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Rémi Rioux, Dg Afd sur la Coopération franco-béninoise : « Le Bénin a progressé dans le rang des nations »

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En mission au Bénin avec l’Equipe Europe, le Directeur général de l’Agence française de développement (Afd) est revenu mercredi 20 mars 2024, sur l’état de coopération entre la France et le Bénin. A cœur ouvert, Remi Rioux s’est montré satisfait de la qualité des relations entre les deux pays à travers l’Agence, tout en félicitant les autorités actuelles du Bénin, pour leur vision de développement. Interview…

Matin Libre : A quand remonte la coopération entre l’Afd et le bénin ?

Remi Rioux : Notre Agence ici a été ouverte en 1956. Donc, c’est un de nos pays historiques, je dirai d’intervention. On a commencé par travailler alors qu’on s’appelait la Caisse centrale de la France libre en 1956, donc avant les indépendances. Je dis souvent qu’on est l’Agence béninoise de développement (Rires…). On est l’Agence française et on en est fier mais on fait partie de l’équipe de tous les collègues qui sont ici au Bénin. Maintenant, on a beaucoup grossi et on est 36 ici à l’Agence au Bénin. Je pense que la majorité des collaborateurs sont maintenant béninois. Quand je vous dis qu’on est l’Agence béninoise de développement, ce n’est pas qu’un mot, c’est une réalité. C’est comme ça qu’on vit notre mission.

Quels sont les différents axes de coopération entre la France et le Bénin ?

Nous avons eu une longue discussion avec le Ministre d’Etat chargé de l’économie et des finances, Romuald Wadagni et un grand nombre de Ministres rassemblés autour de lui ; pour avoir une vue complète des enjeux du Bénin. Ensuite, un dîner avec le Président Patrice Talon qui nous a donné lui aussi sa vision des enjeux. Nous avons été agréablement surpris. Puisque, ce n’est ni la France, ni l’Union européenne qui décident des priorités du Bénin.

On est à l’écoute de la formulation de cette politique et on a été frappé tous par la clarté et la précision des axes stratégiques et ça nous a permis de vérifier ce qu’on a engagé en équipe Europe. Les trois axes qui ont été définis pour cette coopération étaient bien cohérents avec ce projet béninois. La façon dont il nous a été exprimé, c’est un grand accent sur la capital humain, la montée en compétence, en santé, en éducation, les salariés, la population béninoise, le tourisme, la culture comme secteur économique de création d’emplois sans oublier l’agriculture avec la capacité à retenir plus de valeurs dans le pays, le port, les chaînes logistiques, etc… Donc c’est ce qu’on a attendu et du coup on a confirmé aux autorités le programme qui a été bâti à Bruxelles avec tous les Etats membres qui est en trois pôles. Un pôle je dirai création d’emplois, formation professionnelle et entreprenariat.

Donc c’est pour ça qu’on a lancé hier après-midi, ce programme qui s’appelle Investir dans les entreprises et l’entreprenariat en Afrique. Dans sa déclinaison, c’est un programme panafricain qui a déjà été lancé je crois au Nigéria, au Kenya, aux Comores comme au Sénégal ; en général dans sept pays et dont on est venus échanger sur les déclinaisons béninoises avec la Dpme et la caisse de dépôt dont la partie financière qui sont les points d’entrée. Donc aligner un peu tous les programmes qui sont tournés vers la jeunesse, l’entreprenariat féminin, l’agriculture, le numérique. Et, pour tout cet ensemble, on a eu un encouragement vif des autorités. Pour le deuxième axe, on va y consacrer deux visites après vous avoir quitté. Il y a une croissante forte de la consommation énergétique, parce qu’il faut améliorer l’accès de la population notamment en zone urbaine et surtout en zone rurale. Il faudra donc à la fois la production, l’accès et le faire dans une logique régionale.

Donc on alloue trois projets ; je crois notamment, un grand projet photovoltaïque et on appuie depuis un certain temps tout ce qui s’appelle le Réseau Ouest-africain interconnecté avec de grandes infrastructures vers le Burkina, l’Ouest… C’est tout cet ensemble qui est le deuxième axe. Le troisième axe, c’est le port. Nos collègues Belges présents et nous aussi avons une attention particulière à tout cela. On sait ce que représente un port dans une ville, dans une région, dans un pays et on sait aussi la façon dont le port est géré selon les investissements qu’on y fait ; selon le dynamisme des sociétés de manutention et les résultats pour l’économie d’un pays. Donc, il y a des façons de faire sur lesquelles on peut échanger. C’est le port d’Anvers qui est l’opérateur du port de Cotonou. Ce n’est pas le propriétaire mais l’opérateur car c’est un contrat très clair.

