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Retrait du Mali, Burkina et Niger de la Cedeao : Héribert-Label Adjovi : « Mieux vaut vivre seul, que mal accompagné »

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« Jusque-là, les populations étaient déçues d’une CEDEAO inefficace face à leurs problèmes. Maintenant, ils croient dur comme fer que la CEDEAO est le problème. » Telle est la réaction de Héribert-Label Élisée Adjovi, Spécialiste des Questions Internationales et Gouverneur du Magazine panafricain « Le Label Diplomatique » sur le Retrait du Niger, du Mali et du Burkina de la CEDEAO.

 

Interview

Journaliste : Le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont annoncé leur retrait de la Cedeao. La nouvelle vous a-t-elle surpris ? Et pourquoi?

Héribert-Label Élisée ADJOVI : Surpris !? Non, je ne suis pas surpris. Mais, je regrette que ce qui n’était qu’une probabilité devienne une évidence. Je regrette que l’incapacité des États membres de la CEDEAO à laver le linge sale en famille, dans la pure tradition africaine, ait aujourd’hui pour conséquence, le retrait des pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel (Burkina Faso, Mali et Niger) de la CEDEAO. Le Niger, justement victime d’une injustice flagrante du fait de la fermeture des frontières des États voisins, au nombre de la série de mesures coercitives et non conformes au Traité de la communauté. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Une CEDEAO incapable d’assurer la libre-circulation des personnes et des biens. Une CEDEAO incapable de construire une politique économique sous-régionale crédible. Une CEDEAO impuissante face aux attaques terroristes de ces États membres et parfois même complices de leur déstabilisation. Cette CEDEAO-là a perdu toute crédibilité. Donc, je ne suis pas surpris du retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la CEDEAO. Je regrette simplement qu’on ait laissé pourrir la situation, tel Ponce Pilate, et qu’on s’en indigne.

Ce n’est pas responsable !

De l’histoire de la Cedeao, est-ce la première fois qu’un ou des pays annoncent leur retrait de la Cedeao ?

Avant le Burkina Faso, le Mali et le Niger qui quittent la CEDEAO pour absence de soutien de la communauté sous-regionale à la lutte contre le terrorisme, la Mauritanie avait quitté la Cedeao en 2000 pour se consacrer à la construction de l’Union du Maghreb Arabe. Néanmoins, la Mauritanie a signé un accord d’association avec l’organisation le 9 août 2017. À travers cette alliance actée par la Ministre mauritanienne du Commerce, Naha Mint Mouknass, et son homologue sénégalais, Alioune Sarr, la Mauritanie devient donc officiellement membre associé de l’organisation.

Au demeurant, le triple retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger constitue un précédent grave, du fait du nombre de départ, de ce que ce sont des pays fondateurs de la CEDEAO et qu’ils ont leur menace de création de l’Alliance des Etats du Sahel à exécution, avec les institutions et mécanismes adéquats.

En tant qu’observateur de la vie sociopolitique de la sous-région, comment analysez-vous l’annonce des trois pays ?

Les officiers supérieurs de l’Armée sont connus pour être des stratèges. Ils ont tissé leur toile autour d’enjeux majeurs : l’économie (monnaie), la Sécurité-Défense, Diplomatie, etc. Donc, l’annonce du retrait de ces trois pays de la CEDEAO, après la création de l’Alliance des Etats du Sahel, est de l’ordre de la logique.

Mieux vaut vivre seul, que mal accompagné. Le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont pris leur responsabilité. Et il est fort à parier que tout ceci va accélérer le moment de vérité au sein de l’organisation sous-régionale : soit les dirigeants de la CEDEAO décident de s’affranchir de la tutelle des grandes puissances en général, des puissances occidentales en particulier, en donnant à la CEDEAO des moyens propres de sa politique, soit elle disparaîtra, faute de pays membres. Car, jusque-là, les populations étaient déçues d’une CEDEAO incapable d’apporter des solutions à leurs problèmes économiques et de sécurité. Désormais, elles croient dur comme fer que la CEDEAO est le problème. À moins d’un sursaut d’orgueil panafricaniste des dirigeants, les mois et les années à venir verront une CEDEAO « coquille vide ».

Selon vous, qu’est-ce qui n’a pas marché dans les négociations ou quelle est la goutte d’eau qui a débordé le vase ?

Par principe, il faut toujours se méfier d’un coup d’État militaire. Mais, après avoir dit ça, et lorsqu’on se retrouve dans des pays comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger où les hommes en treillis ont longtemps tiré la sonnette d’alarme et imploré leurs États ainsi que la CEDEAO à venir à leur secours, sans succès, l’humilité demanderait que les concernés fassent profil bas. Mais non ! Ils ont fait l’option de la démesure.

La goutte d’eau qui a débordé le vase, ce sont les mesures génocidaires à l’encontre de Niamey, juste après le coup d’État ayant installé au pouvoir le Général TCHIANI. Dans cette affaire, la CEDEAO a donné l’impression d’agir sur commande, au mépris des textes et du bon voisinage. C’est bien dommage !

Quels pourraient être les avantages et manques à gagner pour ces trois pays hors de la Cedeao ?

-De même, vu leurs poids économiques quels pourraient être les manques à gagner ou conséquences négatives pour la Cedeao ?

C’est un choix certainement douloureux pour les trois pays concernés. Sauf que c’est mieux de construire une communauté de destin autour de l’Alliance des Etats du Sahel que de laisser se poursuivre la situation de dégénérescence actuelle.

Tout le monde sera perdant dans cette affaire, avec un climat de méfiance voire de défiance renforcé entre la CEDEAO et l’Alliance des Etats du Sahel, en termes de circulation des personnes et des biens, de Sécurité-Défense et de relations diplomatiques.

En réaction à l’annonce des trois pays, la Cedeao informe qu’elle n’a pas encore été officiellement saisie et s’est néanmoins dite ouverte à une « solution négociée ».

D’après vous, quelle forme les éventuelles négociations pourraient désormais prendre ou quelle pourrait être la suite de ce dossier brûlant ?

Le langage diplomatique maladroit de la CEDEAO ne suffira pas à faire baisser la tension. Bien au contraire ! On aurait espéré le miracle de la lucidité qui amène la CEDEAO à faire son mea culpa et ramener la balle à terre. Mais, j’ai la faiblesse de croire qu’il y a trop d’intérêts en jeu qui pourraient, si l’on n’y prend garde, tuer le jeu des négociations nécessaires en la matière.

Beaucoup d’observateurs disent clairement, que derrière ce bras-de-fer, se cachent des « ennemis » invisibles pas tout à fait « inconnus » qui, hier comme aujourd’hui, croient que l’Afrique, « Berceau de l’humanité », doit toujours servir de souffre-douleur et de « vache-à-lait » pour les anciennes puissances coloniales.

La question qui reste posée est de savoir s’il y a encore, au sein de la CEDEAO, une réelle volonté, mais surtout la capacité de dire « non » à la re-colonisation programmée de l’Afrique. Ne vous y trompez pas : aujourd’hui, on parle des Etats du Sahel. Mais déjà, les pays du Golfe de Guinée sont dans le viseur. Mon Intime Conviction, c’est que la révolution de la renaissance africaine est inexorablement enclenchée,.. avec la CEDEAO ou sans elle !

Propos recueillis par M.M

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