Les derniers événements qui se sont déroulés en Afrique de l’Ouest, notamment les crises au Mali, au Burkina Faso, au Niger et plus récemment au Gabon ont donné de constater un phénomène nouveau. En effet, contrairement à la décennie précédente et bien plus tôt, on peut dire, sans risque de se tromper, qu’en Afrique généralement et plus singulièrement en Afrique francophone, il y a l’émergence d’une pensée collective qu’on peut nommer Opinion publique nouvelle. Il se peut que ce ne soit pas si nouveau que ça, mais sa visibilité a été accélérée par la conjonction des différents événements qui ont eu cours ces derniers mois et l’usage intensif par les populations de réseaux sociaux.

 

Désormais, bien avant d’avoir les versions officielles d’événements, il est fréquent de rencontrer sur les réseaux sociaux des versions non-officielles, apportant sur la place publique la nouvelle qui autrefois passait par le filtre du professionnalisme de la retenue et parfois de la manipulation. Bien entendu, le fait d’avoir cette marée d’informations traitées ou livrées par le tout-venant n’exclut pas la manipulation. Il s’agit d’ailleurs, d’une réalité indéniable qui s’est fluidifiée avec une pratique professionnelle de manipulation qu’on appelle fausses nouvelles – Fakenews, en anglais. Malgré cela, aujourd’hui, chaque utilisateur de smartphone ayant un compte sur un réseau social, quel qu’il soit, s’invite au cœur du traitement de l’information. Une nouvelle race d’acteurs, plus démocratiques, à la limite plus sauvages, dans le sens qu’il n’existe aucun moyen de contrôle sur les conditions et les moyens de production qu’ils déploient, se voit propulsée dans la chaîne de production et de traitement de l’information.

Une catastrophe en d’autres temps, on aurait pu dire. c‘est pourtant de ce chaos que naitra,  de notre point de vue, la nouvelle opinion publique africaine, en rappelant que même si elle  a toujours existée, elle n’était pas audible. Cette nouvelle opinion publique africaine, du moins francophone pour parler de notre espace linguistique, aborde tous les sujets même si certains restent, à ce jour, difficiles parce que trop techniques, trop complexes. Il n’en demeure pas moins qu’elle est active sur les questions de fond qui touchent son quotidien, la politique, ses droits, le coût de la vie, …Et également des futilités du dessous de la culotte.

Il n’est maintenant plus question d’attendre l’autorisation ou l’approbation d’un filtre pour critiquer un projet de loi mal ficelé, pour fustiger ou adouber un fait. D’ailleurs, les médias traditionnels sont dépassés par le dynamisme des réseaux sociaux au point de n’être réduit qu’à un rôle subsidiaire de validation des nouvelles issues desdits réseaux.

L’accès à l’information étant devenue plus libre, il en résulte que le nombre de personnes touchées par les nouvelles est plus grand. Ce qui implique que les réactions sur lesdites nouvelles sont plus nombreuses. C’est à partir de ce schéma d’évolution que nous pensons que se fonde la naissance de la nouvelle opinion publique africaine. Elle est le fruit du dynamisme des réseaux sociaux, Facebook, TikTok, Instagram et autres WhatsApp en sont les vecteurs, mais elle inclut également le fait que les populations prennent elle-même part à cette construction en donnant leurs opinions, fondées ou non. Cette prise de conscience est le souffle qui meut cette opinion. Un fait, aura toujours sur la blogosphère, le web, les réseaux sociaux, quelqu’un qui voudra commenter, être pour ou contre accepter ou refuser, nuancer ou rejeter. Plus il y aura de faits portés sur la place publique, plus il y aura d’opinions qui se feront. C’est ainsi qu’on peut envisager ce qui se produit chez nous. Cela induit une autre étape dans cette marche qui est celle de la qualité de l’opinion publique, mais ce n’est pas l’objet de notre réflexion du jour.

ERIC TCHIAKPE- Ecrivain

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