La digitalisation des services publics au Bénin prend en compte les actes non juridictionnels dont le casier judicaire. Un acte très important et régulièrement exigé dans la constitution de plusieurs dossiers mais dont la procédure d’obtention était loin d’être chose aisée. Seulement, depuis le 29 juillet 2020, date du lancement officiel du E-casier judiciaire, tout est devenu si simple !

 

Faire la demande de son casier judiciaire depuis son lit, sans se déplacer et l’obtenir en 72 heures au plus. C’est désormais possible au Bénin. La réforme du E-Casier judiciaire vient tout simplement soulager les populations béninoises, contraintes autrefois de se rendre auprès de la juridiction de leur lieu de naissance pour en faire la demande.

En effet, il y a encore quelques mois, il était impossible de faire la demande du casier judiciaire auprès d’une juridiction autre que celle du lieu de naissance du demandeur. Il n’était donc pas possible, par exemple, pour un citoyen né à Parakou (400 km au nord de Cotonou) de faire la demande du casier judiciaire à Cotonou. “J’ai raté deux concours de recrutement en deux mois à cause du casier judicaire. Il me fallait me rendre au tribunal de Natitingou (542 km au nord de Cotonou) pour en faire la demande. Mais cela a pris tellement de temps que je n’ai pas pu postuler à deux différents concours de recrutements en deux mois“ confie Mohamed Moudachirou, jeune étudiant résidant à Cotonou.

Amouhouè Hubert, enseignant, se remémore toujours cette mésaventure qui lui a coûté un voyage en 2018. Alors qu’il a été présélectionné pour un programme régional, ce dernier avait été invité à compléter son dossier de candidature et il lui fallait son casier judicaire. “Je ne savais pas que je ne pouvais l’obtenir qu’auprès du tribunal de mon lieu de naissance notamment le tribunal de Savalou (230 km au nord de Cotonou). Alors j’ai pris tout mon temps avant de me rendre au tribunal de Porto-Novo (30 km de Cotonou) pour en faire la demande puis ensuite au Tribunal de Cotonou sans pouvoir l’obtenir“. Conséquence, il n’a pu effectuer le voyage prévu dans le cadre du programme faute de casier judicaire.

Le casier judiciaire reste l’un des actes non juridictionnels les plus demandés par les citoyens béninois. Selon les données officielles du gouvernement, il est enregistré annuellement environ 180 000 demandes de casier judicaire. Il est quasiment rare de ne pas faire face à l’obligation de présentation d’un casier judicaire datant de moins de trois mois, dans le cadre d’un concours de recrutement au Bénin ou la constitution de tout autre dossier. Mais l’obtenir relevait souvent d’un parcours de combattant.

Outre le fait qu’il fallait recourir à la juridiction du lieu de naissance, il fallait attendre plusieurs jours et même plusieurs semaines pour l’obtenir alors que parfois, vous ne l’obtenez pas. “ Avant il fallait se rendre au tribunal du lieu de sa naissance et faire les frais puis attendre des jours (sans précision nécessaire) car tout dépendait du volume de demandes reçues par la juridiction…“ témoigne Me Kodjovi Anselme Kokouvi, Greffier du parquet près le Tribunal de première instance de Savalou et Secrétaire général du Syndicat national des travailleuses et travailleurs des services judiciaires et assimilés du Bénin (Syntrajab).

E-casier judiciaire : une réalité au Bénin

Officiellement lancé le 29 juillet 2020 dans le cadre de la dématérialisation de l’administration publique, le E-Casier est perçu comme un véritable soulagement par les béninois. Grâce à la digitalisation dudit service, il est possible de faire la demande de son casier judiciaire depuis chez soi ou partout dans le monde et pouvoir l’obtenir sans même se déplacer dans un délai de 72h au plus. Si la vision du gouvernement, à travers cet e-service, est le rapprochement de la justice, du justiciable et la fiabilité des renseignements contenus dans les casiers judiciaires, cela sonne la fin d’un véritable calvaire.

