Du 15 mars au 15 juin 2024, l’espace culturel Le Centre accueille l’exposition « Territoires tissés ». C’est une restitution du travail fait durant 5 ans sur le pagne tissé utilisé au palais privé du roi Agonglo à Abomey. Une initiative de l’Association pour la valorisation et la promotion du tissage traditionnel d’Abomey (Avptta) avec l’Ecole du patrimoine africain (Epa) et l’Ecole nationale supérieure des arts visuels de La Cambre à Bruxelles qui a reçu l’accompagnement de l’espace culturel Le Centre de Lobozounkpa.

 Territoires tissés » est une exposition de textiles, photos, objets, documents et vidéos qui lèvent un coin de voile sur l’origine, l’usage des motifs et le rôle social des pagnes tissés dans l’ancien royaume de Danxomè, notamment au palais privé du roi Agonglo. L’idée est partie d’un constat de Constant Adonon, le président de l’Association pour la valorisation et la promotion du tissage traditionnel d’Abomey (Avptta). « Tout est parti de la Cour royale du roi Agonblo où les tisserands dans leur production durant des temps ignorent la richesse culturelle du roi Agonglo, un roi qui a beaucoup développé l’artisanat, l’art, les bas-reliefs, les teintures et le tissage. De façon spéciale, il a fait venir un tisserand Tayo du Nigeria, qu’il a mis au palais pour enseigner le tissage à tous ses fils dont mes grands-parents. Mais à un moment donné, on ne fait que de l’art pour survivre. On fait par liquidation parce que demain c’est jour du marché, je le fais, je vends et je continue mon chemin. Cela crée des méventes », a souligné Constant Adonon, président de l’Avptta. Pour changer cette routine qui n’est pas propice à la création, il fait appel à l’Ecole nationale supérieure des arts visuels de La Cambre à Bruxelles. « J’ai demandé à La Cambre, une université que j’ai connue dans mon parcours à Bruxelles, de venir on va travailler, 2 fois par an, avec les tisserands de tout le palais, sur les recherches des tissages que le roi, la reine, le prince ont utilisé à la Cour royale. Et ce travail a été fait par mon oncle Christophe Adonon qui détient une grande variété culturelle de tissage à la Cour royale. On a enseigné aux jeunes les noms de tous les tissus que vous avez vu sur les murs. Il y en a une centaine mais on s’est arrêté sur une quarantaine.

A partir des échantillons qui sont les originaux on a essayé de décliner d’autres échantillons », a-t-il laissé entendre. L’objectif, à ses dires, c’est de nous inviter à faire de nos accessoires de maison des tissages de la cour royale, porter un vendredi une belle robe en tissu coton du Bénin. Ça va faire la promotion du coton, faire la promotion du tissage, des tisserands. « D’ici 5 ans, dès qu’on porte un tissu, on puisse dire c’est du « Agonglo vô ». On ne dira plus que c’est du Vlisco, du Wax. On va donner un nom, un sens à ce que nous a légué nos parents, notre aïeul le roi Agonglo ».

Trois professeurs de l’Ecole nationale supérieure des arts visuels de La Cambre à Bruxelles ont donc répondu à l’appel de Constant Adonon. Il s’agit de Anne Masson, Giampiero Pitisci, Pierre Lhoas. Entre autres tissus historiques travaillés, on a le « Klibibi », le « Awlan », le Kansawu, etc.

 « Pour nous c’est un apprentissage du début jusqu’à la fin. On en a fait un projet interdisciplinaire. La valorisation et la variation des tissus historiques, jusqu’à travailler sur tout l’écosystème du palais, introduire un peu la teinture végétale, notamment le manguier. C’étaient des moments d’ateliers qui se sont déroulés à Abomey et par moment à Bruxelles sur 5 ans à raison de 2 ateliers par an. Une autre partie a été travaillée sur la circulation sur le site notamment sur la signalétique, la formation des guides sur la narration qui est très importante pour les tissus pour que les guides puissent valablement informer les touristes et les visiteurs. Il y a une trentaine de tisserands et tisserandes, 4 étudiants de l’EPA, qui se renouvelaient chaque année. Nous étions 3 professeurs et il y a aussi d’autres encadreurs qui ont participé au projet à Bruxelles, parfois à Abomey si nous on ne venait pas », a laissé entendre Anne Masson.

Quid du résultat ?

Pour Affossogbé Emmanuel, président des artisans du palais du roi Agonglo, ce projet est très rentable. « Avant, on ne tissait que les mêmes choses. Ce projet nous a fait ramener les anciens pagnes que nos rois ont tissés. Et c’est le doyen Christophe Adonon qui nous a révélé ces tissus-là. De là, il y a eu un grand changement au niveau de notre tissage. On ne savait pas que tel tissu peut faire une chemise, une robe, une nappe de table, le travail avec les belges nous a permis d’avoir des expériences », a-t-il souligné.

« J’ai vu de très belles choses », confesse le Ministre Jean-Michel Abimbola

Invité de marque au lancement de l’exposition « Territoires tissés », le ministre du tourisme, de la culture et des arts Jean-Michel Abimbola affirme être impressionné par l’innovation, la créativité dont ont fait montre les tisserands. « J’ai vu comment on essaie de moderniser, de faire des tissus plus légers, de différents grammages et coloris. C’est un plaisir que de voir ça, c’est enthousiasmant. Je suis persuadé que quand le site palatial d’Abomey sera restauré, quand le Musée des Amazones et des rois du Danxomè sera ouvert à l’horizon 2025, je suis sûr que ça donnera beaucoup d’activités à nos artisans qui pourront permettre à nos visiteurs, aux touristes étrangers de repartir avec des souvenirs. Aujourd’hui, c’est un beau vernissage, c’est une belle exposition et j’invite les béninois et béninoises à venir ici à Le Centre pour découvrir cette belle exposition », exhorte-t-il.

« C’est une exposition qui cadre bien avec notre vision », dixit Berthold Hinkati

Pour Berthold Hinkati, Directeur général de l’espace culturel Le Centre, l’exposition « Territoires tissés » est directement en lien avec la collection du Musée de la Récade. « Vous n’êtes pas sans savoir qu’on a un Musée unique au monde, le Musée de la Récade, qui regorge aujourd’hui une centaine d’œuvres traditionnelles authentiques et aussi d’œuvres contemporaines. L’Association pour la valorisation et la promotion du tissage traditionnel d’Abomey (Avptta) avec l’Ecole du patrimoine africain (Epa) et l’Ecole nationale supérieure des arts visuels de La Cambre à Bruxelles se sont rapprochés de nous pour une exposition de restitution, une exposition qui est directement en lien avec la collection du Musée de la Récade. Depuis 2015, nous ne faisons que la promotion du patrimoine culturel matériel et immatériel. Au regard de cela, nous avons répondu par l’affirmative. C’est cela qui donne l’exposition en cours.

C’est une exposition qui cadre bien avec notre vision. Aujourd’hui, nous sommes un label. Quand on parle de la Récade aujourd’hui, tout le monde pense au Musée de la Récade. Je suis très content de cette collaboration et vivement que cela perdure. J’invite le public à venir découvrir tout ce qui se trouve dans cette exposition, il y a du textile, des documents, des vidéos qui parlent de nos vestiges. Il y a le patrimoine culturel matériel qui s’exprime, aussi le patrimoine culturel immatériel. C’est notre identité que nous sommes en train de véhiculer aujourd’hui et l’exposition va durer pendant 3 mois », laisse entendre Berthold Hinkati.

Bertrand HOUANHO

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