La période bénie du jeûne musulman de cette année a été particulièrement sanglante au Mali. En plus du manque d’électricité, qui a compliqué les choses à cause de la forte chaleur, le sang des innocents a abondamment coulé. Qu’Allah, le Miséricordieux, puisse accorder son pardon à toutes les victimes de cette folie meurtrière qui a endeuillé le Mali et dont les responsables sont connus de tous.
En effet, tout a commencé avec l’arrestation de l’imam Komani Tanapo par une patrouille des Forces armées maliennes (FAMA) dans le village de Kouin (cercle de Matomo). Cet homme pieux, connu dans la région pour son implication en faveur de la paix, est décédé en prison dans le camp de Bapho, des suites de ses blessures. Plusieurs sources ont indiqué qu’il avait été soumis à 24 heures de torture en continu, perpétrée par les mercenaires russes. Il a subi les actes de barbarie suivants : lacérations dans le dos, application de piment sur ses plaies par les mercenaires, torture par noyade, alors que ses mains étaient liées.
Le 4 mars, ces mêmes mercenaires de Wagner ont tué 3 personnes et les ont décapitées, entre Anchawadj et Telemsi (30 km de Gao), sans aucune raison apparente. Le 14 mars, 10 pêcheurs et agriculteurs ont été abattus par des hommes armés identifiés comme les alliés russes des FAMA près de Kouna, alors qu’ils ne faisaient que travailler. Le 15 mars au matin, des mercenaires russes ont volé de grosses sommes d’argent à plusieurs commerçants du village de Inteydeni (cercle de Tidermene), notamment des bouchers, maraîchers et bergers. Depuis quelques semaines, ils pratiquent le vol d’argent, de matériel et du bétail comme un sport national.
À la mi-mars, entre les localités de Hombori et Douentza, une quinzaine d’enfants ont été tués et plusieurs autres blessés à la suite d’une frappe aérienne de l’armée malienne ciblant une école coranique située dans la région de Gourma. Le 17 mars, plusieurs frappes de drones ont été menées sur les villages d’Amasrakad et de Tabankorte. Le bilan fait état d’une vingtaine de morts, dont une majorité de femmes et d’enfants. Plusieurs dizaines autres ont été également blessées parmi lesquelles se trouvent des cas graves et d’importants dégâts matériels.
Le 30 mars, des patrouilles mixtes FAMA/Wagner ont commis de nouvelles exactions dans le village Diankabou, où vit une grande communauté peule : 18 personnes ont été tuées, et de nombreuses autres ont été arrêtées et emmenées vers une destination inconnue. Les soldats maliens et les mercenaires russes ont également volé le bétail, pillé les commerces, et violé les femmes des villages alentours (Bamguel, Samba, TanAli, Tan Koulle). Le 3 avril, une patrouille de Wagner s’est rendue dans le hameau touareg d’Indjardahane, et a empoisonné la source d’eau du village. L’acte a engendré la mort d’animaux, dont plusieurs chameaux, chèvres et ânes. Les Russes ont également incendié les commerces et les stocks alimentaires. Une nouvelle frappe de drone, menée par l’armée malienne, ciblant plusieurs hameaux à Alhatouch (Nord-Mali) a causé la mort de trois personnes.
Mais une semaine avant, c’est-à-dire le 25 mars, le docteur Etienne Fakaba Sissoko, auteur du livre « Propagande, agitation, harcèlement, la communication gouvernementale pendant la transition au Mali », a été placé en garde à vue à la brigade d’investigation judiciaire de Bamako. Il était déjà connu par les autorités maliennes pour ses propos et projets anti-junte. À cela, il faut ajouter l’arrestation et la détention dans les locaux de l’Agence nationale de la sécurité d’État (ANSE) d’une quinzaine d’étudiants au lendemain de la dissolution de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM).
Tous ces actes ont fait monter la grogne non seulement au sein de la population mais aussi dans certaines unités des FAMA, qui estiment être envoyés en première ligne dans des missions dangereuses sans avoir d’équipement adapté au danger encouru. Ces militaires dénoncent le fait de ne pas avoir assez de matériel ni de soutien logistique, et être systématiquement envoyés dans des zones exposées, comme Sofara ou Farabougou. Pour preuve, le 7 mars, quatre officiers FAMA ont été arrêtés par l’ANSE pour avoir refusé de confier la gestion du site d’orpaillage d’Intaka aux hommes de Wagner. Le général Oumar Diarra, chef d’état-major général de l’armée malienne, a été informé d’un risque de mutinerie dans la garnison de Léré. Les militaires estiment que leurs revendications n’ont pas été prises en compte par la hiérarchie militaire, et veulent en conséquence quitter la localité.
Il est évident que l’arrestation de l’auteur d’un livre qui dérange, des étudiants et des militaires qui osent remettre en cause certaines décisions des autorités démontre que la junte reste déterminée à museler et contrôler toute prise de parole contestant sa légitimité. La stratégie de la junte malienne semble désormais tourner autour du contrôle total de la population, plutôt que de combattre le terrorisme qui décime les régions du Mali. La priorité n’est clairement plus de rétablir la sécurité.
Et puis, il est établi qu’en plus de piller les commerces, le matériel et les bétails de la population, les hommes de Wagner massacrent les civils innocents. Le mois de mars a connu une forte augmentation en termes de vols. Ces mercenaires dépouillent les populations de tous leurs biens, y compris les denrées alimentaires en les laissant dans une situation déplorable. Plus dangereuses encore sont les divisions apparues au sein de l’armée malienne entre ceux qui veulent participer aux massacres aux côtés des Russes et ceux qui veulent protéger la population et retrouver une vraie souveraineté, sans la Russie ni personne.
Par ailleurs, en plus des problèmes sécuritaires liés au terrorisme et à la terreur imposée par Wagner, les Maliens font face, depuis des mois et des mois, à une crise énergétique qui ne cesse de s’aggraver. Le gouvernement avait initialement garanti 12 heures d’électricité par jour à Bamako, chiffre qui n’a guère dépassé les 8 heures au maximum, et qui va tomber à 3 heures seulement dans les semaines à venir. Un coup dur pour les commerçants, notamment ceux vendant des denrées périssables, qui vont perdre rapidement leur marchandise. Cela va faire détériorer la situation économique et sanitaire du pays. Or, les populations vivaient déjà très mal la situation liée à l’énergie, que le gouvernement s’était engagé à solutionner.
Adama Touré, depuis Bamako
