PARTI COMMUNISTE DU BENIN (PCB)

DECLARATION

DEBATS SUR LA PRESENCE DE BASES MILITAIRES ETRANGERES AU BENIN :

QUE COMPRENDRE ?

Depuis les dernières déclarations du Président Patrice Talon concernant l’exportation du pétrole nigérien par le port de SEME-KPODJI et la réplique du premier ministre nigérien, un débat passionné s’est ouvert dans le pays sur la présence ou non de troupes militaires étrangères dans notre pays. On entend tout et son contraire. Des gens qui ont dit A hier disent B aujourd’hui. Des anathèmes sont jetés de part et d’autre. Dans cette confusion générale qu’entretiennent le pouvoir, ses maîtres et ses zélateurs, il est important de prendre les problèmes à la racine. Pour cela, il faut se poser la question de savoir comment se pose le problème des bases étrangères dans notre pays pour démêler le vrai du faux et remettre chacun à sa vraie place.

1) C’est bien avant la colonisation que la France a installé à Cotonou, une base militaire qui servira à la lutte contre le roi BEHANZIN. Cette base sera maintenue après la colonisation comme cela a été le cas dans toutes les colonies françaises. Après les indépendances de 1960, la France maintiendra des bases dans toutes ses anciennes colonies au sud du Sahara sauf dans des pays comme la Guinée et le Mali. Ces bases permanentes sont encore présentes aujourd’hui dans certains pays comme le Sénégal, la Côte-d’Ivoire, le Gabon et Djibouti.

2) En octobre 1963, une révolution populaire renverse le Président Maga. Le Gouvernement français, surpris par les évènements, tente de fragiliser le nouveau pouvoir en s’appuyant sur le Gouvernement du Niger dirigé par le Président Hamani Diori qui provoque un conflit frontalier autour de l’île de l’Eté ; tout cela dans le but de rétablir le pouvoir d’Hubert Maga. Des milliers de Béninois seront expulsés du Niger pour compliquer la tâche du nouveau gouvernement Béninois. En février 1964, de jeunes militaires Gabonais renversent par la force le Président Léon M’BA. Le général de Gaule demande à l’armée française présente au Gabon d’intervenir pour rétablir son protégé dans ses fonctions ; ce qui fut fait. Cette immixtion flagrante dans les affaires intérieures du Gabon provoqua une indignation générale en Afrique et au Dahomey d’alors en particulier. Le Président AHOMADEGBE qui n’avait déjà pas apprécié le comportement de l’armée française pendant le renversement de MAGA, ordonna en tant que Chef du Gouvernement chargé de la Défense et de la sécurité intérieure, aux troupes françaises présentes au Dahomey, de plier bagages. Il mit ainsi fin à la présence de la base militaire française dans notre pays.

3)     En mettant fin à l’existence de la base militaire française, le Président AHOMADEGBE n’avait pas rompu les accords militaires avec la France. C’est ainsi que depuis, il y a toujours eu des conseillers militaires français dans les ministères, la Présidence et des instructeurs militaires français dans notre pays sans que quelqu’un parle de bases militaires.

4)  En décembre 1991 le Premier ministre du Togo assiégé par les troupes d’Eyadema demanda à la France de venir à son secours. Celle-ci envoya 300 militaires à Cotonou pour aller à son secours. Une fois les soldats arrivés à Cotonou : le ministre français des affaires étrangères de France déclare : « Les 300 soldats qui ont débarqué à Cotonou le 2 décembre, ont pour seule mission la protection des locaux de l’ambassade de France à Lomé. »  Trois mois après leur arrivée, l’armée française a commencé à se croire en terrain conquis à Cotonou et s’est déclarée en prépositionnement. Le Parti Communiste du Bénin a sorti, en février 1992, un document pour demander leur départ immédiat. Ce document qui indiquait que la terre de Béhanzin et de Bio Guerra ne servira pas de refuge aux soldats du Colonel Dodds, eut un grand retentissement dans le pays et souleva notre peuple d’indignation. Les soldats français durent plier bagages.

5) Depuis là, ni sous le Président Nicéphore SOGLO, sous KEREKOU 2 et 3, sous BONI YAYI, personne n’a plus jamais parlé de présence de bases françaises dans notre pays. Tout le monde sachant faire la différence entre instructeurs militaires et bases militaires. Le problème a commencé à se poser le 17 février 2022 où tout le monde a été surpris de constater la présence du Président Talon à la réunion de l’Elysée aux côtés de Macron, BAZOUM et où il s’agissait de définir les nouvelles destinations de Barkhane après son renvoi du Mali.

