En lâchant au cours d’un entretien télévisé que les partis de sa majorité devraient attendre six mois avant 2026 pour se prononcer sur sa succession, Patrice Talon savait que l’opposition déjà en campagne vingt-quatre heures sur vingt-quatre n’est nullement concernée par ce timing.

Ayant fait l’expérience des pré-campagnes et campagnes de 2015-2016 et 2020-2021, il sait mieux que quiconque qu’un candidat sérieux à sa succession n’attendra jamais la dernière minute pour se faire découvrir par le corps électoral. Les velléités de candidature que le chef de l’Etat étouffe avec la plus grande fermeté dans son entourage prouvent bien qu’il est seul à savoir son plan pour 2026. Et l’obligation de passer par les partis politiques semble être un faux prétexte.

Le piège du pouvoir semble se refermer sur le président Patrice Talon. On le dirait même sur les traces de Macky Sall. Sur quoi compte-t-il en effet pour croire à ce point en la capacité des partis de sa majorité à disposer d’un potentiel suffisant pour induire la victoire qu’il espère aux élections générales de 2026, quand on sait que l’Upr a mordu la poussière notamment à Cotonou sous la houlette de son président Joseph Djogbénou face à la liste Ld et que le Br, deuxième plus grand parti de la mouvance, a fait jeu égal avec ce parti d’opposition en enlevant 28 sièges comme lui ? Les réformes politiques ont-elles finalement réussi à résoudre tous les péchés que le diagnostic du système partisan avait décelés sous l’ancienne charte des partis politiques ? Si on peut répondre par l’affirmative pour l’extension de leur envergure nationale, tant au niveau de la majorité présidentielle qu’à celui de l’opposition, à en juger les résultats obtenus aux législatives par les trois formations représentées à l’Assemblée nationale, la réponse serait plutôt négative pour la promotion de la démocratie interne des partis tout comme pour la forte emprise des leaders charismatiques et bailleurs de fonds sur lesdits partis.

Car, si aujourd’hui on peut observer que ni Djogbénou, ni Bio Tchané ne financent respectivement l’Upr et le Br mais en sont devenus des serviteurs servis, il n’en demeure pas moins que sans en être un membre déclaré, le chef de l’Etat en tient les ficelles et le fonctionnement interne d’une main si forte, que rien n’y adviendra qui ne soit à son goût.

Pour ceux qui ont été ses fidèles collaborateurs, soutiens et hommes de main depuis 2016, l’enjeu de 2026 est de réussir sinon à survivre au départ de Patrice Talon du pouvoir, tout au moins à compter et se protéger contre une déferlante broyeuse. Malheureusement, l’homme fort de la Marina n’en donne le droit à aucun, si ce n’est leur indiquer que tout se fera dans le cadre des partis politiques. Ce qui fait bien applaudir ceux qui en ont la gouvernance actuelle par procuration. Or, on se souvient que lorsque l’Upr a publié en 2022 la liste de ses membres dirigeants en faisant figurer les noms de certains ministres du Gouvernement, c’est avec véhémence et force publicité que deux d’entre eux ont décliné ce cadeau qui leur semblait empoisonné.

Les ministres Wadagni et Hounkpatin pour ne pas les citer. Suivant quelle modalité les partis de la majorité désigneront-ils leurs candidats aux élections générales de 2026 en particulier à la présidentielle, si ce n’est par les mêmes procédés déjà connus et usités ? S’il ne reste à Olivier Boko et Johannes Dagnon en compagnie de leurs soutiens respectifs que la seule issue de rejoindre des partis de la majorité présidentielle autres que l’Upr et le Br, la dernière rencontre du chef de l’Etat avec les leaders de Moele-Bénin et de Rn, Jacques Ayadji et Claudine Prudencio ne visait-elle pas à obtenir d’eux l’engagement de ne pas faire de leurs partis, des pistes d’atterrissage de ses collaborateurs déchus de leur droit à s’autodéterminer politiquement ? Dans tous les cas, l’opposition devrait bien se frotter les mains en voyant le chef de l’Etat bientôt président sortant, déployer le plus clair de ses énergies politiques contre ceux-là mêmes qui ont travaillé depuis 2016 à produire le bilan sur lequel il espère encore être porté en triomphe.

Angéla IDOSSOU

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