porto-Novo, le Bureau Exécutif du CCCR exhorte le Chef de l’Etat à renouer le dialogue.
Le Cadre de Concertation des Confessions Religieuses (Cccr) créé depuis 2010, se veut être un creuset d’échanges regroupant les dignitaires religieux autour de l’objectif fondamental de « pérennisation de la paix et de lutte contre l’extrémisme religieux violent. » Il se refuse d’être un instrument au service des pouvoirs politiques, mais soutient et encourage, dans le respect des valeurs religieuses et de la laïcité de l’Etat, « tout gouvernement qui œuvre pour le bien-être de son peuple, défend ses intérêts et préserve l’unité nationale.
» Le Cccr a rappelé la référence que constitue la Conférence nationale des forces vives de la Nation comme modèle de cadre de dialogue qui a permis de surmonter les épreuves et les divergences politiques ; ainsi que les progrès notables réalisés en 34 ans de démocratie béninoise en matière de gouvernance politique, économique et sociale au fil des réformes engagées par les gouvernements successifs « permettant au Bénin de jouir d’une stabilité politique depuis le renouveau démocratique amorcé par le feu Général Mathieu Kérékou, poursuivi par Nicéphore Soglo Dieudonné et Dr Boni Yayi ; et actuellement par Mr Patrice Athanase Guillaume Talon». Le bureau exécutif du Cccr, après une analyse minutieuse et objective de la situation socio-politique et économique et dans la perspective des élections générales de 2026, a invité le Président de la République à renouer avec le dialogue politique en mettant l’accent sur les intérêts du peuple, la paix et la concorde nationales.
Il l’a exhorté à protéger les acquis de notre démocratie obtenus au prix de grands sacrifices lors de la Conférence nationale des forces vives de la Nation en février 1990 ; à revisiter certaines questions sensibles pour le peuple telles que le nouveau code électoral, la vie chère, le chômage des jeunes, les emprisonnements extra-judiciaires et la libération des prisonniers politiques ; à prendre en compte les huit recommandations du clergé catholique lors du colloque du 25 avril 2024 sur le code électoral et à envisager leur mise en œuvre. Selon le Cccr, l’application de ces recommandations (rappelées en encadré) pourraient insuffler une nouvelle dynamique à la démocratie béninoise, marquant ainsi une nouvelle ère pour notre pays. Ces recommandations pourraient également apporter des bénéfices non seulement pour votre gouvernement mais aussi pour notre démocratie.
Le Président Patrice Talon marchera-t-il dans les pas de ses prédécesseurs pour exorciser le péril qui guette le pays à l’horizon 2026 ou foncera-t-il tout droit dans le mur ? Dans tous les cas, les leaders religieux du Bénin, toutes tendances confondues, auront par leurs alertes régulières et suffisamment fortes, joué leur partition par anticipation afin d’éviter appelés au secours lorsque la maison Bénin sera en crise. Car ici, les anciens Présidents risqueraient de ne pas être suffisamment neutres à l’occasion des élections générales, pour servir de sapeurs-pompiers et médiateurs.
Angéla IDOSSOU
Les huit recommandations de la Conférence épiscopale du Bénin (Ceb)Ayant encore à l’esprit les événements douloureux qui ont émaillé les dernières consultations électorales dans notre pays et soucieux d’éviter de pareils événements en 2026, la CEB, préoccupée par la nécessité de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour renforcer la démocratie, la cohésion nationale et le vivre ensemble, formule huit principale recommandations pour la préservation du vivre ensemble et de la paix sociale en période pré et post-électorale.
1- La CEB invite les autorités traditionnelles à continuer à jouer leur partition pour le maintien de la paix, le consensus et le vivre ensemble, afin d’anticiper sur les éventuels risques de conflits pré ou post-électoraux susceptibles de perturber la quiétude des Béninois et des Béninoises ainsi que celle de tous les étrangers vivant parmi nous ;
2- La CEB invite le chef de l’Etat à renforcer le dialogue et la concertation avec toutes les parties-prenantes au processus électoral en vue de solutions consensuelles aux diverses préoccupations découlant de l’analyse scientifique du code électoral du Bénin par les divers experts qui se sont succédés lors du colloque et à œuvrer en amont et en aval à la résolution des problèmes liés au code électoral pour la tenue d’un dialogue national en vue de la réconciliation et du rassemblement de tous les fils et filles du Bénin ;
3- La CEB invite le gouvernement et l’assemblée nationale à œuvrer à une relecture consensuelle du code électoral dans un esprit de vérité et dans l’intérêt supérieur de la Nation en faisant attention :à l’impact que son application peut avoir sur les résultats des législatives de 2026. En effet, si avec 10% de seuil au niveau national, seuls, trois partis ont pu entrer au parlement, que pourrait-on attendre de l’application du seuil de 20%, non plus au niveau national, mais par circonscription électorale ?
-aux éventualités possibles qui pourraient survenir à l’issue des élections de 2026 et à leurs conséquences pour la gestion pacifique du pouvoir. Aucune des éventualités possibles à l’examen de la situation n’est rassurante pour la Nation ni pour aucun des partis politiques ;
– aux dispositions et principes dans la loi, dont la mise en œuvre peut être sources de problèmes en 2026.
4-La CEB invite le gouvernement et tous les acteurs politiques à prendre en compte le fait que la paix sociale que favorisera la relecture du code électoral repose également sur le dialogue, facteur de réconciliation, de pardon mutuel et de rassemblement de toutes les parties pour le bien-être de tous ;
5-La CEB invite les partis politiques toutes tendances confondues, à faire preuve de flexibilité dans leurs diverses prises de position en tenant compte du peuple béninois qui n’aspire qu’à la paix et au développement dans les circonstances actuelles ;
6- La CEB invite l’ensemble des acteurs politiques, la société civile et les faiseurs d’opinion à promouvoir avec l’Etat, des relations et des projets qui respectent les aspirations du peuple béninois à un code électoral et à des mesures garantissant la paix sociale et l’organisation d’élections réellement inclusives, transparentes et démocratiques en 2026 ;
7- La CEB invite toutes les parties-prenantes à mettre en place, et dans un partenariat des autorités morales avec l’Etat, un Conseil National pour le Vivre Ensemble et la Paix qui soit un organe de veille citoyenne et morale pour le vivre ensemble national, un creuset d’échanges, de partage et de propositions sur toutes les questions devant garantir la paix sociale, gage d’un ordre politique et de développement au profit de tous ;
8- La CEB invite le peuple béninois :à promouvoir, à travers des comportements et des prises de position, la culture de la vérité, de la réconciliation, du pardon mutuel et de la paix pour des élections inclusives et paisibles en 2026 ;
-à partager avec leurs représentants au parlement, et leurs élus locaux, les conclusions du Colloque ;à prier et à jeûner dans un esprit de crainte de Dieu et de conversion, qui favorise le changement des mentalités et des pratiques, afin que Dieu continue de bénir et de protéger notre pays le Bénin, pour le conduire, à travers la relecture du code électoral, à des élections inclusives, pacifiques, crédibles en 2026 et au-delà.