Le constat est patent depuis plus de deux ans déjà. Au cours primaire, les écoles ne donnent plus le rang des élèves à l’issue de chaque composition comme c’était le cas jadis. Dans certaines classes des collèges publics, la nouvelle donne s’observe également. Si, des raisons sont évoquées par ci, par-là, pour l’expliquer, elles laissent néanmoins et parents-d’élèves et observateurs pantois…

Plus de classement pour les élèves au cours primaire après les évaluations. C’est à cette réalité que les parents-d’élèves sont confrontés désormais. Dans les bulletins, dorénavant, il est marqué la moyenne la plus forte et celle la plus faible de la classe. A la moyenne de l’élève lui-même, sont associées des images que l’enseignant entoure selon qu’il s’agisse si l’élève a un niveau passable, bien, excellent, s’il a atteint le seuil, etc. En matière de rang qui permet aux parents de connaître réellement le niveau de leur enfant, nada. Et, des raisons ne manquent pas.

Amandine C. est institutrice dans une école privée à Cotonou. A l’entendre, cette décision est soutenue par le fait que de plus en plus, dans les écoles, il y a des enfants sorciers. Ces derniers, selon son récit, exemple à l’appui, n’hésitent pas à nuire à leurs camarades qu’ils jugent plus intelligents qu’eux. Deuxio, il ressort de nos investigations que faire le classement à l’issue de chaque composition, constitue un travail très contraignant pour les enseignants. Par ailleurs, et tertio donc, les parents ne tiennent pas grand compte de la moyenne de leur enfant mais plutôt de son rang et quand le rang n’est ce qu’ils veulent, l’enfant est battu. Parer au phénomène de la déscolarisation, est un point de vue que partage avec nous E.O parent d’élève.

« Cette réforme vient mettre fin à la déscolarisation. Elle permet à ceux qui occupent les dernières places et qui sont souvent doigtés, de ne plus être mis en lumière et ainsi, ils pourront continuer leur cursus sans avoir à affronter des regards gênants », fait-il savoir. « Moi, je le faisais jusqu’à l’année dernière (année scolaire 2022-2023 Ndlr) mais cette rentrée (2023-2024 Ndlr), j’ai laissé. On n’a pas à comparer l’élève à quelqu’un. Qu’il se compare à lui-même pour savoir s’il est mieux aujourd’hui qu’hier », laisse entendre, justifiant la décision, un Directeur d’école des plus investies à Abomey-Calavi.

L’approche par compétence, la cause ?

Toutes les recherches pour remonter à cette décision sont restées infructueuses. Pour d’aucuns, elle émane des Conseillers pédagogiques et pour d’autres du gouvernement. Seulement, la seule décision dans ce sens qui vient du gouvernement est celle prise en Conseil des ministres, mercredi 19 juillet 2023, et qui met un terme au classement par département. Car, pour le gouvernement, le classement des départements par ordre de mérite lors de la publication des résultats aux différents examens nationaux (CEP, BEPC, BAC) n’est « pas pertinent ».

« En effet, s’il peut être utile de faire des comparaisons pour susciter une saine émulation mais aussi analyser les données année après année en tenant compte des contextes spécifiques et des dynamiques locales, les disparités qui s’observent encore dans les conditions d’apprentissage d’un département à l’autre, faussent l’objectivité d’une telle démarche. Celle-ci génère par ailleurs des déviances de la part de certains acteurs de l’éducation soucieux d’améliorer coûte que coûte leur classement et il conviendrait d’y mettre fin », avait argumenté le Conseil des ministres.

Sur le sujet, Salimane Karimou, ministre des Enseignements maternel et primaire pour justifier la décision du gouvernement a fait recours à l’approche par compétence. Dans l’approche par compétence fera-t-il savoir, ce qui est privilégié, c’est de savoir si l’enfant a pu développer une telle compétence et s’il a atteint un tel niveau. Continuant, l’autorité ministérielle a affirmé que deux élèves d’une même localité, d’une même classe, ne vivent pas les mêmes réalités, ils ne vivent pas dans les mêmes conditions. Pour cela, comparer leur performance scolaire serait faire fausse route. « L’enfant qui vient à l’école et n’a pas mangé et l’autre à côté le ventre plein, ils vont assimiler de la même manière ? Et vous voulez comparer les deux après une évaluation. Est-ce que votre comparaison est juste ? Elle est fausse », soutient le ministre selon ses propos rapportés par le média en ligne, Banouto.

