L’aube du 1er août 2024 se lève sur un Bénin, sexagénaire depuis quatre ans. Au 64ème anniversaire de son émancipation du joug colonial, cette date, gravée dans le marbre de son histoire, rappelle une ère charnière où les pays du continent africain, dans un élan collectif, se sont dressés les uns après les autres pour revendiquer leur place sur l’échiquier mondial.
Alors que la fanfare de l’indépendance résonne encore dans les mémoires, elle leur renvoie en écho une question grave : que reste-t-il des promesses d’autodétermination, six décennies après leur proclamation ?
La vérité qui ne résiste à aucun diagnostic politique, économique et sociétal est amère. L’indépendance, ce rêve vendu à des millions d’applaudisseurs par un faux père Noël et ses valets locaux, s’est muée en un mirage sans horizon final, une chimère poursuivie mais jamais atteinte. Des anciennes métropoles aux nouveaux titans économiques, les albatros ont plané pendant des décennies et tissé leur toile d’influence sur l’Afrique, avec la complicité de nos dirigeants, marionnettes dociles du théâtre géopolitique planétaire qui s’ignorent. Nos terres, riches de promesses et de ressources, sont encore aujourd’hui autant qu’hier, l’objet de convoitises étrangères, tandis que des querelles fratricides maintiennent nos nations dans un état de fragmentation perpétuelle.
Face à ce tableau aux teintes crépusculaires, on serait tenté de céder au désespoir et de se laisser submerger par les flots tumultueux d’un pessimisme ravageur si on est sourd aux sirènes et aveugle aux couleurs des temps nouveaux. Telle une flamme inextinguible dans la nuit de nos désillusions, une lueur d’espoir pointe à l’horizon, portée par une jeunesse africaine dont l’ardeur et la créativité défient toute adversité. Cette génération nouvelle, héritière d’un passé lourd mais endurcie par les leçons tirées de l’histoire, refuse de courber l’échine devant les vicissitudes du monde moderne. Elle se dresse et se décomplexe à pas certes lents, mais prometteurs d’une Afrique plus ambitieuse et à jamais régénérée.
Observez ces artistes qui, par leurs œuvres audacieuses, réinventent notre identité culturelle et portent haut les couleurs de l’Afrique sur la scène internationale. Écoutez la voix puissante de nos musiciens, dont les mélodies transcendent les frontières et touchent les cœurs bien au-delà de notre continent. Admirez nos sportifs d’exception, véritables ambassadeurs de l’excellence africaine qui, par leurs exploits, inspirent toute une génération à repousser ses limites. Saluez l’ingéniosité de nos entrepreneurs qui transforment les défis en opportunités, créant des solutions innovantes adaptées à nos réalités locales tout en conquérant les marchés mondiaux. Ces pionniers d’un nouveau genre, qu’ils soient cinéastes visionnaires, stylistes avant-gardistes, ou champions olympiques, incarnent l’esprit d’une Afrique résolument tournée vers l’avenir, fière de ses racines et confiante en ses capacités.
Croyons en ces bâtisseurs d’un avenir décolonisé qui puisent leur force dans le terreau fertile de notre patrimoine culturel millénaire, tout en embrassant avec ferveur les promesses de l’innovation. Par-delà les frontières artificielles héritées d’un passé colonial, ils tissent des liens, édifient des ponts, et font front commun face aux défis titanesques qui se dressent sur notre route.
L’heure n’est plus aux commémorations stériles d’une indépendance fantôme, aux célébrations creuses d’une souveraineté factice. Le temps est venu de transmuter ces concepts éthérés en une réalité tangible, palpable, qui imprègne chaque fibre de nos sociétés. Cette métamorphose ne saurait s’accomplir sans une prise de conscience collective, sans un sursaut citoyen qui transcende les clivages et ravive la flamme d’une vraie solidarité à l’échelle du continent, définitivement affranchie des discours panafricanistes ambiants, mais si improductifs.
64 ans après les premières lueurs de notre émancipation, sans manquer de respect à nos illustres aînés et afin de mériter celui des générations montantes, gageons que le véritable combat pour l’indépendance ne fait que s’amorcer. C’est à nous, héritiers de cette histoire tumultueuse, qu’incombe la tâche d’en écrire les prochains chapitres. Armons-nous de lucidité pour décrypter les enjeux complexes de notre époque, mais gardons chevillée au corps cette audace, cette énergie incandescente qui anime ceux qui refusent de renoncer à leurs rêves les plus ambitieux.
Car c’est dans cette alchimie entre conscience aiguë du réel et foi inébranlable en nos potentialités que réside la clé de notre renaissance. L’Afrique de demain, celle que nous appelons de nos vœux, ne sera pas un cadeau offert sur un plateau d’argent, mais le fruit mûr de nos efforts conjugués, de notre détermination à transmuter les épreuves en opportunités, les obstacles en tremplins vers notre grandeur retrouvée.
Jerry Sinclair