6) Après cette réunion, le PCB a publié le 22 février 2022 un communiqué dans lequel on pouvait lire : « Quelques jours plus tard, des faits et actes posés par le Président Talon attestent qu’il a livré notre pays à la France coloniale pour le retour des troupes de Dodds pour une recolonisation de notre patrie. En effet, Talon a participé au sommet de l’Elysée pendant lequel le chef de l’impérialisme français, le Président Macron a annoncé officiellement le départ des troupes françaises et européennes du Mali et leur redéploiement au Niger, au Burkina Faso et dans les pays du Golfe de Guinée. Le Communiqué publié à ce sujet le 17 février avant le sommet Europe-Afrique et qui mentionne qu’il s’agit de pays demandeurs a été signé par Talon pour la République du Bénin. Depuis lors, toutes les chaines et médias français citent à l’envie le Bénin comme territoire d’accueil des troupes d’occupation françaises dans la lutte soi-disant contre le terrorisme dont il serait également victime. » Tout le premier semestre de l’année 2022, tout le monde scrutait la destination finale de Barkhane. Le bruit courait que des militaires de Barkhane étaient au Bénin. C’est alors que l’ambassadeur de France au Bénin intervint le 14 juillet 2022 pour dire : « Il n’y a pas de base française au Bénin et il n’est pas prévu qu’il y en ait. Les militaires français que vous pouvez occasionnellement croiser, avec leurs camarades béninois, sont à l’exception d’une poignée de coopérants, de passage, soit pour assurer des formations, soit pour organiser les flux logistiques de l’opération Barkhane que les autorités béninoises facilitent. »

7)  C’est alors que le 6 octobre 2022, dans une Adresse solennelle à Patrice Talon, le PCB déclare : «  De nos investigations, à propos de la présence des forces françaises au Bénin, il nous est revenu que les troupes françaises Barkhane se trouvent bel et bien au Bénin dans le département de l’Alibori ; plus précisément à Kandi, chef-lieu de ce département ; c’est dans l’enceinte du camp militaire de Kandi. Le camp est situé dans le 2ème Arrondissement de la ville. Le domaine actuellement occupé par les Français fait partie du domaine du camp militaire auparavant occupé par les infrastructures des militaires béninois. Ce domaine n’était pas clôturé sur les côtés Sud-Nord-Est ; c’est seulement sur le côté Ouest qu’un pan de mur a été élevé. C’est de façon précipitée qu’un mur a été élevé sur le côté Nord et ceci à l’annonce du débarquement des forces françaises. Ce côté fait bordure avec une voie très fréquentée par les populations. Elle conduit à Ségbana. A l’intérieur du camp militaire, un espace a été clôturé en matériaux définitifs et tout le long de la clôture de fils barbelés. Dans l’enceinte de cette clôture, une trentaine de tentes a été installée. Elles servent de dortoirs, de réfectoires, de cuisines aux occupants français. On note aussi l’installation d’un centre émetteur pouvant servir de radio. Les militaires béninois sont interdits d’accès à ce camp français. Une guérite a été ouverte du côté Nord de la clôture rien qu’à l’usage des militaires français. Les pistes d’atterrissage de l’aérodrome de Kandi ont été aménagées par les militaires français. Des avions militaires atterrissent régulièrement sur cet aérodrome avec des matériels des militaires à convoyer dans le camp des forces armées françaises. Un aérodrome construit dans le Parc W servirait également de piste d’atterrissage des avions militaires français. Une autre partie des militaires français serait basée en permanence dans le Parc… Des manœuvres militaires françaises se déroulent régulièrement à la sortie Est de Kandi après le quartier appelé « Kandi-Fort ». Elles se font entre 00h et 04 heures du matin ; d’autres dans la journée. Elles se traduisent par le survol à basse altitude du territoire de Kandi par des avions militaires français.

