Afin de contribuer efficacement à la lutte contre le paludisme qui demeure malheureusement encore la première cause de consultation et d’hospitalisation, le Bénin a opté conformément à sa stratégie nationale, d’impliquer les Organisations de la Société civile (Osc) pour agir sur le comportement des communautés à la base. Mettant en œuvre un plan national de plaidoyer validé avec l’ensemble des acteurs de la lutte, aujourd’hui les résultats se font sentir sur le terrain et les effets palpables.
Au Bénin comme dans plusieurs pays de la sous-région, la lutte contre le paludisme est périlleuse. Les résultats enregistrés ces dernières années sont loin de faire reculer le fléau. En 2021, selon le ministère de la santé, le paludisme a constitué la première cause de consultation et d’hospitalisation avec 43,5% dans la population générale et 49,4% chez les enfants de moins de cinq ans. L’incidence du paludisme dans la même année, est de 21,2% dans la population générale et de 48,1% chez les enfants de moins de cinq ans. Parmi les 12 départements que compte le Bénin, le fardeau du paludisme est plus important dans les quatre départements au nord du pays à savoir l’Atacora, l’Alibori, le Borgou et la Donga
Face à ces chiffres qui interpellent, les défis majeurs identifiés par les autorités centrales sont entre autres, le renforcement de la collaboration multisectorielle à tous les niveaux, l’accroissement soutenu de ressources et l’intensification des interventions pour atteindre l’objectif de l’éradication du paludisme d’ici 2030. Pour passer des paroles aux actes et conformément au Plan national de plaidoyer adopté en 2022 par tous les acteurs, plusieurs OSC ont investi les communes des départements les plus touchés pour davantage, renforcer les interventions de proximité. Car, comme le signalait l’ancien Coordonnateur National du Progrramme national de lutte contre le paludisme (Pnlp) par interim, Dr Cyriaque Affoukou, «au-delà des engagements au niveau de l’Etat central, on a besoin des Organisations de la société civile pour implémenter des actions au niveau local ». Depuis, sur le terrain, les OSC multiplient les actions de plaidoyer et de communication pour engager les élus locaux, mais aussi les communautés avec l’aide de médias de proximité.
C’est le cas de l’ONG SIA N’SON qui dans le cadre de ses interventions dans le département de la Donga, avec l’appui financier de l’USAID pour la mise en œuvre du projet ‘’Renforcement de la mise en œuvre du paquet d’intervention à haut impact au niveau communautaire’’ organise annuellement et surtout en saison pluvieuse, une campagne de destruction mécanique des gîtes larvaires. Une opération adoptée par les communautés dans plusieurs villages qui décident désormais de maintenir les bonnes pratiques d’assainissement du cadre de vie.
Des résultats édifiants et effets importants
Dans le cadre de la stratégie d’engagement des Organisations de la société civile (OSC) avec l’appui de Speak Up Africa dans plusieurs pays de la sous-région dont le Bénin, trois OSC ont bénéficié de subventions pour renforcer les actions du PNLP depuis deux ans. Aujourd’hui, dans leurs zones d’interventions respectives, les actions engagées produisent déjà des résultats.
L’engagement des leaders communautaires, des élus locaux, des groupements féminins et des médias de proximité recherché est de plus en plus effectif. Pour les deux OSC, DEDRAS ONG et l’ONG Racines, le rapport de suivi indique que 16 nouveaux comités villageois de lutte contre le paludisme dans les communes de Savè, Djidja, Grand-popo, et Klouékanmey, Banikoara, Copargo, Natitingou, Tchaourou sont installés et fonctionnels. Dans les écoles, 16 nouveaux clubs scolaires anti-paludisme ont été aussi mis en place sans oublier des groupements féminins qui ont désormais choisis de porter la cause de la lutte contre le paludisme. Dans la zone d’intervention de l’ONG Racines couvrant la zone sanitaire Dogbo Klouékanmè où les interventions en 2023 mettent l’accent sur le Traitement préventif intermittent (TPI) au profit des femmes enceintes, les effets de la mobilisation communautaire sont tangibles. Pour la Sage-femme du centre de santé communal de Dogbo, Judith Dahoué, grâce aux séances de sensibilisation organisées avec les groupements de femme, le centre a enregistré une hausse de fréquentation des femmes enceintes. « Le nombre de consultation a augmenté dans le centre. Dans le quartier Tota, pour un mois, sur 250 femmes venues en consultation, on a enregistré 96 nouvelles femmes. Pour le TPI, on a traité 162 et le TPI2+, 98 femmes », confie-t-elle. Pour le Responsable d’Unité Programmes Zou/Collines de l’ONG Racines, M. Gbaguidi, les acquis importants ont été enregistrés particulièrement dans la commune de Savè située dans le département des Collines au centre du Bénin. « Les comités villageois installés fonctionnent bien. Les actions de mobilisation et de sensibilisation continuent et de nouveaux comités sont créés avec l’implication du chef de village », signale-t-il. Il ajoute la précieuse contribution des médias communautaires associés pour porter plus loin, les messages appelant à un changement de comportement pour toucher les communautés à la base. « Il est clair qu’aujourd’hui les femmes enceintes n’attendent plus comme auparavant pour aller vers les centres de santé pour bénéficier du TPI. Les agents de santé le constatent déjà et c’est cela un effet de nos interventions », soutient-il.
Il n’y a donc plus de doute, l’action des OSC sur le terrain a contribué au renforcement des interventions du PNLP. Pour la Présidente de la coalition des OSC luttant contre le paludisme au Bénin, Yvette Alavo, la proximité des ONG avec les communautés constituent un atout majeur parce qu’elle leur permet, de « mieux impacter les populations ». Soutenant que les effets se feront davantage sentir avec le temps, elle appelle de la part des autorités centrales et des Partenaires Techniques et Financiers, à une implication plus accrue des OSC et une continuité dans les interventions. Pour l’heure, les OSC continuent leurs actions sur le terrain aux côtés du Pnlp et du ministère de la santé avec l’espoir qu’elles produisent plus d’impacts pour éradiquer le fléau.
Alain TOSSOUNON (Coll.)