Amnesty international a procédé ce jeudi, 07 décembre 2023 au lancement officiel d’un rapport sur les expulsions forcées au Bénin. Un rapport qui révèle des faits inquiétants concernant des expulsions liées à des projets visant à développer le tourisme sur le littoral béninois ainsi que l’amélioration du cadre de vie. Par le truchement d’une conférence de presse à Fidjrossè, le contenu du rapport a été dévoilé aux professionnels des médias.
« Chassés pour planter des cocotiers ». Expulsions forcées pour le tourisme et l’aménagement du littoral au Bénin. Tel est l’intitulé de ce nouveau rapport rendu public par Amnesty international. Fruit de recherches menées entre janvier et février 2023, le rapport révèle les conditions des expulsions réalisées dans le cadre de quatre projets de développement et d’aménagement. Selon le rapport, depuis 2021 plus de 6000 personnes ont été touchées le long du littoral Cotonou-Ouidah et depuis 2017, les statistiques restent inquiétantes et interpellent.
Amnesty déplore de multiples violations du droit à un logement convenable, notamment un manque de consultation en bonne et due forme, l’absence de préavis suffisant et raisonnable donné aux habitants, des expulsions menées de façon inacceptable, l’insuffisance ou l’absence d’indemnisation, et les obstacles rencontrés par les personnes concernées pour déposer des recours administratifs et juridictionnels. A en croire Fabien Offner, Chercheur à Amnesty international, les personnes expulsées n’ont pas été suffisamment informées avant l’arrivée des bulldozers. Il met en exergue des irrégularités dans le processus de recensement des victimes et des biens et déplore des expulsions nocturnes, sous la pluie ainsi que pendant les périodes d’examens scolaires. A l’en croire, certains expulsés n’ont pas du tout indemnisés tandis que ceux qui l’ont été, ont confié que les compensations étaient insuffisantes.
Pour Amnesty international, les nouveaux projets touristiques éblouissants ne peuvent cacher le spectre des expulsions forcées. Pour le Directeur exécutif d’Amnesty international Bénin, Dieudonné Dagbeto, les expulsions forcées se sont déroulées en violation flagrante de la législation nationale et du droit international relatif aux droits humains. “Les droits des habitants et habitantes ne doivent pas être négligés au nom du développement socioéconomique. Les expulsions forcées massives menacent gravement les droits fondamentaux des personnes concernées dans plusieurs localités du Bénin.
Ces actions ont des effets dévastateurs sur la vie des personnes expulsées, qui sont privées de leur logement, de leurs moyens de subsistance et de leurs liens sociaux“ déplore Samira Daoud, Directrice régionale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre à Amnesty International. Les autorités béninoises sont donc appelées à prendre les mesures nécessaires pour que les droits des personnes concernées par les expulsions forcées dont ce rapport fait état et ceux des autres personnes qui pourraient être concernées à l’avenir par des projets similaires soient respectés et protégés, et que les violations commises donnent lieu à des réparations.
Des recommandations…
A en croire Dieudonné Dagbéto, Directeur exécutif d’Amnesty international Bénin, au-delà du constat déplorable, le rapport formule des recommandations à l’endroit des autorités béninoises. Amnesty international recommande entre autres aux autorités de sursoir aux procédures d’expropriation des propriétaires fonciers à Avlékété, tant qu’un accord pour une indemnisation juste et préalable n’a pas été trouvé ; prendre des mesures urgentes pour proposer des mesures d’indemnisation et de réinstallation en consultation réelle avec les résidents de Fiyégnon 1, et en conformité avec le droit international ; mettre en place une commission d’enquête indépendante chargée d’examiner si les indemnisations pour les expulsions liées aux quatre projets présentés dans ce rapport (Marina de Ouidah ; station balnéaire à Avlékété ; centre administratif et commercial à Xwlacodji ; quartier Fiyégnon 1) ont été justes et préalables et si toutes les personnes devant être dédommagées ont bien été prises en compte au regard des normes internationales en la matière.
Il est également recommander au gouvernement de s’assurer que les logements des personnes réinstallées à Djeffa et Ahouandji répondent aux critères d’un logement convenable selon le droit international ; mettre en place un plan concerté avec les pêcheurs du littoral pour leur permettre de continuer leur activité dans des conditions adéquates et respectueuses de leurs droits économiques, sociaux et culturels ; garantir l’exécution d’Études d’impact environnemental et social (Eies) et de Plans d’action de réinstallation (Par) pour chaque projet menant à des expulsions ; garantir leur accessibilité aux personnes concernées et plus largement au public ; modifier le Code foncier et domanial du Bénin afin de le conformer au droit international en matière d’expulsions forcées.
Amnesty International appelle les autorités béninoises à mettre en place des mécanismes de résolution des griefs pour les victimes d’expulsions forcées, à garantir une indemnisation juste et équitable et à respecter ses obligations découlant du droit national et international relatif aux droits humains lors des expulsions de personnes. La protection des droits économiques, sociaux et culturels des populations concernées doit être une priorité absolue pour le gouvernement.
A.B