Selon les mêmes informations recueillies, des convois de véhicules militaires français sont aperçus transportant des djihadistes vers un camp d’entrainement. Autrement dit, ce seraient les Français qui entraîneraient les djihadistes pour perpétrer des attaques mortelles et meurtrières contre nos braves soldats et populations. »

8) C’est à partir de là que la polémique a enflé dans le pays. Le porte-parole du gouvernement déclare qu’il y a : « plutôt sur l’ensemble du territoire béninois des points avancés fortifiés et de petits camps militaires destinés à sécuriser le pays et à lutter contre le terrorisme. » Et il ajoute qu’il n’y a que des instructeurs français et non des bases militaires. Le 14 juillet 2023, l’Ambassadeur de France au Bénin revient à la charge et déclare sur BIP Radio : « la France et le Bénin font face à un même ennemi : le terrorisme, le djihadisme. Il y a donc une coopération entre les deux pays pour contrer la menace… Ce sont des groupes de 3 à 12 qui restent juste durant 15 jours, qui font une formation, un entrainement avec leurs camarades béninois dans tel ou tel domaine. Ces formations peuvent être des formations qu’on appelle les Ecoles nationales à vocation régionale. …une quarantaine de Français a séjourné en 2022 à TANGUIETA mais il n’y a pas de base militaire française au nord du Bénin. Des militaires français ont également entraîné des soldats béninois à Kandi face à la lutte contre la menace djihadiste ».

9) Ce que tous ces démentis et ces déclarations suggèrent, c’est que tout ce que le Gouvernement du Bénin et l’ambassadeur disent, rentrent bien dans la nouvelle conception de ce que doivent devenir les bases françaises en Afrique selon la nouvelle doctrine de la France. En effet, Emmanuel Macron déclare le 27 février 2023 à la veille d’un voyage en Afrique : « Au fond, la logique, c’est que notre modèle ne doit plus être celui de bases militaires telles qu’elles existent aujourd’hui. Demain, notre présence s’inscrira au sein de bases, d’écoles, d’académies qui seront cogérées, fonctionnant avec des effectifs français qui demeureront, mais à des niveaux moindres et des effectifs africains qui pourront aussi accueillir, si nos partenaires africains le souhaitent et à leurs conditions, d’autres partenaires. Conformément aux échanges que j’ai eus ces dernières semaines avec mes homologues, cette transformation débutera dans les prochains mois sur le principe même de la co-construction, avec une diminution visible de nos effectifs et, de manière concomitante, une montée en puissance de la présence dans ces bases de nos partenaires africains. » Voilà qui est clair. Les bases ancien style, bases militaires entendues comme déclare le Porte-parole du Gouvernement, « un ensemble d’équipements modernes impressionnants et qui devraient être aussi installés » c’est terminé. Et le Président Emmanuel Macron de déclarer publiquement devant les ambassadeurs de France le 28 août 2023 : « Et dans le cadre de la loi de programmation militaire, le ministre et le CEMA (le Chef d’Etat-Major des Armées) ont proposé un schéma totalement différent sur lequel nous allons aller encore plus loin. Il est indispensable de poursuivre ce chemin avec là aussi de nouveaux partenaires : le Bénin, pour n’en citer qu’un dans la région du Golfe de Guinée, le Kenya avec lequel aussi nous bâtissons de nouvelles opérations régionales et en nous appuyant sur des forces régionales permettant d’assurer la sécurité. »  Le problème c’est que les peuples africains ne veulent plus de bases étrangères sur leur sol, qu’elles soient ancien ou nouveau style. Ce sont ces bases nouveau style que le chef d’Etat-Major des Armées françaises, Thierry Burkhard est venu dans notre pays visiter les 8- 9 décembre 2023 pour, selon RFI « parler de la coopération militaire entre les deux pays … Le pays pourrait-il être le prochain point de chute de l’ex-mission Barkhane ? » insinue la même source -RFI.. Personne ne peut croire, en tout cas, que cet important personnage soit venu au Bénin si ce n’est pour régler de grands problèmes. Lui-même ne démentira pas l’existence de base militaire française (opérationnelle) au Bénin, en insistant sur le fait qu’il n’y a pas de base permanente comme en Côte-d’Ivoire, Sénégal ou Gabon.

