Il est majestueusement installé le long des artères. Le drapeau du Bénin, en cette veille des festivités de l’accession du Bénin à la souveraineté nationale et internationale, annonce la couleur. Et tout comme lui, l’hymne national va revêtir tout son sens. Ne serait-ce qu’en un jour…

Loin d’un simple tissu, bien plus que de simples couleurs dont les petits enfants de la maternelle se servent pour apprendre le coloriage, la densité du drapeau du Bénin est telle qu’en ce temps de commémoration, on ne peut le dépasser comme si de rien n’était. Si chaque 1er août, il reçoit son bain d’honneur, c’est ce qu’il devient les jours et mois suivants qui préoccupe. Rangé dans les tiroirs, abandonné aux intempéries ; dans des administrations, les cérémonies de montée et de descente des couleurs ne revêtent plus d’importance ; du lundi au lundi dans des structures, on peut voir le drapeau attaché au piquet tel un objet décoratif ; dans certaines écoles, le tissu est si vieillot qu’on n’arrive même plus à distinguer les couleurs.

Et tout comme lui, le chant qui l’accompagne est caractérisé par un désintérêt flagrant. S’il faut juste un jour de l’an pour donner à ce drapeau et à son hymne tout leur intérêt, le citoyen béninois passe à côté de son histoire. Et c’est alors qu’on peut voir un individu qui, pour un ci ou un ça, brûle le drapeau de son pays pour exprimer son mécontentement. Nous avons nous-mêmes, choisi un tissu et des couleurs à qui nous avons donné un nom, un esprit ; le tout accompagné d’une louange que caractérise l’hymne national. Et, nous profanons encore nous-mêmes ce que nous avons rendu sacré.

Du drapeau du Bénin à son hymne, « le peuple béninois concerné en est devenu insensible et n’appréhende plus les vertus que renferme ce crédo », fait observer Reine Houssou dans son fascicule consacré à l’hymne national. L’Aube nouvelle est chantée parce qu’il faut juste la chanter. Pourtant une adoration qui ne vient pas du fond de soi, n’en est plus une, en réalité.

Un constat d’échec

En juin 2016, alors qu’il se confiait à votre quotidien, feu Félix Iroko, jadis professeur d’histoire à l’Université d’Abomey-Calavi (Uac), a affirmé que l’hymne national est un patrimoine à sauvegarder. A l’entendre, l’Aube nouvelle renferme assez de valeurs. Tels le patriotisme, l’amour du travail, le don de soi, etc. Selon son propos, ces valeurs s’effritent. La raison, pour lui, est due à la politique. Beaucoup de citoyens, confie-t-il, se départissent de ces valeurs parce qu’elles sont à l’antipode de la politique. Félix Iroko va toutefois insister sur la densité culturelle et historique de l’hymne national. Aux dires du professeur, le gouvernement n’accorde plus d’importance à l’éducation civique ; les adultes, eux, n’incarnent plus les valeurs contenues dans l’hymne. Du coup, conclut-il, ils ne sont plus des exemples pour la jeune génération. Un constat d’échec qui explique la décrépitude des mœurs.

Dans son ouvrage « Enfants du Bénin, debout ! (Hymne national commenté) », Père Rodrigue Gbédjinou, parlant du texte de feu Abbé Gilbert Dagnon, à la page 79 affirme ceci : « Regarder le drapeau, c’est s’engager à faire la fierté du Bénin, en le portant, par nos attitudes, nos habitudes et nos aptitudes, comme une marque déposée ». Par ailleurs, pour lui, « L’Aube nouvelle est alors un document ou un instrument de travail, un chantier ouvert, un programme à explorer, un projet du présent et de l’avenir… Elle a le pouvoir de nous réveiller et de nous ressusciter comme peuple si nous savons en dégager toute la charge mystique, en ne l’exécutant pas seulement de manière machinale, mais surtout en comprenant de l’intérieur, en l’intériorisant et en nous l’appropriant » (pages 20-21).

Faire donc du drapeau et de son hymne une boussole pour tout citoyen béninois reste un défi. Savoir qu’un Béninois eu égard à la signification des couleurs « Dans le vert, tu liras l’espoir du renouveau ; de tes aïeux le rouge évoque le courage ; des plus riches trésors, le jaune est le présage. », de son drapeau doit refléter le courage, l’espoir… Loin donc du désespoir, des suicides, des dépressions. Et ça, Pascal Irénée Koupaki, a semblé l’avoir compris. En tout cas, on y a cru jusqu’à en être désillusionné. Candidat à l’élection présidentielle de 2016, il a fait de l’hymne national son chou gras au cours de sa campagne. L’Aube nouvelle fut son texte de base dans la conception de sa politique du renouveau des valeurs : la Nouvelle conscience. Mais depuis, plus rien. Qu’à cela ne tienne, le vrai patriotisme devrait, nous pensons, prendre sa source de l’hymne national d’un pays, du respect de son drapeau. Et un seul jour, le seul 1er août ne saurait suffire à bâtir un patriote.

Cyrience Fifonsi KOUGNANDE

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