C’est un modèle qui est intéressant et qui permet au port de grandir. J’ai vu le bâtiment qui est en train de grandir et qui n’était pas là il y a 30 ans quand j’étais en stage à l’Ena ici à Cotonou. C’est impressionnant. Il y a aussi un axe de création de valeurs pour doubler la capacité du port. C’est de ça qu’il s’agit. Nous, à titre français, on est dans les premières initiatives de l’équipe Europe à savoir l’entrepreneuriat et l’énergie. On regarde si sous l’angle public avec l’Afd et le port soit sous l’angle privé avec notre filiale pro parcours et les sociétés qui travaillent dans le port, si on ne pouvait pas aussi contribuer avec les collègues Belges ou autres à cette grande priorité. Donc, c’est ces trois volets auxquels évidemment le président Patrice Talon a ajouté le sujet culturel qu’il voit aussi comme un sujet de création d’emplois, comme source de valeur, d’accélération avec toutes ces cibles très ambitieuses.

Je crois réaliste ce qui a été fixé pour le tourisme pour le pays. Vous savez, la France depuis la restitution des œuvres d’art s’est engagée fortement dans les infrastructures muséales et culturelles. On est en train avec le ministère de la culture de construire le musée d’Abomey, on va construire le musée d’art contemporain ici dans le quartier culturel de Cotonou. J’étais sur les places avec une forte dimension patrimoniale de Porto-Novo ville verte. On ajoute ce supplément d’armes à cette vision de projet européen.

Quel est le point sommaire financier de la Coopération entre l’Afd et le Bénin ?

Entreprenariat, énergie durable et le port de Cotonou, ça fait une enveloppe de 1,2 milliards d’euro, ce qui fait environ 800 milliards de Fcfa d’investissement programmé par l’équipe Europe ici au Bénin. Ce montant est prévu uniquement pour ces trois sujets. Cela n’inclut pas ce que l’Afd fait pour la culture. S’agissant de l’Afd, on a un portefeuille au Bénin qui est de l’ordre 700 millions d’euro, donc environ 460 milliards. On investit dans de nombreux secteurs. On a une cinquantaine de projets en cours aujourd’hui. Donc, nous avons beaucoup augmenté nos activités ces dernières années et on le fait avec tous nos instruments. L’Afd finance les clients publics, le gouvernement, les entreprises publiques et autres. Nous avons une nouvelle filiale qui s’appelle Expertise France qui est en charge de l’assistance technique et renforcement de capacités, la partie humaine, je dirai qu’on ajoute la partie financière de nos activités. Donc, on a maintenant 19 experts d’Expertise France qui sont un peu partout dans les projets et ministères à l’appui de cet ensemble de priorités.

Le Bénin est-il un modèle parlant de coopération ?

Il y a une grande stabilité au Bénin. Donc, je vois la possibilité de travailler dans la durée et dans la confiance avec nos interlocuteurs. J’étais dans la visite du Président Emmanuel Macron quand il est venu à l’été 2022 ici à Cotonou. Donc, je sais les liens qui unissent nos Chefs d’Etat. Il y a une grande proximité, une grande confiance et ça se traduit dans les actes. Le Président Patrice Talon nous challenge et nous demande d’aller plus vite sur les projets. Donc merci aux équipes de l’Afd et des ministères. Ça fonctionne bien et les projets sortent de terre. Ça, c’est quand même une clé pour ensuite mettre tout le monde sous tension et quand on se promène dans Cotonou, dans Porto-Novo, on voit que le pays change et ça se voit à un moment dans les chiffres macro-économiques.  Vous avez battu toutes les cibles que vous-vous étiez fixées. Plus de 6% de croissance, le Bénin est devenu un pays émergent à revenu intermédiaire de la tranche inférieure comme le dit la Banque mondiale. Donc, il a progressé dans le rang des nations. La dette est maîtrisée, l’inflation contenue.

Il faut maintenant bien sûr que ces bénéfices économiques se diffusent en profondeur et que chaque béninois voit dans l’augmentation de ses revenus et de son cadre de vie, sa situation matérielle s’améliorer de telle sorte qu’il prenne encore plus confiance puisque la situation de ses enfants sera meilleure. C’est comme ça que les pays, à un moment, forgent un consensus politique fort et puissant qui permet de faire les réformes souvent difficiles de se mettre en mouvement. Donc je sens avec le recul que j’ai, que le Bénin est sur ce chemin qui passe par la vision, la capacité à diriger d’un chef de l’Etat et d’un gouvernement mais qui sait quelque chose de plus profond.

A un moment, c’est tout un système politique et c’est tout une société qui prend confiance et se tourne vers l’avenir. Je trouve encore une fois que c’est ce qu’on voit dans les cinquante projets qu’on met en œuvre avec les collègues dans beaucoup de ministères, d’agences, d’entreprises, de collectivités locales. On sent qu’il y a ce dynamisme qu’on ne trouve pas dans tous les pays. Félicitations pour cette mobilisation. Ces dynamismes-là vont amener le Bénin à un niveau de développement plus élevé sur un plateau de développement, sur une base qui est en train de s’affermir et de se renforcer. J’espère revenir dans six mois.

Réalisation : Janvier GBEDO

Transcription : Deo Gratias Egloh (Stag)

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