10)  On en était là quand, dans un article en date du 3 janvier 2024, le Wall Street Journal indique que les Etats-Unis négocient avec trois pays, la Côte-d’Ivoire, le Ghana et le Bénin en vue d’implanter des bases de drones militaires dans ces pays. Cette installation aurait pour objectifs, de : « contrer les groupes djihadistes et les influences de la Chine en Afrique de l’Ouest ». Et l’article d’ajouter : « Ces pays, bien que relativement stables et prospères, font face aux risques de retombées de la présence de groupes djihadistes dans la région du Sahel, notamment au Mali, au Burkina Faso et au Niger ». Le 16 mars 2024, le CNSP (Gouvernement de Transition du Niger) dénonce l’accord d’installation des troupes américaines au Niger. Et on voit les Américains commencer à faire la cour à Patrice Talon pour s’installer chez nous et ceci avec la visite de Michael Langley, le chef du commandement militaire américain pour l’Afrique (Africom).

11) Quand après le renversement de BAZOUM, la France a voulu intervenir au Niger par CEDEAO interposée, tout le monde a vu le zèle déployé par Patrice Talon face au profil bas qu’observaient beaucoup d’autres Chefs d’Etat de la région. Or tout le monde connait les liens séculaires qui unissent nos deux pays et surtout l’imbrication de l’économie de nos deux pays. Dès la prise des décisions de la CEDEAO, c’est Patrice Talon qui s’est mis en avant pour menacer le Niger et décréter la fermeture de notre frontière. Au Nigéria, le Parlement s’est réuni et a émis son véto à l’intervention. Tous les gouverneurs des Etats frontaliers du Nigéria avec le Niger se sont opposés à la guerre. Tous les anciens présidents vivants étaient contre la guerre. Très vite, le Nigéria qui est la plus grande puissance militaire de la région, apparaissait comme le ventre mou de l’opération. La France ne pouvait donc que compter sur Patrice Talon pour réussir son opération. Au Bénin, si tout le peuple béninois était contre cette aventure, aucune institution n’a osé s’opposer à Patrice Talon. Le Président de l’Assemblée Nationale, Louis VLAVONOU a poussé l’obéissance servile jusqu’à déclarer que le Président n’a pas besoin de l’avis de l’Assemblée pour faire la guerre au Niger. L’intervention militaire devenant de plus en plus impossible, la CEDEAO a dû reculer en abandonnant ces menaces d’interventions. Or tout le monde a entendu un responsable des services secrets français déclarer que maintenant qu’ils ont quitté le Sahel, ils ont le loisir d’organiser des actions clandestines contre ces pays.

12) N’est-il pas normal dans ces conditions que les autorités du Niger rechignent à ouvrir leur frontière avec le Bénin. Comme le déclarait récemment l’Alliance pour la Patrie : « – De l’Existence ou non de bases militaires françaises au Bénin. L’Alliance Pour la Patrie (APP) à maintes reprises, a soutenu l’existence de bases militaires françaises au Bénin ; bases militaires entendues non point, comme déclare le Porte-parole du Gouvernement, « un ensemble d’équipements modernes impressionnants et qui devraient être aussi installés » mais comme des points d’appuis et d’entraînements opérationnels de militaires français dans des campements de notre pays. Autrement dit, des points de regroupement des militaires français sur notre sol pour des opérations diverses. La déclaration du Porte-parole du Gouvernement de notre pays reconnaissant qu’il y a « plutôt sur l’ensemble du territoire béninois des points avancés fortifiés et de petits camps militaires destinés à sécuriser le pays et à lutter contre le terrorisme » signifie-elle autre chose que ce que nous avançons ? Car en effet, ces « petits camps militaires destinés à sécuriser le pays et à lutter contre le terrorisme » sont encadrés par quels instructeurs ?

13)   Tout le flou entretenu sur cette question n’aurait pas droit de cité si nous avions un vrai Parlement qui avait obligé le Gouvernement de Patrice Talon à publier l’accord du 17 février 2022 à l’Elysée avec Emmanuel Macron et qui sert de base à l’installation de troupes étrangères dans notre pays. En dehors de la publication de cet accord qu’Emmanuel Macron a déclaré avoir signé avec Patrice Talon, toutes les tentatives d’unir le peuple sur des bases chauvines (contre le Niger, soi-disant « Etranger » !) sont vouées à l’échec. Notre peuple est viscéralement attaché à sa souveraineté et ne veut pas de bases étrangères contre ses propres intérêts et contre ceux des peuples frères surtout celui du Niger.

*Cotonou, le 30mai 2024*

Le Parti Communiste du Bénin

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