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Coup d’Etat au Niger : Implications sur les systèmes bancaires nigérien, béninois et de l’Union

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(Une réflexion de Dr Jean Comlan Panti)

Je ne voudrais pas entrer dans la qualification des mesures prises par les Chefs d’Etat de la CEDEAO (la Cour de Justice de l’UEMOA a été claire dans le dossier opposant la CEDEAO au Mali pour presque les mêmes décisions de l’Institution sous-régionale). Mais, je souhaite simplement donner mon avis sur les implications de ces mesures sur le système bancaire Nigérien, Béninois et de l’Union.

 

Même si, les décisions pareilles ont été prises contre le Mali, les faits peuvent ne pas produire les mêmes effets, du fait de la position du Niger et de ses relations privilégiées avec certains Partenaires Techniques et Financiers dont la référence est le Millénium Challenge Account-Niger (MCA) avec les américains à travers le Millénium Challenge Corporation (MCC).

A-     Du côté du Niger et au-delà

1- Les mesures prises par les Chefs d’Etat de la CEDEAO réduiraient la capacité financière des entreprises du Niger dans le financement de leurs activités respectives, ce qui agira sur leur capacité de remboursement des crédits contractés au niveau des banques mais aussi sur le financement à moyen et long de leur croissance interne voire externe et même des besoins générés par leur cycle d’exploitation si la situation perdure.

2- L’arrêt ou même la suspension de tout financement aux projets et programmes inscrits dans le Programme d’Investissement Public (PIP) ou non et financés par les Partenaires Techniques et Financiers (PTF) dans le cadre des accords pays avec ces derniers. Ces projets et programmes entrant bien dans le Programme National de Développement (PND) et le Programme d’Actions du Gouvernement (PAG) du Niger.

3- Les banques installées au Niger, qui dans le cadre du marché monétaire de l’Union ont obtenu des prêts interbancaires (nationaux ou régionaux) peuvent facilement se trouver dans l’incapacité de rembourser leurs échéances de prêt entre elles au Niger où auprès des autres banques de l’Union où elles ont contracté des prêts, en absence des remboursements clients ou autres.  Cette situation peut donc entraîner une crise de trésorerie systémique dans l’espace monétaire.

4- Il n’est pas exclu non plus qu’à terme, une ruée des clients vers ces banques nigériennes puisse se solder par un manque de trésorerie (les banques auraient utilisé les fonds sur le marché titres UEMOA, distribution de crédit à la clientèle, etc.), pouvant permettre de faire face aux retraits souhaités et par conséquent engendrer une panique bancaire.

Pour pallier cette situation, les banques installées au Niger devront évaluer leurs besoins de refinancement et trouver avec leurs maisons mères, surtout pour les banques appartenant à des groupes, des solutions provisoires telles que les prêts interbancaires et les refinancements privés.

C- Au niveau du Bénin

Le Bénin s’est engagé dans la construction du Projet de Pipeline ExportNiger-Bénin (PENB) en vue d’exporter du pétrole brut produit au Niger vers le marché international via le territoire béninois avec un investissement privé direct estimé à 600 milliards F CFA et 4,5 milliards d’euros de la Chine. A terme, le pipeline a pour objectif de transporter 4,5 millions de tonnes de pétrole par an, c’est-à-dire environ 35 millions de barils. Ce projet est conduit et cofinancé par plusieurs sociétés énergétiques mondiales.

L’opérationnalisation de ce projet devra démarrer en 2024 après sa finition prévue pour 2023. Il devra à terme induire d’importantes ressources financières pour le Niger et 300 milliards F CFA comme droits de transits et recettes fiscales durant les vingt premières années d’exploitation du pipeline pour le Bénin, sans oublier des milliers d’emplois créés ou à consolider de part et d’autre.

Pour réaliser ce projet, même à cette phase, plusieurs entreprises ont bénéficié du crédit au niveau du secteur bancaire béninois pour financer ce projet pipeline dans ses multiples composantes.

La faisabilité de telles activités engendre plusieurs opérations interbancaires entre les banques béninoises et même nigériennes et il est impérieux que ces opérations puissent faire impérativement l’objet d’attention par la prise de garanties supplémentaires (méthodes souvent employées par les banques pour parier le défaut de paiement) et autres mesures de maîtrise des coûts.

Les événements survenus au Niger devront donc apporter un coup de frein et par la même occasion bouleverser les plans de remboursement du financement du projet pipeline pour les entreprises ayant bénéficié de multiples crédits bancaires.

Il n’est pas superflu aussi de souligner que cette partie temporaire des ressources des banques du Niger et celles béninoises engagées dans ce projet peut affecter la fiscalité du Bénin et le recours au marché de l’État béninois dans les prochains mois.

De même, il est aussi important de mentionner que la fermeture  des frontières a des conséquences importantes d’une part sur les opérations en transit vers le Niger et donc sur le Port Autonome de Cotonou et les diverses sociétés qui interviennent dans la chaîne des opérations de manutentions, et d’autre part que celle-ci agit sur les  recettes  des PME, PMI, clientes ou non des banques et Institutions de microfinance (IMF) dont la contribution à la mobilisation des recettes budgétaires de l’Etat est indéniable, en raison de la floraison de l’informel dans l’économie des deux pays que sont le Bénin et le Niger. Rien que les transporteurs, les acheteurs et vendeurs de produits agricoles sans oublier les petits commerces aux frontières des deux pays sont déterminants.

Si la situation perdure, il est à craindre que les mesures contenues dans la réforme de Bâle III et qui visent à renforcer la qualité et le niveau des fonds propres des banques, la surveillance de la liquidité (Liquidity Coverage Ratio et Net Stable Funding Ratio) destinée à éviter les crises de liquidité et les tensions entre institutions financières et le ratio d’effet de levier se détériorent, mettant à mal la stabilité du système bancaire dans l’Union.

Par Jean Comlan PANTI

Docteur en Sciences de Gestion

Spécialité : Finance d’entreprises

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