Disponible sur le Portail national des services publics, accessible via l’adresse web www.service-public.bj, le casier judiciaire est accessible en ligne à moindre coût. Pour faire la demande de l’extrait B3 de son casier judiciaire en ligne, il suffit de se rendre sur le portail national www.service-public.bj et choisir dans la liste des e-services, le casier judiciaire. Il faudra ensuite cliquer sur « faire la demande » pour remplir le formulaire proposé par le système. Le requérant devra donner des informations sur son identité, ses contacts téléphonique et électronique. Il aura ensuite à importer la copie numérique de son acte de naissance puis vérifiera l’exactitude des informations importées dans le système pour corriger les erreurs au cas où il y en aurait. Finalement, il faudra procéder au paiement d’une somme comprise entre 1900Fcfa et 2050 francs CFA via les méthodes de paiement numériques existantes au Bénin dont celles proposées par les réseaux GSM et les cartes Visa. Et en 72h au plus voire moins parfois, le requérant reçoit la version Pdf du casier judiciaire dans sa boite mail.

Une semaine après le lancement du e-service, plus de 300 E-casiers judiciaires ont été délivrés tandis que plus de 100 000 E-casiers judiciaires ont été délivrés en un an dont 80% en moins de 72 heures, selon les statistiques officielles du gouvernement. Toute chose qui démontre de l’importance de cet acte et la pertinence de la réforme.

Pour Me Kodjovi Anselme Kokouvi, Greffier du parquet près le Tribunal de première instance de Savalou et Secrétaire général du Syndicat national des travailleuses et travailleurs des services judiciaires et assimilés du Bénin (Syntrajab), l’émission du bulletin numéro 3 du casier judiciaire en ligne offre une certaine facilité.

Toutefois, il est à rappeler que des plaintes se font enregistrer malgré cette facilité. “Depuis bientôt une semaine, j’ai lancé deux casiers judiciaires…mais jusque-là rien…Il y a un concours lancé au Ministère de la Justice où le casier judiciaire est demandé“ a dénoncé Elie Sah sur sa page facebbok. Et à Victor Mahunon de déplorer également : “Ma demande de casier judiciaire, effectuée le 31 octobre reste sans suite, malgré une lettre de suivi envoyée le 7 novembre à l’adresse email: service-public@gouv.bj tel recommandé. Cette absence de réaction compromet sérieusement la confiance des utilisateurs envers ce service, surtout lorsque l’urgence de l’obtention du casier judiciaire est soulignée“.

Interrogé à propos des plaintes, Me Kodjovi Anselme Kokouvi estime que généralement les demandeurs se trompent et renseignent mal les rubriques sur la plateforme. Ce qui ne facilite pas le traitement de leur demande, a-t-il clarifié avant d’exhorter les citoyens à bien renseigner les informations lors de la demande du casier judiciaire en ligne. “ Ces plaintes s’expliquent par la non maîtrise de l’outil informatique par certains d’une part et par les éventuels soucis liés aux TICs d’autre part“ a-t-il expliqué. A l’en croire, “depuis un bon moment le taux des plaintes est très faible“. Et de rassurer qu’un numéro vert et WhatsApp est mis à disposition pour recevoir et traiter tous les problèmes liés aux demandes de bulletin numéro 3 du casier judiciaire.

Le E-casier judiciaire est délivré par le Centre national du casier judiciaire, une structure sous-tutelle du ministère de la justice et de la législation, chargée de l’élaboration, la tenue et la mise à jour du fichier national du casier judiciaire et de la liste des personnes recherchées. Le Centre reçoit et enregistre toutes les décisions donnant lieu à inscription au Casier Judiciaire. Saisie par correspondance, la Directrice du Centre national du casier judiciaire n’a pas daigné répondre à nos préoccupations. Contacté, le point focal communication du ministère du numérique et de la digitalisation a fait savoir que le sujet n’est pas du ressort ni de l’Agence des systèmes d’information et du numérique (ASIN) ni du ministère. “Ces e-services sont hébergés sur la plateforme nationale des services publics. Seule cette plateforme est sous notre responsabilité de gestion“ a-t-elle fait savoir.

Cet article a été rédigé par Aziz BADAROU dans le cadre de la Bourse de journalisme sur les IPN organisée par la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest et Co-Develop

 

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