Vouloir à la fois tout et son contraire

A quoi sert-il alors de célébrer les premiers de chaque examen, du Cep au BAC, si dès la base, on n’amène pas l’enfant à cultiver l’excellence ?  Se lève-t-on un beau matin pour vouloir être premier ? La culture de l’excellence est un long processus et si dès les premiers jours de l’enfant à l’école, on ne le met pas dans le bain, on pèche contre celui-ci. Imaginons simplement qu’un parent dise à son enfant, si tu travailles, si tu fais partie des meilleurs, le président de la République va te recevoir ; imaginons comment cet enfant sera stimulé ! Pourquoi vouloir le priver de cet esprit de conquérant ? Et puis, cette décision n’est-elle finalement pas contraire à l’esprit d’un pays qui a été Quartier Latin de l’Afrique et qui aspire à l’être de nouveau ? Ainsi, si nous en sommes arrivés à ne plus vouloir donner les rangs même en classe à cause de l’approche par compétence, il faut, selon des observateurs, réfléchir sur ce cadeau des USA et pouvoir l’adapter à nos réalités. On ne peut pas vouloir à la fois tout et son contraire.

Epiphane Kouassi Kassa, premier au Baccalauréat, session de juin 2024 avec une moyenne record de 19,04 sur un total de 20, l’est-il devenu ex-nihilo ? Mieux, quand on brandit l’argument selon lequel, l’enfant qui vient à l’école et n’a pas mangé et l’autre à côté le ventre plein, ne vont pas assimiler de la même manière et que pour cela comparer les deux après une évaluation est biaisé, Gracia Akpedjé Christelle Eprylène Sohoudji, reste la preuve que c’est plutôt l’argumentaire qui n’a pas sa raison d’être. On peut venir à l’école le ventre vide et exceller. 1ère du Bénin au Bac G2 2024 avec une moyenne de 18,15, elle avoue avoir étudié avec la torche, dans des conditions de précarité, selon son récit rapporté par le journal, Le Révélateur. Aussi, année après année, les 1ers aux différents examens, aux soirs des résultats ne sont pas généralement, en tout cas au Bénin, des enfants de présidents, de ministres, de députés, etc. Bref ceux qui côtoient la lune.

 « Ma fille, élève au CI, après leur première composition, était 5ème de sa classe. Quand elle est rentrée à la maison avec son bulletin, elle m’a demandé : maman j’ai travaillé ? J’ai dit oui, et tu es cinquième. Elle s’est mise à pleurer accusant sa maîtresse d’avoir mal corrigé ses copies. C’est moi la première disait-elle en pleurant toujours. Et à moi de lui répondre : si tu veux être première, redouble d’effort au travail. Je vous jure que de la deuxième composition jusqu’à la composition de passage, elle est restée la première de sa classe », confie Gloria N, parent d’élève, surprise en train d’échanger avec un directeur d’école à propos de la nouvelle donne qui interdit désormais de donner le rang des élèves après les évaluations.

Il est vrai, le CEP ne garantit plus aujourd’hui l’accès à la fonction publique, à une bourse d’étude ; il est aussi vrai qu’avec l’approche par compétence, ce qui est privilégié, c’est de savoir si l’enfant a pu développer une telle compétence et s’il a atteint un tel niveau ; oui c’est un secret de polichinelle que la sorcellerie existe. Mais, tout ceci ne justifie pas le fait qu’on veuille jeter le bébé avec l’eau du bain. Ça reste un plaisir de se revoir après les études et de s’écrier : Nous étions de grands travailleurs, les meilleurs de notre génération. Il faut permettre à chaque enfant de vivre son rêve…Espérons, alors qu’elles sont calmement au repos, que tout ceci fasse réfléchir les autorités à divers niveaux.

Cyrience Fifonsi KOUGNANDE

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